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Lettre
de trois gentilshommes à Marie d'Anjou
17
juillet 1429
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ettre
écrite aussitôt après le sacre à la Reine
Marie d'Anjou, femme de Charles VII et à sa mère Yolande
d'Aragon, reine de Naples, par trois gentilshommes ... l'Anjou qui
leur rendent compte du "mystère".
"Nos souvereines et très redoutées
dames, plaise vous scavoir que yer le Roy arriva en ceste ville
de Rains ouquel il a trouvé toute et pleine obéissance.
Aujourd'huy il a esté sacré et couronné et
a esté moult belle chose à voir le beau mystere, car
il a esté auxi solempnel et accoustré de toutes les
besongnes y appartenans auxi bien et si convenablement pour faire
la chose tant en abis royaux et autres choses à ce
nécessaires comme s'il eust mandé un an auparavant,
et y a eu autant de gens que c'est chose infinie a escrire et auxi
la grande joye que chacun en avoit.
Messeigneurs le duc d'Alencon, le conte de Clermont,
le conte de Vendosme, les seigneurs de Laval et la Trimoille y ont
esté en abis royaux ; et monseigneur d'Alençon
a fait le Roy chevalier et les dessusditz représentoient
les pairs de France ; monseigneur d'Albret a tenbu l'espée
durant ledit mystere devant le Roy et pour les pairs d'esglise y
estoient avec leurs croces et mitres, messeigneurs de Rains, de
Chalons qui sont pairs ; et en lieu des autres, les evesques de
Seez et d'Orléans et deux autres prélas, et mondit
seigneur de Rains y a fait ledit mystere et sacre qui luy appartient.
Pour aller querir la sainte ampolle en l'abaye de Saint
Remy et pour la apporter en l'église de Nostre Dame
où a esté fait le sacre, fut ordonnez le mareschal
de Bossac, les seigneurs de Rays, Graville et l'admiral avec leur
quatre bannieres que chacun portoit en sa main, armez de toutes
pieces et a cheval, bien accompagnez pour conduire l'abbé
dudit lieu qui apportoit ladite ampolle ; et entrèrent à
cheval en ladite grande église et descendirent à l'entrée
du choeur et en cest estat l'ont rendue après le service
en ladite abbaye ; le service a duré depuis neuf heures
jusqu'à deux heures. Et à l'heure que le Roy fut sacré
et auxi quand on lui assit la couronne sur la teste, tout homme
cria Noël ! et trompettes sonnèrent en telle manière
qu'il sembloit que les voultes de l'église se deussent fendre.
Et durant ledit mystere, la Pucelle s'est tousjours
tenue joignant du Roy, tenant son estendart en sa main. Et estoit
moult belle chose de voir les belles manieres que tenoit le Roy
et aussi la Pucelle. Et Dieu sache si vous y avez esté souhaitées.
Aujourdhuy ont esté faitz par le Roy contes le
sire de Laval et le sire de Sully et Rays mareschal.... Demain s'en
doibt partir le Roy tenant son chemin vers Paris. On dit en ceste
ville que le duc de Bourgongne y a esté et s'en est
retourné à Laon où il est de present ; il a
envoyé si tost devers le Roy qu'il arriva en ceste ville.
A ceste heure, nous espérons que bon traité y trouvera
avant qu'ils partent. La Pucelle ne fait doubte qu'elle ne mette
Paris en l'obéissance.
Audit
sacre, le Roy a fait plusieurs chevaliers et a auxi lesdits seigneurs
pairs en font tant que merveilles. Il y en a plus de trois cents
nouveaux.
Nos souvereines et redoubtées Dames, nous prions
le benoist Saint-Esprit qu'il vous donne bonne vie et longue,
Escript à Rains, ce dimanche XVII° de juillet.
Vos très humbles et obéissans serviteurs,
BEAUVEAU, MORÉAL, LUSSÉ."
Source
: "Procès de Jeanne d'Arc" - Ernest O'Reilly
- 1868
Illustration :
- Cathédrale de Reims et son
parvis ("Au pays de Jeanne d'Arc" - Jean de Metz - 1910)
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