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Procès
de condamnation
- préliminaires
Lettre de l'Université de Paris
au Duc de Bourgogne, par laquelle elle lui réclame
l'envoi de la Pucelle à Paris pour y être jugée. |
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"Très
hault (1) et très puissant prince
et nostre très redoubté et honoré seigneur,
nous nous recommandons très humblement à vostre noble
haultece. Combien que autreffois, nostre très redoubté
et honoré seigneur, nous ayons pardevers vostre haultece
escript et supplié très humblement à ce que
celle femme dite la Pucelle estant, la mercy Dieu, en vostre subjeccion,
fist mise ès mains de la justice de l'Église pour
lui faire son procès deuement sur les ydolatries et autres
matières touchans nostre sainte foy, et les escandes réparer
à l'occasion d'elles survenues en ce royaume ; ensemble les
dommages et inconvéniens innumérables qui en sont
ensuis : toutesvoies, nous n'avons aucune response sur ce, et n'avons
point sceu que, pour faire du fait d'icelle femme discucion convenable,
ait été faicte aucune provision ; mais doubtons moult
que par la faulceté et séduccion de l'ennemy d'enfer,
et par la malice et subtilité des mauvaise personnes, vos
ennemis et adversaires, qui mettent toute leur cure, comme l'en
a dit, à vouloir délivrer icelle femme par voyes exquises,
elle soit mise hors de vostre subjeccion par quelque manière,
que Dieu ne veuille permettre ; car en vérité au jugement
de tous bons catholiques cognoissans en ce, si grant lésion
en la sainte foy, si énorme péril, inconvénient
et dommaige pour toute la chose
publique de ce royaume ne sont avenues de mémoire d'omme,
si comme seroit, se elle partoit par telles voyes damnées,
sans convenable réparacion : mais seroit en vérité
grandement au préjudice de vostre honneur et du très
chrestien nom de la maison de France, dont vous et vos très
nobles progéniteurs avez esté et estes continuelment
loyaulx protecteurs et très nobles membres principaulx. Pour
ces causes, nostre très redoubté et honoré
seigneur, nous vous supplions de rechief très humblement
que, en faveur de la foy de nostre Sauveur, à la conservacion
de sa sainte Église et tuicion de l'onneur divin, et aussi
pour le grant utilité de ce royaume très chrestian,
il plaise à vostre haultesce ycelle femme mettre ès
mains de l'inquisiteur de la foy, et envoier seurement par-deçà,
ainsi que autreffois avons supplié, ou icelle femme bailler
ou faire bailler à révérend père en
Dieu Monseigneur l'évesque de Beauvais, en la jurisdicion
espirituele duquel elle a esté appréhendée,
pour à icelle femme faire son procès en la foy, comme
il appartiendra par raison, à la gloire de Dieu, à
l'exaltacion de nostredicte sainte foy, et au prouffit des bons
et loyaulx catholiques, et de toute la chose publique de ce royaume,
et aussi à l'onneur et louenge de vostredicte haultece, laquelle
Nostre Sauveur veuille maintenir en bonne prospérité
et finablement lui donner sa gloire, Escript..."
Notes
:
Source : E. O'Reilly - Procès de Jeanne d'Arc
- tome II - 1868
Texte original.
1 L'orthographe d'époque est recopiée.
Illustrations
:
- Portrait du Duc de Bourgogne
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