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Lettre
du Duc de Bedford à Charles VII
7
août 1429
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ette
lettre qui est un véritable défi de Bedford à
Charles VII après le couronnement de Reims, a été
publiée assez souvent.
En voici le texte intégral tiré des chroniques
d'Enguerran de Monstrelet, édition de Doüet d'Arcq
publié en 1860
à Paris.
"Nous, Jehan de Lancastre, régent de France
et duc de Bethfort. Scavoir faisons à vous, Charles de Valois,
qui vous soliés nommer Daulphin de Viennois, et maintenant
sans cause vous dites Roy, que pource que torcionnièrement
avez de nouvel entrepris contre la couronne et la seigneurie de
très hault et excellent prince et mon souverain seigneur,
Henri, par la grace de Dieu, vray, naturel et droiturier roy de
France et d'Angleterre, par donnant à entendre au simple
peuple que venez pour lui donner paix et seureté, ce que
n'est pas, ne ne puet estre par les moyens que avez tenus et tenez,
qui faites séduire et abuser le peuple ignorant et vous aidiés
plus de gens suppersticieus et reprouvés, comme d'une femme
desordonnée et diffamée, estant en habit d'homme et
de gouvernement dissolu, et aussi d'un frère mendiant, appostat
et sédicieux, comme nous sommes informés ; tous deux,
selonc la Saincte Escripture, abhominables à Dieu ; qui par
force et puissance d'armes avez occupé ou pays de Champaigne
et aultre part, aulcunes cites, villes et chasteaulx apartenans
à mondit seigneur le roy, et les subgiez demourans en ycelles
constraint et induict à desloyaulté et parjurement,
en leur faisant rompre et violer la paix finale des royaumes de
France et d'Angleterre, sollempnellement jurée par les rois
de France et d'Angleterre qui lors vivoient, et les grans seigneurs,
pers, prélats, barons,
et Trois Estas de ce royaume ; nous, pour garder et deffendre le
vray droit de mondit seigneur le roy, et vous et vostre puissance
rebouter de ses pays et seigneuries, à l'ayde du Tout-Puissant
nous sommes mis sus et tenons les champs en nostre personne, en
la puissance que Dieu nous a donnée. Et comme bien avez sceu
et sçavez, vous avons poursuivi et poursuivons de lieu en
lieu pour vous cuidier trouver ou rencontrer, ce que n'avons encore
peu faire, pour les advertissemens que avez fais et faites. Pour
quoy, Nous, qui de tout nostre ceur désirons l'abrégement
de la guerre, vous sommons et requerrons que, se vous estes tel
prince qui quérés honneur et ayez pitié et
compacion du povre peuple chrestien, qui tant longuement à
vostre cause a esté très inhumainement traictié,
foulé et opprimé, et que briefment soit hors de ces
afflictions et douleurs, sans plus continuer la guerre, prenez au
pays de Brie, où, vous et nous sommes, ou en l'Isle de France,
qui est bien prouchaine de nous et de vous, aulcune place auz champs,
convenable et raisonnable, avec jour brief et compétent et
tel que la prouchaineté des lieu, ou nous et vous sommes,
pour le présent le puet souffrir et demander. Augquelz jour
et place, se comparoir y voulez en vostre personne, avec le conduict
de la difformée femme, et apostat dessusdicte, et tous les
parjures et aultres puissance telle que vouldrez et pourrez avoir,
Nous, au plaisir de nostre Seigneur, y comparerons au nom de mondit
seigneur le roy, en nostre personne. Et lors, se vous voulez aulcune
chose offrir ou mettre avant regardant le bien de paix, nous l'orrons,
et ferons tout ce que bon prince catholique doibt et puet faire.
Et tous jours sommes et serons enclins et volontaires à toutes
bonnes voies de paix, non fainte, corrompue, dissimulée,
violée ne parjurée, comme à Monstreau fault
Yonne celle dont, par vostre coulpe et consentement, s'ensuivit
le
très horrible, detestable et cruel murdre commis contre loy
et honneur de chevalerie (1), en la
personne de feu nostre très chier et très amé
père, le duc Jehan de Bourgongne, cuy Dieux pardoinst. Par
le moyen de laquelle paix par vous enfrainte, violée et parjurée,
sont demourés et demeurent à tous jours mais, tous
nobles et aultres subgetz de ce royaume et d'ailleurs, quittes et
exemptz de vous et de vostre seigneurie, à quelque estat
que vous ayez peu ou povez venir, et tous seremens de féaulté
et de subjection les avez absolz et acquittés, comme par
vos lettres patentes, signées de vostre main et de vostre
seel, puet clèrement apparoir. Toutes voies, se pour le iniquité
et malice des hommes ne povons proufiter au bien de paix, chascun
de nous pourra bien garder et deffendre à l'espée
sa cause et sa querelle, ainsi que Dieu, qui est seul juge, et auquel,
et non à autre, mondit seigneur a à respondre, lui
en donra grace. Auquel nous supplions humblement, comme à
cellui qui scel et connoist le vrai droit et légitime querelle
de mondit seigneur, que disposer en vuelle en son plaisir. Et par
ainsy, le peuple de ce royaulme, sans telz foulemens et oppressions,
pourra demourer en longue paix et seur repos, que tous rois et princes
chrestiens qui ont gouvernement doivent quérir et demander.
Si nous faictes sçavoir bastivement et sans plus délayer,
ne passer temps par escriptures ne argumens, ce que faire ne vouldrez.
Car se par vostre deffault plus grans maulx, inconvéniens,
continuacions de guerre, pilleries, rançonnemens, occisions
de gens et dépopulacions de pays adviennent, nous prenons
Dieu en tesmoing et protestons devant lui et les hommes, que n'en
serons point en cause, et que nous avons fait et faisons nostre
debvoir. Et nous nous mettons et voulons mettre en tous termes de
raison et d'honneur, soit préalablement, par moyen de pain
ou journée de bataille de droit prince, quand autrement entre
puissans et grans parties ne se pueent faire.
En tesmoing de ce, nous avons fait seeller ces présentes
de nostre seel. Donné audit lieu de Monstreau où Fault
Yonne, le vii° jour d'aoust, l'an de grace mil quatre cens vingt
neuf.
Ainsi signé. Par monseigneur le Régent
du royaume de France duc de Bethfort."
Source
: "la chronique d'Enguerran de Monstrelet"
- L. Doüet d'Arcq pour la société de l'histoire
de France - 1860.
Notes :
1 Les lois de la chevalerie ont été bafouées
à plusieurs reprises par les Anglais notamment lorsqu'ils
assiègent la ville d'Orléans alors que son seigneur
est prisonnier en Angleterre. (ndlr)
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