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Lettres, communications, délibérations officielles...
Lettre de Henri VI sur un outrage public fait à la magistrature d'Abbeville à propos de La Pucelle - vers le 15 septembre 1429 |
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émission du Trésor des chartes, publiée ici par Quicherat pour la première
fois, d'après le registre J, 175 (pièce 125) des Archives. Les Bénédictins l'ont citée au mot Persina de leur supplément
au Glossaire de Du Cange, à cause de la locution sentir
la persinée qui y est employée deux fois.
HENRY, par la grâce de Dieu roy de France et d'Angleterre,
savoir faisons à tous présens et advenir nous
avoir esté humblement exposé de la partie de Colin
Gouye, dit le Sourt, et Jehannin Daix, dit Petit, natifs
de la ville d'Abbeville, prisonniers en noz prisons
d'Amiens :
Comme de tout leur temps ilz se soient maintenuz
et gouvernez soubz nostre obéissance et de leurs povoirs
emplaiez en nostre service ; lesquelz, tantost
après que noz ennemis et adversaires, estant en leur
compaignie la femme vulgaument nommée la Pucelle,
furent venuz en nostre royaume et paiis de
France et par especial devant nostre ville de Paris, en
un certain jour lesditz supplians estans en la compaignie
d'un nommé Colin Broyart devant et assez près
de l'ostel d'un mareschal nommé Guillaume Dupont,
en nostre ville d'Abbeville, entendirent que aucuns
parloient des faiz et abusions de ladicte nommée vulgaument
la Pucelle, et par especial un hérault ; auquel
hérault ledit Petit eust dit : « Bran, bran, » et que chose que dist ne fist icele femme, n'estoit que
abusion ; et pareillement le dirent ledit Colin et autres
dessusditz ; et que à icele femme l'en ne devoit adjouster
foy ; et que ceulx qui en icele avoient créance estoient
folz et sentoient la persinée, ou paroles semblables
en substance ; et oultre que il en y avoit en ladicte
ville plusieurs autres qui sentoient la persinée ; non
pensant donner charge à aucuns des bons bourgois et
manans et habitans de nostredicte ville ;
Pour lequel cas et autres paroles dont ilz estoient
souspeçonnez par les maire et eschevins de nostredicte
ville d'Abbeville, lesditz supplians et ledit Colin
Broyart furent faiz prisonniers par lesditz maire et
eschevins et longuement tenuz en estroictes et dures
prisons et depuis mis en noz prisons à Abbeville, où
ilz furent certaine espace de temps à grant rigueur
du lez desditz maire et eschevins. Et eulx estans ès dictes
prisons, eurent congnoissance que nous et nostre
très chier et très amé oncle et cousin le duc de Bourgoigne,
faisions assemblée de gens d'armes et de trait
pour résister a l'entreprise de noz ennemis et adversaires
: pour quoy, lesditz supplians et ledit Broyart
ensemble furent meuz de eulx partir. Et de fait se partirent
desdictes prisons par un trou qu'ilz firent entre
deux coulombes et alèrent jusques à la forteresce par
laquelle ilz se devalèrent par une corde ès fossez, passèrent
oultre et alèrent en nostre service tant au siége
de Compieigne comme ailleurs ; là où ilz ont tousjours
continué jusques à certain temps qu'ilz estoient retournez
en nostredicte ville, nous estant en nostre
ville de Rouen, en entencion d'aler vers nous pour
estre pourveu sur ledit cas.
Et eulx estans ylec, eurent congnoissance que un
nommé Jehan Laudée, bourgois et manant en nostredicte
ville d'Abbeville, pourchassoit moult fort de
eulx donner empeschement : par quoy se conclurent
et envaïrent environ le soir ledit Jehan Laudée et sur
lui tirèrent leurs espées, sans ce que ledit Laudée feust
aucunement blecié ne navré ; et doublant la puissance
dudit Jean Laudée qui faisoit grant assemblée de peuple
pour trouver et porter danger ausditz supplians de
leurs corps, passèrent par dessus les murs de ladicte
ville et oultre lesditz fossez secretement.
Pour lesquelz cas lesditz supplians ont esté appelez à
noz droiz et bannis de nostre royaume de France à
tousjours. Et néantmoins ont continué en plusieurs
lieux en nostre service et telement que derrenierement,
ainsi qu'ilz s'en aloient en la compaignie du
seigneur d'Omont en entencion d'aler au siége de
Laigny, ont esté prinz par noz gens et officiers de
Monstereul et menez vers nostre bailli d'Amiens, où
ilz sont prisonniers, en voie de finir leurs jours miserablement
se, sur ce, ne leur est impartie nostre grace
et miséricorde, si come ilz dient, etc.
Pourquoy nous, ces choses considérées, voulans misericorde
estre préférée à rigueur de justice, ausditz
supplians et à chacun d'eulx oudit cas, avons quicté,
remis et pardonné, remectons, quictons et pardonnons
de nostre grace especial, pleine puissance et auctorité
royal, les faiz et choses dessusdictes, etc.
Donné aux champs devant Laigny-sur-Marne, le
vie jour de juillet l'an de grâce mil ccccxxxii et de
nostre règne le dixiesme.
Ainsi signé : Par le roy à la relacion de monseigneur le gouvernant et regent de France, duc de Bedford.
J. DE RIVEL.
Source : Jules Quicherat - t.V p. 142.
Notes :
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