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Procès
de condamnation
- procès d'office
Séances
du 19 février 1431. |
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tem
le lundi après les Brandons, 19e jour du mois de février,
l'an du Seigneur 1431, comparurent sur les huit heures du matin
notre dite maison d'habitation (1),
messeigneurs et maîtres Gilles, abbé de Fécamp,
Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre
Maurice, Gérard Feuillet, docteurs en théologie ;
Nicolas de Venderès, Jean de La Fontaine, licenciés
en droit canon ; Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Thomas
de Courcelles, bacheliers en théologie et Nicolas Loiseleur,
chanoine de la cathédrale de Rouen. Nous, évêque
susdit, leur avons exposé que nous avions donné l'ordre
de faire une instruction préalable sur certains articles
relatifs aux faits et aux dits de cette femme ; à nous livrée
et confiée par le roi notre sire, comme on l'a rapporté
plus haut, pour voir s'il y avait matière suffisante à
la
poursuivre et citer en matière de foi. En leur présence,
nous avons fait donner lecture de ces articles et des dépositions
des témoins contenues dans cette information préalable
(2). Ces seigneurs et maîtres,
après la lecture de cette pièce et après l'avoir
considérée curieusement, tinrent longue et mûre
délibération. Enfin, sur leurs avis et conseils, nous
avons conclu qu'il y avait charge suffisante, suivant ces informations
et d'autres raisons, pour faire poursuivre et citer ladite femme
en matière de foi ; et nous avons prononcé qu'elle
devait être poursuivie et citée afin de répondre
à certaines interrogations qui lui seraient faites. En outre,
afin que la cause fût conduite plus convenablement et salutairement,
par égard pour le saint siège apostolique qui a député
spécialement les seigneurs inquisiteurs de la perversité
hérétique pour corriger les erreurs dressées
contre la foi orthodoxe, de l'avis des mêmes personnes d'expérience,
nos conseillers, nous avons décidé que le seigneur
inquisiteur de la perversité hérétique pour
le royaume de France serait appelé et requis dans cette matière
de foi, qu'il pourrait s'adjoindre à nous dans ce procès,
si cela lui agréait et lui paraissait de son intérêt.
Mais comme ledit seigneur inquisiteur se trouvait alors absent de
cette cité de Rouen, nous avons ordonné que son vicaire,
présent à Rouen, serait mandé et appelé
à sa place, comme il a été dit." (2)
Le même jour dans l'après-midi :
"Item, ce même jour de
lundi, vers quatre heures de l'après-midi, sur notre requête,
comparut dans notre maison d'habitation vénérable
et discrète personne maître Jean Le Maistre, de l'ordre
des frères Prêcheurs, vicaire du seigneur inquisiteur
du royaume de France et par lui député en la cité
et diocèse de Rouen. Nous avons sommé et requis ledit
vicaire de s'adjoindre à nous, afin que nous procédions
en commun dans l'affaire susdite ; et nous avons offert de lui communiquer
tout ce qui avait été fait ou se ferait à l'avenir
dans cette cause. Sur quoi ledit vicaire répondit qu'il était
prêt à nous exhiber sa commission ou lettre de vicariat,
à lui baillée par ledit seigneur inquisiteur, et que,
vu sa teneur, il ferait volontiers dans la cause ce qu'il devrait
faire pour l'office de la sainte inquisition.
Cependant, comme il était spécialement
délégué dans le ressort du diocèse et
de la cité de Rouen, bien que le territoire nous eût
été accordé, nous avions toutefois commencé
ce procès en raison de notre juridiction en tant qu'évêque
de Beauvais : à ce sujet ledit vicaire émit un doute,
savoir si sa commission pouvait s'étendre à la conduite
du présent procès. Nous lui avons répondu qu'il
revint vers nous le lendemain et que d'ici là nous aurions
tenu conseil."
Source
: Pierre Champion - condamnation de Jeanne d'Arc - 1921
Texte traduit du Latin.
Dans le calendrier d'époque : 19 février 1430
Illustrations :
- Statue de Thomas de Courcelles d'après un dessin de la
coll.Gaignières - Bibl.nat. (Jeanne d'Arc et la Normandie
au XV° siècle - A.Sarrazin).
Notes :
1 La minute du ms d'Orléans précise : "dans
la maison de Jean Rubbé".
2 La minute du ms d'Orléans précise deux points
importants :
- "... on avoit fait examiner plusieurs tesmoings, ainsy
que on pourra veoir par la lecture des susdits articles et depositions
des tesmoings examinez sur iceulx ; lesquelz artixles et depositions
furent leues en presences des dessusdits...". Ces témoignages
recueillis en Lorraine étant trop favorables à Jeanne,
Cauchon s'est bien gardé de les insérer au procès.
-
"... et ce fait, tous les assistens jurerent tenir secret
tout ce qui sera faict en ceste matiere." Ce serment des
assistants en fin de séance du matin, n'a pas non plus
était inséré dans le compte-rendu de séance
du 19 février !
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