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21 novembre 2024  

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Summarium de Paul Pontanus.

e secours de Notre Seigneur Jésus-Christ, source d'intelligence, du
bon jugement et de la vérité, étant invoqué, l'exposé des faits supposé vrai, voici, à mon avis, les points à discuter :

I. Les révélations ou apparitions doivent-elles être attribuées aux
bons ou aux mauvais esprits ?

II. Faut-il blâmer ou justifier le port du vêtement viril ?

III. Les faits et gestes établis au procès doivent-ils être blâmés ou excusés ?

IV. Les paroles de Jeanne sont-elles répréhensibles ou susceptibles de justification ?

V. A-t-elle erré dans la soumission à l'Église ?

VI. De tout ce qui précède, était-on fondé à la déclarer hérétique ?

VII. Le procès et la sentence rendus contre Jeanne croulent-ils pour vices dans la procédure ou pour toute autre cause ?


  Le premier article renferme comme l'abrégé de tous les autres. Il se divise en plusieurs parties.
  Dans la première partie il est dit qu'une certaine femme se donne comme favorisée de révélations et d'apparitions de saint Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite, qui viendraient à elle de la part de Dieu. Elle leur a fait voeu de virginité, et en cela ce premier article dit ce qui est répété dans le troisième.
  La seconde partie du premier article parle des hommages rendus par cette femme à ces mêmes esprits. C'est ce qui est dit encore au onzième article
  La troisième partie parle du commandement à elle fait par Dieu, de venir trouver le roi, du motif de cette mission, du signe donné. C'est affirmer ce qui sera répété dans le second.
  La quatrième partie traite des vêtements d'homme portés par cette femme. C'est aussi l'objet du cinquième article.
  La cinquième partie affirme que cette femme, à l'insu de ses parents, s'est éloignée de la maison paternelle, pour se jeter dans les armées. C'est l'objet du septième article.
  La sixième partie traite de la soumission à l'Eglise. C'est répété dans l'article onzième.
  La septième partie affirme que cette femme se donne comme certaine de son salut. Elle comprend ainsi ce qui est dit au onzième article.

  Il ne reste en dehors du premier article que l'article quatrième qui roule sur l'annonce certaine d'événements futurs, le sixième où il est question des mots Jhesus-Maria mis dans les lettres de l'inculpée ; le huitième qui a trait au saut de la tour (de Beaurevoir) ; le dixième où l'on parle de l'amour particulier des saintes pour le roi de France et pour son parti.
  Tout cela sera joint pour éviter des répétitions.


  Pour ce qui regarde la première partie du premier article, et par suite pour le troisième article, ceux qui seront consultés doivent faire les remarques suivantes: (1)
  Cette femme, lorsque fut commencé le procès, n'avait que 19 ans environ, ainsi qu'elle l'a affirmé à la première séance (p. 46). On doit donc considérer qu'elle n'avait ni la pleine vigueur de son âme, ni toute la plénitude de son intelligence. Elle a affirmé avoir entendu la voix pour la première fois dans le jardin de son père, et non pas auprès de l'arbre des Fées. Cette voix venait pour l'aider. Elle éprouva la première fois une grande frayeur, ce qui est signe du bon esprit (p. 52).
  Cette voix, disait-elle, lui a appris à bien se conduire et à fréquenter l'église; elle lui annonçait qu'elle ferait lever le siège d'Orléans. Ce qu'elle a fait (p. 53).
  Jeanne ne sait pas avoir jamais dansé auprès de l'arbre des Fées, depuis qu'elle a entendu les voix (p. 68). Quand les voix la quittaient, elle pleurait, et elle eût bien désiré que ces voix l'eussent emmenée avec elles (p. 73).
  Avant que le roi voulût l'admettre comme conduite par le bon esprit, il la fit examiner durant trois semaines par des ecclésiastiques de son parti, et ils jugèrent qu'en elle il n'y avait que bien (p. 75).
  Jeanne prophétisa aux Anglais qu'ils perdraient tout ce qu'ils avaient en France; ce que nous voyons aujourd'hui accompli (p. 84).
  Elle dit ne pas savoir si ses apparitions avaient des bras, ou d'autres membres bien formés (p. 86). La voix parlait un langage bien clair, et Jeanne comprenait bien. Cette voix était belle, douce et humble (p. 86). Elle lui disait que le roi serait rétabli dans son royaume, avec ou contre le vouloir de ses ennemis. Elle sait qu'il recouvrera le royaume de France; elle le sait aussi certainement qu'elle sait qu'il y a des interrogateurs en sa présence (p. 88). Sainte Catherine et sainte Marguerite l'exhortent à se confesser souvent (p. 89).
  Il est plusieurs points sur lesquels elle ne veut pas répondre, parce qu'elle ne le pourrait pas sans se parjurer (p. 139). Dans tout ce qu'elle a fait d'extraordinaire, ses voix l'ont grandement secourue, et d'après elle c'est un signe qu'elles viennent de Dieu (p. 169). La première fois que saint Michel vint vers elle, elle craignit et ne crut pas; mais dans la suite il lui donna tant d'enseignements, qu'elle connut que c'était bien lui (p. 171).
  L'ange lui donnait des avis; il l'exhortait sur toutes choses à être la jeune fille vertueuse, et lui promettait que Dieu l'aiderait (p. 171).
  Jeanne croit que ses voix étaient bonnes; et cela aussi fermement qu'elle croit que le Christ a souffert pour nous (pp. 173 et 174). Elle le croit à cause du bon conseil, du réconfort, et du bon enseignement qu'elle en a reçus (pp. 174, 274).
  Jeanne dit ne pas croire aux fées; bien plus, elle croit qu'il y a là quelque sortilège (p. 187). La voix l'a gardée, lui a appris à bien se conduire et à fréquenter l'église (p. 52).
   Les voix l'appelaient Jeanne fille de Dieu (p. 130). Dans tout ce qu'elle a fait, il n'y a ni sortilège, ni rien de mauvais (p. 237). Les Anglais seront expulsés du royaume (p. 178).
  . . . A cinq reprises elle s'est excusée de ne pas répondre parce qu'elle ne le pourrait pas sans se parjurer... (p. 60). A la question, si c'étaient ses mérites qui lui avaient valu ces révélations, elle a répondu que c'était pour grande chose, pour le roi, pour le secours des bonnes gens d'Orléans; qu'il a plu à Dieu de ce faire, et de repousser les ennemis du roi par une simple pucelle (p. 145). En fait de révélations, elle n'en croirait ni homme, ni femme, sans de bons signes (p. 379). Quand sainte Catherine et sainte Marguerite l'abordaient, Jeanne faisait le signe de la croix (p. 395).
  Dans l'information préparatoire, F. Martin de l'ordre des Prêcheurs, qui l'entendit en confession, dépose qu'elle fut toujours pleine de foi et de dévotion, mais surtout dans ses derniers moments (p. 366). F. Isambart dépose aussi de son côté qu'un Anglais qui la haïssait grandement, à la vue d'une fin si sainte, fut ravi comme hors de lui, et tomba comme dans une sorte d'extase. Au moment du dernier soupir (de la martyre), il crut voir une colombe blanche s'échapper de la flamme (p. 352). Le prêtre Marie Thomas dépose avoir ouï dire à plusieurs qu'ils avaient vu le nom de Jésus écrit sur les flammes du bûcher qui la consumait (p. 372).

  Sur la seconde partie du premier article, et par suite sur le onzième, il faut ajouter les points suivants :
  Jeanne affirme n'avoir jamais demandé à ses voix d'autre récompense finale que le salut de son âme (p. 57). Elle priait la voix de lui obtenir secours de Dieu; elle n'honorait donc cette voix que de la manière dont nous honorons les saints (p. 126). Elle demandait trois choses aux saintes : que Dieu la délivrât, qu'il conservât dans l'obéissance les villes déjà soumises; le salut de son âme (p. 154). Elle vénère sainte Catherine et sainte Marguerite parce qu'elle croit qu'elles sont celles qui sont dans le paradis. Elle le fait à l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Vierge Marie, et des saintes Catherine et Marguerite qui sont dans le ciel (p. 168). Elle n'a jamais demandé à ses voix d'autre récompense que le salut de son âme (p. 179). Elle rend ses hommages à sainte Catherine, qui est dans le ciel, parce qu'elle pense que c'est celle qui lui apparaît (p. 168).

  A la troisième partie du premier article, l'on doit ajouter que Jeanne disait être venue pour le bien de la patrie, du roi, des bonnes gens d'Orléans (p. 145), qu'il a plu à Dieu de faire ces choses par une simple pucelle (p. 145), que saint Michel en lui apparaissant lui donnait des avis salutaires, lui recommandait d'être bonne, que Dieu l'aiderait, et qu'entre autres choses elle viendrait au secours du roi de France ; il lui racontait la grande pitié qui était au royaume de France (p. 171). Le motif était donc saint et miséricordieux.
  Qu'on observe qu'elle objectait à la voix qu'elle n'était qu'une pauvre fille, qu'elle ne savait ni monter à cheval, ni conduire la guerre (p. 53).
  Elle ne s'est donc pas ingérée d'elle-même.
  Elle était la messagère de Dieu auprès du roi, puisqu'elle venait lui annoncer qu'il recouvrerait son royaume (p. 139); elle pouvait donc s'appeler ange, c'est-à-dire messagère. Elle répond que, par sainte Marie, elle ignore s'il y avait un ange au-dessus de la tête du roi; elle ne l'a pas vu alors qu'elle a donné le signe (p. 57). Elle insinue assez clairement que l'ange qui portait la couronne n'était autre qu'elle-même, lorsqu'elle dit avoir demandé au roi qu'on la mît à l'oeuvre, et que le royaume en recevrait allégement (p. 126). Interrogée si l'ange porteur de la couronne était celui qui lui apparaît, elle répond : c'est toujours le même ange, et il ne m'a jamais fait défaut (p. 426). Elle dit encore que le signe donné fut que l'ange qui apportait la couronne assura le roi qu'il posséderait en son entier le royaume de France, par le secours de Dieu et par le moyen de Jeanne, et qu'on la mît à l'oeuvre. Cette couronne, dit-elle encore, signifiait que le roi posséderait le royaume dans son entier (p. 139).
  Quant à la révérence faite au roi, si on l'entend de Jeanne, il n'y a là rien de répréhensible. Elle affirme encore que le roi et son entourage crurent que l'ange qui apparaissait à Jeanne était le bon, sur l'avis des ecclésiastiques, à cause de leur savoir, et parce qu'ils étaient clercs (p. 146). Elle dit aussi que lorsqu'elle donna son signe au roi, elle croit que le prince était seul, quoique beaucoup de gens ne fussent pas loin (p. 143).

  La quatrième partie du premier article, et par suite du cinquième : du vêtement d'homme. Voici les observations à faire :
  Interrogée si elle prendrait un vêtement de femme, elle répond ; donnez-le-moi, je le prendrai et je me retirerai, autrement non (p. 68). Elle dit avoir pris l'habit d'homme par le commandement de Dieu, et si Dieu lui ordonnait d'en prendre un autre, elle le ferait (pp. 161 et 147).
  Ce n'était donc pas une intention coupable qui le lui faisait revêtir.
  Interrogée si elle n'a pas péché en prenant le vêtement d'homme, elle répond qu'il est mieux d'obéir au souverain Seigneur, c'est-à-dire à Dieu (p. 166). Elle ne croit pas mal faire de porter un habit d'homme pour le bien de son parti (p. 133).
  Elle dit encore que pour l'habit d'homme, ce qu'elle a fait, elle l'a fait sur le commandement de Dieu, et qu'elle le quitterait quand il plairait à Dieu (pp. 161 et 247).
  Dans la première séance, elle a demandé à entendre la messe. Elle a requis très instamment, à l'honneur de Dieu et de la bienheureuse Marie, qu'on lui permît d'entendre la messe; qu'on lui donnât pour cela un vêtement de femme, sans queue, et qu'elle le prendrait (p. 163). Elle s'excuse de ne pas le quitter, parce qu'elle a promis au roi de ne pas le laisser (p. 165). Elle dit qu'elle ne recevra pas le viatique à condition de le laisser (p. 192). Que, pour entendre la messe, elle ne peut pas quitter son vêtement d'homme (pour toujours) (p. 227).
  Et encore elle dit : Donnez-moi l'assurance d'entendre la messe, si j'ai un vêtement de femme, et je vous répondrai. Cette assurance lui étant donnée, elle repartit : Que me direz-vous, si j'ai fait serment de ne pas quitter le vêtement d'homme ? Et cependant faites-moi faire une robe longue jusqu'à terre et sans queue; je la prendrai, j'irai à la messe, et au retour je reprendrai ce vêtement d'homme; et elle requit très instamment pour l'honneur de Dieu et de Notre Dame de pouvoir entendre la messe.
  Comme il lui fut répondu qu'elle devait s'engager d'une manière absolue à prendre un vêtement de femme, elle reprit : Donnez-moi l'habit d'une fille de bourgeois, à savoir une houppelande longue, et je le prendrai et même le chaperon de femme pour aller ouïr la messe ; et aussi le plus instamment qu'elle peut, elle requiert qu'on lui laisse cet habit qu'elle porte, et qu'on la laisse ouïr la messe, sans le changer (pp. 164, 166). Elle ne prendra l'habit de femme que lorsqu'il plaira à Dieu... Elle aime mieux mourir que de révoquer ce que Dieu lui a fait faire (p. 176). Elle ne laissera pas son habit sans le congé de Notre Seigneur, dût-on lui trancher la tête; mais s'il plaît à Notre Seigneur, il sera bientôt obéi (p. 247). Et encore : Quand j'aurai fait ce pourquoi je suis envoyée de par Dieu, je prendrai habit de femme (p. 394). Elle dit (le 2 mai) qu'elle voulait bien prendre longue robe et chaperon de femme pour aller à l'église et recevoir son Sauveur, ainsi qu'elle en avait autrefois répondu, pourvu qu'aussitôt après, elle pût les quitter et reprendre l'habit qu'elle porte (p. 394).
  Interrogée après son abjuration (prétendue) pourquoi elle avait repris son habit d'homme, elle répondit qu'étant parmi les hommes cela lui était plus licite ou convenable qu'un habit de femme; et qu'elle l'avait repris parce qu'on ne lui avait pas tenu ce qui lui avait été promis, de la laisser aller à la messe et de la mettre hors des fers. Qu'on lui donne les prisons ecclésiastiques, elle fera ce que les juges veulent, reprendra le vêtement de femme; que pour le reste elle n'en fera rien (pp. 456-58).
  Au procès préparatoire, le greffier Manchon dépose que Jeanne portait des vêtements d'homme, sans oser même se déshabiller, par crainte d'être exposée durant la nuit à la violence de ses geôliers; elle s'est plainte deux fois des attentats dirigés contre sa vertu. Le même témoin dépose que lorsque Jeanne eut repris les vêtements de femme, elle était contente ; elle demanda qu'on lui donnât la compagnie des femmes, qu'on la mît dans les prisons de l'Église; et qu'elle fût sous la garde des ecclésiastiques.
  Pour s'excuser d'avoir repris les vêtements virils, elle disait qu'elle ne l'aurait pas fait si elle avait été renfermée dans les prisons de l'Église; mais qu'elle n'avait pas osé rester parmi les hommes avec un vêtement de femme (t. II, p. 300) (2).
  Le frère Bernardin (Isambart de Lapierre) confirme la déposition précédente. Il ajoute qu'un personnage anglais très haut placé essaya de lui faire violence. Elle reprit les vêtements d'homme pour être plus agile à la résistance. Elle avait laissé les vêtements de son sexe pour ne pas provoquer de mauvais désirs parmi les hommes, au milieu desquels elle vivait (t.II, p. 305).
  M. Jean Massieu dépose que les gardes, pendant que Jeanne était couchée, lui enlevèrent les vêtements de femme; que les ayant demandés, ils lui furent refusés, et qu'un impérieux besoin de nature la força de reprendre le vêtement d'homme. Sur quoi on l'accusa d'être relapse (t.II, pp. 333 et 18).
  F. Martin dépose de son côté qu'un grand milord anglais entra de nuit dans sa prison pour lui faire violence, et que ce fut la raison pour laquelle elle reprit le vêtement d'homme, ainsi qu'elle l'affirma elle-même (t.II, pp. 8, 306, 365).

  La cinquième partie du premier article et par suite le septième article. Observer ce qui suit :
  Elle est venue vers Baudricourt avec son oncle (p. 53). Elle s'excusait auprès des voix de ce qu'elle était une pauvre fille, n'entendant rien à conduire la guerre, ou même à monter à cheval (p. 53).
  Elle aurait préféré être tirée à quatre chevaux plutôt que de venir d'en France sans l'ordre de Dieu (p. 74). C'était pour éviter de tuer quelqu'un qu'elle portait l'étendard sur lequel étaient gravés les noms : Jhesus, Maria (p. 78).
  Elle est venue pour que son roi recouvrât le royaume.
  Elle a toujours obéi à son père et à sa mère, excepté dans la circonstance de son départ; elle leur en a écrit, et ils lui ont donné leur consentement (p. 129). Puisque Dieu commandait, elle devait le faire, quand même elle eût été fille de roi (p. 129). Si elle ne les a pas avertis, c'est pour leur éviter la douleur que cette nouvelle leur eût causée (p. 129).
  Elle a affirmé que les Anglais seraient chassés de France, excepté ceux qui y mourront (p. 178). Elle n'attend de Dieu d'autre récompense que le salut de son âme; elle n'a jamais tué personne (p. 78)... Sans la grâce de Dieu, elle ne pourrait rien faire (p. 294).
  Lorsqu'elle était dans les armées, elle couchait la nuit avec une femme, et lorsqu'elle ne pouvait pas en avoir, elle couchait habillée et armée (p. 64).
  Son étendard et les peintures qui l'ornaient étaient à l'honneur de Dieu. La victoire de l'étendard, et tout ce qu'elle a fait de bon, doit être rapporté à Dieu. L'espérance de la victoire était fondée en Dieu et non ailleurs (p. 182).

  La sixième partie du premier article, et par suite le douzième article : la soumission à l'Église.
  Elle affirme avoir gardé les commandements de l'Église en se confessant et en communiant chaque année, conformément au précepte ecclésiastique (p. 51).
  Interrogée à quel Pape il fallait obéir, elle répond que d'après elle c'est au Pape qui est à Rome, et que c'est au Pape de Rome qu'elle attache sa foi (pp. 82-83).
  Elle demande que les clercs voient et examinent ses réponses. Qu'on lui dise s'il y a quelque chose d'opposé à la foi chrétienne commandée par Notre Seigneur ; elle ne voudrait pas le soutenir et elle serait bien courroucée d'aller contre (p. 162).
  Interrogée si elle veut soumettre ses dits et faits à l'Église, elle répond : Tous mes dits et faits sont de Dieu, et c'est à lui que je m'en attends. Je vous certifie que je ne voudrais rien faire ou dire qui fût contre notre foi chrétienne. Si j'avais fait ou dit, s'il y avait sur mon corps, chose que les clercs pussent montrer être contre la foi chrétienne, que notre sire a établie, je la mettrais dehors. Par ces paroles elle semble s'être soumise au moins implicitement à l'Église (p. 166).
 Interrogée si elle veut soumettre tous ses faits, soit en bien, soit en mal, à la détermination de sainte mère Église, elle répond que, quant à l'Église, elle l'aime et voudrait la soutenir de tout son pouvoir pour notre foi chrétienne; que ce n'est pas elle qu'on doit détourner d'aller à l'église et d'ouïr la messe (p. 174). Ces paroles montrent ce qu'elle entendait par le mot: église.
  Pour ce qui est des bonnes oeuvres qu'elle a faites, il faut qu'elle s'en rapporte au roi du ciel qui l'a envoyée vers le roi de France (p. 174).
  Interrogée si elle s'en rapporte à l'Eglise, elle répond : Je m'en rapporte à Dieu, à Notre Dame, et à tous les saints et saintes du Paradis; et il me semble que c'est tout un de Notre Seigneur et de l'Eglise, et que l'on ne doit pas faire de difficulté sur cela. Pourquoi faites-vous des difficultés que ce soit tout un (p. 175). ?
  On lui dit la différence. Elle répond que pour maintenant elle ne répondra pas autre chose (p. 176).
  Elle aime mieux mourir que révoquer ce qu'elle a fait par le commandement de Notre Seigneur (p. 227).
  Elle a requis d'être menée devant le Pape, et que devant lui elle répondra de tout ce qu'elle doit répondre (p. 185).
  Avertie de se pourvoir, elle répondit : Quant au conseil que vous m'offrez, je vous en remercie, mais je n'ai pas l'intention de me départir du conseil de Notre Seigneur (p. 201).
  Elle croit que notre saint Père le Pape de Rome, les évêques et les autres gens d'Eglise sont pour garder la foi chrétienne et punir ceux qui défaillent; mais quant à elle, de ses faits, elle se soumettra seulement à l'Église du ciel, c'est à savoir, à Dieu, à la vierge Marie et aux saints et saintes du Paradis. Elle croit fermement n'avoir pas défailli en notre foi chrétienne, et elle n'y voudrait pas défaillir (p. 205).
  Elle croit au Pape de Rome, affirme-t-elle (p. 244).
  Quand on conclut, à la fin des articles, qu'en matière de foi elle nourrit des sentiments mal sains, elle répond : Je m'en rapporte à notre Seigneur (p. 322 et suprà).
  Pour ce qui est de la soumission à l'Église militante, elle dit qu'elle voudrait porter honneur et révérence à l'Église militante de tout son pouvoir; mais de s'en rapporter de ses faits à cette Église, il faut que je m'en rapporte à Notre Seigneur qui me les a fait faire (p. 313).
  Interrogée si elle veut s'en rapporter à l'Église militante pour ce qu'elle a fait, elle demande un délai jusqu'au samedi (p. 314). Que ses réponses soient lues et examinées par les clercs, et qu'on lui dise s'il y a quelque chose contre la foi chrétienne. Elle saura bien de par son conseil ce qu'il en est; elle dira ensuite ce qu'elle a trouvé par son conseil. Si cependant il y avait là quelque mal, quelque chose qui fût en opposition avec la foi chrétienne prescrite par Notre Seigneur, elle ne voudrait pas le soutenir, et elle serait courroucée d'aller contre (p. 314).   Interrogée si elle s'en rapporte à la détermination de l'Église militante, elle répond : Renvoyez à samedi (p. 314).
  Le samedi, interrogée si elle doit pleinement répondre au Pape, elle requiert d'être menée en sa présence, et, ajouta-t-elle, je lui répondrai ce que je dois (p. 315).
  Elle dit encore s'en rapporter à l'Église militante pourvu que cette Église ne lui commande pas chose impossible, à savoir de révoquer ce qu'elle a dit et fait de la part de Dieu. Elle ne le révoquera pas pour quelque chose que ce soit au monde, ni pour homme qui vive. Elle s'en rapporte à Notre Seigneur, dont elle fera toujours le commandement. Au cas où l'Église militante lui commanderait quelque chose de contraire au commandement que Dieu lui a fait, elle ne s'en rapporterait à personne au monde (pp. 324-325).
  Interrogée si elle croit être sujette au Pape, aux cardinaux, aux évêques, elle répond que oui, Notre Seigneur premier servi. Elle sait que ce qu'elle a fait est du commandement de Dieu (p. 325-326).
  Elle affirme qu'elle aime Dieu et le sert, qu'elle est bonne chrétienne et qu'elle voudrait aider et soutenir l'Église de tout son pouvoir (p. 380).
  Elle dit qu'elle ne croit pas avoir fait quoi que ce soit contre la foi chrétienne.
  Malade, elle requiert la confession, le sacrement d'Eucharistie et d'être enterrée en terre sainte (p. 377). Elle croit que l'Écriture est révélée de Dieu (p. 379).
  Elle est bonne chrétienne, bien baptisée et mourra en bonne chrétienne (p. 380) et elle veut bien que les ecclésiastiques et les catholiques prient pour elle (p. 380).
  Je crois bien, dit-elle, à l'Église militante d'ici-bas; mais de mes faits et dits, ainsi que je l'ai répondu d'autres fois, je m'en attends et je m'en rapporte à Dieu. Je crois bien que l'Église militante ne peut errer ou faiblir; mais quant à mes dits et faits, je les rapporte du tout à Dieu, qui m'a fait faire ce que j'ai fait (pp. 392-393).
  Interrogée si elle n'a pas de juge sur la terre, au moins le Pape : J'ai bon maître, répondit-elle, à savoir Notre Seigneur, auquel je m'en rapporte de tout et non à un autre (p. 393).
  Interrogée si elle veut se soumettre à notre saint Père le Pape, elle répond : Menez-moi vers lui et je lui répondrai (p. 394).
  Elle dit avoir consulté ses voix pour savoir si elle se soumettrait à l'Église, et elles lui ont dit que si elle veut être aidée, elle s'attende de tout à Notre Seigneur (p. 401).
  Elle dit (le 24 mai au cimetière Saint-Ouen) : Pour ce qui est de la soumission à l'Église, je leur ai répondu sur ce point : pour toutes les œuvres que j'ai faites, et pour tous mes dits, qu'on les envoie à Rome vers notre saint Père le Pape, auquel et à Dieu premier je m'en rapporte.
  Interrogée si les dits et faits qu'elle a accomplis, elle veut les révoquer, elle répond : Je m'en rapporte à Dieu et à notre saint Père le Pape (p. 445).
  Pendant qu'on lisait la sentence de condamnation, elle dit vouloir tenir ce que tiennent l'Église et les clercs, s'en rapporter de tout à la sainte mère Église, et elle fit l'abjuration dont il est question au procès (p. 446).
  Si on lui promet qu'elle entendra la messe, qu'elle sera mise hors les fers, et renfermée dans la prison gracieuse, elle sera bonne (obéissante) et fera ce que l'Église voudra; sans quoi elle préfère mourir, plutôt que d'être dans les fers, comme elle est (p. 456).
  Après l'abjuration, les voix lui ont fait une grande pitié pour la grande trahison qu'elle avait faite en abjurant pour sauver sa vie (p. 456).
  Jeanne disait (d'après les voix) que le prêcheur (Erard) était un faux prêcheur, et qu'il l'avait accusée de plusieurs choses qu'elle n'avait pas faites (p. 457).
  Et encore : Si elle disait que Dieu ne l'a pas envoyée, elle se damnerait ; qu'il est vrai que Dieu l'a envoyée; qu'elle avait abjuré par crainte du feu (p. 457).
  Elle protesta qu'elle n'entendait pas dire et faire ce qu'on lui a attribué ; qu'elle ne comprenait pas la cédule d'abjuration ; qu'elle aime mieux faire pénitence en une fois, à savoir mourir, qu'endurer plus longtemps sa peine en chartre (prison séculière) ; qu'elle n'entendait rien révoquer que sous le plaisir de Dieu; que si les juges veulent lui donner prison gracieuse, elle reprendra l'habit de femme; mais qu'on n'obtiendra rien autre chose d'elle (p. 456).
  Voilà ce que l'on peut lire dans le procès de condamnation.
  Dans le procès préparatoire, le premier témoin (Manchon) dépose qu'au jugement de tous Jeanne ne comprenait pas le fait de l'Église, et que deux Frères Pêcheurs ayant voulu l'en instruire furent exposés à de grandes menaces et à de grands périls de la part des Anglais (t. II, p. 299 et 341).
  Le deuxième témoin (le prieur Migeci) : D'après ce qu'il a entendu, Jeanne avait le cœur à Dieu; elle a voulu obéir à Dieu et à l'Église (t.II, p. 302).
  Le troisième témoin (Isambart de la Pierre) : Jeanne était bonne et catholique, elle finit d'une manière catholique en invoquant le saint nom de Jésus jusqu'au dernier soupir; elle pria le témoin de tenir la croix sous ses yeux. Interrogée par l'évêque de Beauvais si elle voulait se soumettre à l'Église, elle répondit : Qu'est-ce que l'Église ? Pour ce qui est de vous, je ne veux point me soumettre à vous, parce que vous êtes mon ennemi mortel. Le même témoin dépose qu'ayant dit à Jeanne qu'il se tenait un concile où se trouvaient des évêques du parti français, elle répondit qu'elle s'y soumettait. Mais il fut répondu à ce même témoin de se taire au nom du diable (t.II, p. 304).
   Le quatrième témoin (Cusquel, citadin de Rouen) : « Sur ma conscience, Jeanne était bonne catholique, de vie honnête et vertueuse; telle était la renommée dont elle jouissait » (t.II, p. 306).
  Le cinquième témoin (Martin Ladvenu) : Jeanne interrogée si elle se soumettait à l'Église répondit : Qu'est-ce que l'Église? Comme il lui fut reparti que le Pape et les évêques représentaient l'Église, elle repartit de son côté qu'elle s'y soumettait, et qu'elle demandait à être conduite au Pape. Le témoin l'a entendue en confession à la fin de sa vie ; elle a communié avec la plus grande dévotion, et une grande abondance de larmes (t.II, p. 308).
  Dans la seconde information, le premier témoin (Taquel) dépose que lorsqu'on eut exposé à Jeanne ce que c'était que l'Église, elle déclara se soumettre à ses jugements. A sa dernière heure elle fit les prières les plus dévotes; elle mourut catholiquement et saintement en invoquant le nom de Jésus et de la Bienheureuse Vierge (t. II, pp. 319-320).
  Le deuxième témoin (Bouchier) : Elle se soumettait à l'Église, priant saint Michel de la diriger et de la conseiller (t.II, p. 323).
  Le troisième témoin (Houppeville) : Quelques individus feignant d'être du parti du roi de France s'introduisirent secrètement auprès d'elle, et ils s'efforçaient de lui persuader de ne pas se soumettre au jugement de l'Église (t.II, p. 327).
  Quatrième témoin (Massieu) : Jeanne voulait que les articles de la formule de rétractation fussent vus et examinés par l'Église avant de les accepter; ce qui lui a été refusé. Quelqu'un feignant d'être Français lui dit dans la nuit que si elle se soumettait à l'Église, elle se verrait trompée. Jeanne disait que si dans ses paroles ou ses faits il y avait quelque chose de moins conforme à la vérité, elle voulait l'amender sur l'avis des juges. Il l'a entendue dire encore : Vous m'interrogez sur l'Église militante et triomphante, je ne comprends pas ces mots; mais je veux me soumettre à l'Église, ainsi que le doit une bonne chrétienne ; et elle demanda, pour répondre, un conseil qui lui fut refusé. Elle a fait la communion avec des larmes et une très grande dévotion; le témoin n'a jamais vu fin si chrétienne (t.II, pp. 331, 332, 333).
   Sixième témoin (Manchon) : Deux frères Prêcheurs ayant voulu persuader à Jeanne de se soumettre à l'Église coururent un fort grand danger de la part des Anglais. Un frère ayant insinué à Jeanne de se soumettre au concile général fut vivement gourmandé par l'évêque de Beauvais. On voyait bien qu'elle ne comprenait pas la différence entre l'Église triomphante et l'Église militante. A sa mort elle fit publiquement ses prières, se recommanda à Dieu, et demanda pardon à tous (t.II, pp. 341, 343, 344).
  Septième témoin (Cusquel) : Un Anglais s'écria à sa mort : Nous sommes tous perdus; une bonne sainte personne a été brûlée. Au milieu des flammes, elle n'a pas cessé d'acclamer le nom de Jésus (t.II, p. 347).
  Huitième témoin (Isambart de la Pierre) : Jeanne se soumit au Pape et au concile général; mais pas à l'évêque, qu'elle disait son ennemi mortel. L'évêque dit au greffier de ne pas écrire cette soumission ; à quoi Jeanne répondit : Vous écrivez ce qui est contre moi, mais non ce qui est pour moi. Un grand murmure s'éleva dans l'assemblée. Elle se soumit à l'Église lorsqu'elle eut été instruite ; au Pape, à condition qu'elle serait conduite vers lui. Si elle différa de se soumettre à l'Église, c'est parce qu'elle ne comprenait pas ce que c'est que l'Église (t.II, p. 349-356).
   Dixième témoin (Grouchet) : Jeanne se soumit au jugement du Pape et de l'Église (t.II, p. 356).
  Onzième témoin (Migeci) : Quelqu'un qui simulait d'être du parti français lui conseillait de ne pas se soumettre à l'Église. Il croit qu'elle s'est soumise; elle ne comprenait pas (toujours) ce que c'est que l'Église (t.II, p. 362).
  Douzième témoin (Ladvenu) : Il a souvent entendu de la bouche de Jeanne qu'elle se soumettait à l'Église et au Pape; c'était constant pour les juges qui lui firent donner l'Eucharistie (t.II, p. 366).
  Seizième témoin (Fave) : Au milieu des flammes, Jeanne acclamait le saint nom de Jésus (t.II, p. 377).

  La septième partie du premier article, et par suite l'article neuvième.
  Ajouter : il n'est rien au monde dont elle fut aussi affligée que de se savoir sans la grâce de Dieu (p. 65). Il lui semble, quand elle voit saint Michel, qu'elle n'est pas en péché mortel (p. 89). Sainte Catherine et sainte Marguerite aiment à la faire confesser (p. 89) ; elle ne sait pas avoir jamais fait péché mortel. Plaise à Dieu, dit-elle, que je n'aie jamais fait, et ne fasse jamais oeuvres dont mon âme soit chargée (p. 90).
  Si ceux de son parti ont prié pour elle, ils n'ont pas mal fait (p. 101).
  La première fois qu'elle a entendu les voix, elle a fait vœu de virginité ; elle était dans sa treizième année (p. 128).
  Interrogée si elle pouvait pécher mortellement, elle répond qu'elle n'en sait rien; mais qu'elle s'en rapporte à Notre Seigneur. Quand elle dit croire fermement qu'elle sera sauvée, elle l'explique en ajoutant que c'est à condition qu'elle gardera la virginité de corps et d'âme. Alors même qu'elle ne soit pas en état de péché mortel, elle pense que l'on ne saurait trop purifier sa conscience par la confession (p. 157).
  Elle a dit qu'elle aurait la plus grande douleur, si elle savait n'être pas dans la grâce de Dieu; et elle a ajouté : Si j'y suis, que Dieu m'y garde ; si je n'y suis pas, qu'il daigne m'y mettre. Elle ignore si elle a jamais été en péché mortel. Plaise à Dieu, a-t-elle dit, que je n'aie jamais fait et ne fasse jamais oeuvres qui chargent mon âme (p. 263).
  Elle se dit certaine d'aller en Paradis pourvu qu'elle garde ce qu'elle a promis, à savoir la virginité d'âme et de corps (p. 270). Elle ne saurait trop purifier sa conscience. Si elle était en péché mortel, elle croit que sainte Catherine et sainte Marguerite la quitteraient. Elles lui ont promis, de la conduire en Paradis, selon la demande qu'elle leur en a faite. La première fois qu'elle les a entendues, elle leur a promis de garder la virginité. Elle n'espère et n'a demandé que le salut de son âme (p. 270).


  Le quatrième article : certitude d'événements à venir.
  Il est clair aujourd'hui que l'expulsion des Anglais prédite par elle s'est vérifiée. On peut donc bien l'en croire maintenant selon cette parole de l'Évangile : Je vous ai annoncé toutes ces choses à l'avance, afin que quand vous en verrez l'accomplissement vous croyiez.
  Il faut observer encore les paroles prononcées par elle, en parlant de sa délivrance. Les voix lui disent qu'elle sera délivrée; et elles ajoutent qu'elle ne soit pas en inquiétude, qu'elle prenne en gré son martyre, parce qu'enfin elle viendra dans le royaume du paradis. Les voix lui disent cela simplement, d'une manière absolue, et cela sera sans faute (p. 155).
  Elle affirme par serment qu'elle n'accepterait pas d'être tirée de prison par le diable (p. 296).


  Sur le sixième article qui parle des mots Jhesus Maria, observer : il n'est pas prouvé que Jeanne s'engageât à faire mettre à mort ceux qui n'obéiraient pas à ses missives. La lettre écrite par elle à l'armée anglaise devant Orléans présente des variantes ; elle a été altérée, comme il est établi au procès (p. 84).
  Aux interrogations faites sur ces mots : JHESUS, MARIA, elle répondit qu'ils étaient apposés par les clercs qui écrivaient ses lettres et qui disaient que cela était convenable (p. 183).


  Sur le huitième article, le saut de la tour de Beaurevoir, remarquer qu'elle en agit ainsi par peur des Anglais. Elle se recommanda à Dieu et à la bienheureuse Vierge Marie (p. 150). Elle affirme qu'elle préférerait rendre l'âme à Dieu qu'être entre les mains des Anglais (p. 110).
  Remarquer encore qu'elle avait ouï dire que tous les habitants de Compiègne au-dessus de sept ans devaient être livrés au feu, ou passés au fil de l'épée; qu'elle aimait mieux mourir que voir si bonnes gens faire pareille fin. Ce fut une des causes pour lesquelles elle se précipita (p. 150).
  Une autre, c'est qu'elle se savait vendue aux Anglais. Quand elle se précipita, elle croyait s'évader et non mourir. Elle n'agit pas ainsi par désespoir; mais dans l'espérance de sauver sa vie et de porter secours à de bonnes gens en péril (p. 160).
  Après sa chute, elle se confessa et demanda pardon à Dieu (p. 160).


  Sur le dixième article concernant l'amour que sainte Catherine et sainte Marguerite portent aux Anglais, remarquer qu'à la demande si sainte Catherine hait les Anglais, elle répond : Elle hait ceux que Dieu hait (p. 178).
  A la même question sur sainte Marguerite, elle dit : Sainte Marguerite hait ceux que Dieu hait; elle aime ceux que Dieu aime (p. 178).
  Voilà, d'après le texte même du procès, substantifiquement et en termes formels ce qui concerne les douze articles incriminés.
  La simple lecture démontre que la rédaction est infidèle ; bien plus, que les paroles de Jeanne ont été frauduleusement altérées et dépravées.


  Doutes à résoudre en dehors de ceux qui viennent d'être indiqués :
  Le procès et la sentence ne sont-ils pas sujets à nullité, attendu que le seigneur de Beauvais, alors même que Jeanne aurait été prise dans son diocèse, semble manquer de compétence? Les crimes imputés n'avaient pas été commis dans son diocèse, et il n'y a pas d'autre titre qui fît relever l'accusée de son for.
  Procès et sentence ne sont-ils pas frappés de nullité, vu que l'évêque de Beauvais a choisi de procéder avec le prétendu sous-Inquisiteur; et qu'il ne conste pas du pouvoir de l'Inquisiteur qui est censé avoir délégué ce même sous-Inquisiteur ?
  Faut-il les regarder comme nuls, vu qu'il est manifeste, d'après l'instrument, que l'évêque a procédé seul, et sans le sous-inquisiteur qu'il s'était adjoint, à plusieurs actes substantiels, tels que interrogatoires solennels, assignation de lieux, et choses semblables ?
  Ne sont-ils pas nuls, parce que l'évêque a souvent fait examiner Jeanne par d'autres, sans le faire toujours par lui-même, quoique ce fût une cause criminelle et fort grave ?
  Les dépositions des témoins établissent que le sous-inquisiteur et les hommes consultés dans la cause ont éprouvé de la part des Anglais des menaces qui leur ont inspiré une vive frayeur. Pareille crainte fait-elle crouler le procès ?
  Jeanne a récusé le dit évêque comme incompétent, suspect, et, disait-elle, son ennemi mortel. Le procès et la sentence sont-ils nuls par suite, ou tout au moins manifestement iniques ?
  Jeanne s'est soumise au jugement du Pape et du concile général; elle a demandée être conduite en leur présence; elle s'est mise par là sous la protection du Pape. Le procès et la sentence sont-ils nuls à partir de ce moment ?
  Sont-ils encore nuls à cause de la gravité de la cause ? Il s'agissait de révélations secrètes, occultes, dont Dieu seul connaît le mystère; d'un doute en matière de foi : matière réservée au Siège Apostolique, alors surtout que l'inculpée a demandé à être jugée par le Pape.
  Le procès croule-t-il pour les causes suivantes? Jeanne était renfermée dans une prison particulière, gardée par des mains laïques, par ses ennemis mortels, qui la traitaient avec tant d'inhumanité qu'elle désirait mourir. Elle a demandé la prison ecclésiastique et gracieuse.
  Il conste qu'il était défendu à qui que ce soit de l'entretenir : elle a demandé quelquefois un directeur et un conseiller qui lui ont été refusés. Elle était en outre jeune, dix-neuf ans; d'un sexe faible, une femme. Tout cela fait-il crouler le procès ?
  L'âge de l'inculpée n'est-il pas une excuse du crime d'hérésie, surtout dans la matière présente, matière douteuse? N'exigeait-il pas au moins mitigation de la peine ?
  Ceux qui voulaient diriger et instruire l'accusée furent écartés par l'évêque et par les Anglais, et devinrent l'objet de nombreuses menaces. Cette dénégation d'une défense constitue-t-elle une cause de nullité du procès et de la sentence ?
  Le procès et la sentence sont-ils nuls, attendu qu'avant d'abjurer, Jeanne a demandé que les articles fussent examinés et discutés par l'Église et que cela ne lui a pas été accordé ?
  Il est constant que le soi-disant juge défendait au greffier d'écrire les explications et les soumissions de Jeanne. Le procès entier doit-il par suite être regardé comme invalide, incomplet et sans vérité ?
  Ceux qui ont extrait les articles transmis aux consulteurs l'ont fait sans sincérité. La rédaction en est mensongère, incomplète, calomnieuse. Semblable perfidie fait-elle crouler procès et sentence ?
  Les témoins et le procès établissent que les interrogateurs, par leurs questions, tourmentaient Jeanne, l'engageaient dans des questions très difficiles, lui posaient des demandes captieuses, en sorte, disent ces mêmes témoins, que l'homme le plus docte aurait eu peine à répondre. Ils voulaient la prendre dans ses propres paroles. Cela suffit-il pour l'excuser des imputations alléguées, surtout si, comme il a été observé, l'on considère l'âge et le sexe de l'accusée, laissée sans conseil et sans défense ?
  Des personnes affidées, déguisant leurs sentiments, venaient lui persuader de ne pas se soumettre à l'Église ; on a écarté frauduleusement le vêtement de femme pour la forcer à prendre des vêtements d'homme. Ces perfidies font-elles crouler le jugement ?
  Il ne conste pas du procès préliminaire de diffamation. Ce vice irrite-t-il le procès ?
  Dans la cédule d'abjuration et dans la sentence de condamnation, Jeanne est donnée comme ayant feint criminellement des révélations et des apparitions divines, comme une pernicieuse séductrice, présomptueuse, croyant légèrement, superstitieuse, devineresse, blasphémant Dieu, les saints et les saintes, contemptrice de Dieu dans ses sacrements, prévariquant contre la loi divine, la sainte doctrine, les canons ecclésiastiques ; comme séditieuse, cruelle, apostate, schismatique, coupable d'erreurs multiples dans la foi, de multiples iniquités contre Dieu et la sainteÉglise; refusant avec un esprit endurci, obstiné, opiniâtre de se soumettre à l'Église, au Pape et au Concile général; comme pertinace, obstinée, excommuniée et hérétique. D'après le procès, ces inculpations sont-elles justifiées ?

  La sagesse des consulteurs suppléera le reste.

  Signé : PAUL PONTANUS,
  Avocat consistorial. » (3)


                                                    
texte latin


Sources : Texte original latin :

Traduction : J.B.J. Ayroles "La pucelle devant l'Eglise de son temps", t.I, p.
241 et suiv.

Notes :
1 Pontanus renvoie aux folios du double manuscrit; Ayroles y a substitué la pagination de Quicherat, t. Ier pour le procès, t. II pour l'enquête.

2 Pontanus avait probablement entretenu Manchon à Rouen. Il consigne ici des détails que porte seulement la quatrième déposition du greffier, déposition postérieure au Sommaire.

3 Tel est le sommaire du grand canoniste. C'est sur cette pièce qu'ont été composés plusieurs des mémoires dont il va être parlé. L'exposé était suffisant; les éléments de la solution y sont largement et fort exactement présentés.
Pontanus a dû composer son écrit en France, pendant qu'il était à la suite du Cardinal Légat

Les 12 articles


Procès de réhabilitation

Présentation :

- Les sources
- L'enquête de 1450
- L'enquête de 1452

Procès :
- Plan du procès
- Sentence




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