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Lettre
d'exemption d'impôts des villages de Domrémy et Greux
31 juillet 1429
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elle qui avait pour mission de venir au secours des malheureux et
n'eut jamais le courage de les écarter de sa personne, songea après le
sacre de Reims à ses compatriotes, les villageois de Domrémy et de Greux.
Elle avait laissé son père à Reims à l'hôtel de l'Ane rayé ; à Châlons
elle avait accueilli une députation de ces bons paysans qui, il y a moins
d'un an, ne la connaissaient que sous le nom de Jeannette, et la revoyaient la plus glorieuse des femmes de notre histoire. Elle demanda totale exemption d'impôts pour Domrémy et Greux, deux sections d'une seule et même paroisse (1), qui était la sienne. C'était demander que dans
la France entière l'on ne prélevât que les impôts nécessaires. La raison
et le droit chrétien en font aux gouvernants un devoir strict qu'ils ne
peuvent violer sans mériter les qualifications qui mènent les particuliers
au bagne.
Sa demande fut écoutée. A la date du 31 juillet 1429, Charles VII
exemptait à perpétuité de tout impôt les villages de Domrémy et de
Greux. D'après Charles du Lys, que sa charge d'avocat général à la cour
des aides mettait en état de connaître les pièces officielles plus que les
généalogies non écrites des descendants de Jeanne d'Arc, d'après Charles
du Lys, les villageois de Domrémy et Greux, molestés dans l'usage de
leur privilège, en obtinrent la confirmation le 6 février 1459, de celui-là
même qui l'avait octroyé. Dans les registres de la cour des comptes, écrit-il encore, ces deux villages sont tirés à néant avec cette mention :
« Pour cause de la Pucelle, et sur les registres des tailles pour Domrémy et Greux, on lit: Néant, la Pucelle. » (2)
L'original de la charte concédant le privilège n'existe plus ; mais il
devait exister en 1769, puisque la copie suivante porte toutes les marques
d'authenticité qu'on peut désirer dans une transcription officielle. Voici
cette copie tirée des Archives nationales (Sect. domaniale H, 15352)
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« Charles, par la grâce de Dieu, roi de France.
Au bailly de Chaumont,
aux eslus et commissaires commis et à commettre à mettre sus
et imposer les aides, tailles, subsides et subventions audit bailliaige, et à
tous nos autres justiciers et officiers, ou à leurs lieutenants, Salut et
dilection.
Savoir vous faisons que, en faveur et à la requeste de nostre
bien aimée Jehanne la Pucelle, et pour les grands, haults, notables et profitables
services qu'elle nous a faits et fait chaque jour au recouvrement
de notre seigneurie, Nous avons octroyé et octroyons de grâce spéciale,
par ces présentes, aux manans et habitans des villes et villaiges de
Greux et Domrémy, audit bailliaige de Chaumont-en-Bassigny, dont ladicte Jehanne est native, qu'ils soient dorénavant francs, quittes et exemps de
toutes tailles, aides, subsides et subventions mises et à mettre audict
bailliaige. Sy vous mandons et enjoignons et à chascun de vous, si comme à l'un qu'il appartiendra, que, de notre présente grâce, affranchissement,
quittance et exemption vous faittes, souffrez, et laissez lesdicts manans et
habitants jouir et user pleinement, sans leur mettre ou donner, ne souffrir être mis ou donnés aucun détourbier ou empeschemens au contraire, lors
ne pour le temps advenir ; et en cas que lesdicts manans soient ou seroient
assis et imposés ès dictes tailles et aides, nous voulons que chascun de
vous les en droit soi les en faites tenir quittes et paisibles. Car ainsi
nous plaist et voulons estre faict, nonobstant quelconques ordonnances,
restrictions ou défenses et mandemens à ce contraires.
« Donnez à Chinon (3), le dernier jour de juillet l'an de grâce mil quatre
cens vingt-neuf et de notre règne le septième.
« Par le roi en son conseil,
« BUDE.»
Source
: Introduction et texte original : J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III p.333 et suiv.
Notes :
1 A cette époque, et longtemps dans la suite, le mot paroisse était l'expression
usitée. La commune n'existait que dans les villes.
2 Traité sommaire du nom, des armes, etc., de la Pucelle. Paris, 1633.
3 Ayroles : données à Chinon, etc.; cependant il est très certain
que le roi était alors à Château-Thierry. Charles du Lys a visé deux fois
ce même acte avec la rubrique «Château-Thierry».
* Ayroles dans son tome III, p. 335 à 343, donne d'intéressants témoignages sur les vissicitudes des villages de Greux et Domrémy pour faire valoir leur droit au cours des siècles.
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