|
Histoire
de Charles VII
-
index
L.II-XIII- Comment Charles fut sacré roi de France à Reims - Tentative d'assaut contre Paris. |
|
iis igitur tam feliciter Francis provenientibus, et in tam diversum permutatis rebus ex adversissimis et pene desperatis in tam secundas ac prosperas, ita ut vere de tanta conversione fortune dici posset : Hec mutacio dextere Excelsi, Karolus Francorum rex, qui nundum inunctus more christianissimorum Francorum regum fuerat nec regio dyademate insignitus seu coronatus, eo quod Remorum civitas, in qua reges consecrari, et Parisiorum urbs et villa seu opidum Sancti Dyonisii, in quo coronari eos assuetum erat, sub Anglorum adhuc potestate tenerentur, contractis undique tocius regni copiis parcium que sue suberant dicioni et exercitu maximo congregato, decrevit petere Remos et illic se facere consecrari et exinde Parisiensem regiam [civitatem] atque opidum prefatum Sancti Dyonisii, in quo more majorum et progenitorum suorum celebriter se faceret coronari.
Aggressus itaque primum Trecas, Campanie urbem, consilio atque opera probatissimi et sapientissimi viri magistri Johannis Acuti, qui illius urbis episcopalem cathedram tenebat et ecclesiastica strennue ac nobiliter administrabat, in ea urbe cum pace et leticia receptus est. Exinde vero Cathalaunum et Remos petens, easdem urbes et totam pene Campaniam, facta voluntaria dedicione, recepit fuitque Remis cum magno triumpho et ingenti Francorum alacritate, oleo sacro inunctus et sacratus, comitante semper Johanna Puella, in virili veste et armis, regium exercitum cum suis ante dictis militaribus signis.
Volens autem rex et alias regni urbes atque loca et provincias que adhuc sub hostium erant potestate perlustrare, et presertim regiam illam suam insignissimam Parisiorum civitatem atque Sanctum Dyonisium, ubi dyadema sceptrumque regale suscepturus esset regnique solium conscensurus, Sanctum Dyonisium cum suo exercitu peciit. Quo loco, cum tante milicie atque potencie ad resistendum inefhcax esset, eciam in pace susceptus est, atque inibi, ut regibus novis fieri mos est, coronatus.
Cum autem illic astaret per aliquot dies, eciam Parisiorum civitas summata est et a commonita ut regem suum suscipere eique, ut legittimo principi suo, ingressum dare atque parere vellet. Sed cum illic essent Bethfordie dux et magna Anglorum Burgundionumque presidia, sprete sunt et irrise hujusmodi summaciones et moniciones. Quam rem indigne Franci ferentes, simulque non nichil spei habentes quod cives, qui numero et viribus Anglis ac Burgundionibus longe superiores erant, eis ad conatum atque desiderium suum perficiendum fierent adjutores, aggressi sunt urbem expugnare insultumque facere et vallum intrare inchoarunt, comitante eosdem ymmo et preeunte Johanna puella cum duce Alençonii multisque regiis capitaneis et ducibus militum. Quibus, cum hii qui in menibus erant confertissimi atque dempsissimi, ad defendendum et propugnandum expediti, petrariis, tormentis, balistis et aliis jaculis viriliter admodum resisterent, multis ex ipsis insultoribus peremptis vel sauciatis, ipsa eciam Johanna puella in femore jactu baliste vulnerata, frustrati inefficacesque receptui cecinerunt et non absque dampno et dedecore retro abierunt.
Que cum ita, temere satis intentata, in irritum cessissent et in Sancto Dyonisio pene circumquaque inter hostes conclusi, qui civitates et castella vicina detinebant, victualium ceterarumque rerum necessariarum inopia Franci premerentur, circa Silvanectum, quam Anglici occupabant, abscessit rex cum suo exercitu.
Ad quam defendendam civitatem statim, Anglorum contractis undique copiis, occurrit dux Bethfordie, castraque metatus est, que ex quibusdam stagnis paludibusque adjacentibus municiora et non nisi cum difficultate atque periculo accessibilia reddebantur. In quibus cum aliquot permansisset diebus et a Francorum exercitu esset quasi obsessus nec pugnandi copiam facere tutum ullatenus esse a existimaret, noctu cum suis Anglicis Parisius versus repedavit.
Comme les choses tournaient si bien pour les Français et, de très fâcheuses et presque désespérées se changeaient, au contraire, en favorables et prospères, au point qu'on pouvait dire à bon droit d'un tel changement de fortune : « ce revirement vient de la main de Dieu », le roi Charles — qui n'avait encore été ni sacré à la manière des très chrétiens rois de France, ni décoré et couronné du diadème royal, parce que Reims, où la tradition veut que les rois soient consacrés, Paris et Saint-Denis, où elle veut qu'on les couronne, étaient encore sous la domination anglaise — Charles, donc, rassembla des troupes dans toutes les parties du royaume qui se trouvaient sous sa puissance, et, ayant réuni une grande armée, résolut de gagner Reims, de s'y faire sacrer et de se rendre ensuite à Paris et à Saint-Denis, pour s'y faire couronner solennellement, à l'exemple de ses pères et de ses aïeux.
Ayant donc attaqué d'abord Troyes en Champagne, sur les conseils et avec l'aide de très prudente et sage personne maître Jean Laiguisé, qui en occupait le siège épiscopal et y administrait vaillamment et noblement les biens de l'Église, il fut accueilli dans la ville avec paix et liesse (1). Puis, gagnant Châlons et Reims, il reçut en sa main ces deux villes, ainsi que presque toute la Champagne, qui se donna volontairement à lui. A Reims, il fut oint de l'huile sainte et sacré au milieu d'un grand triomphe et dans la grande joie des Français, et toujours Jeanne la Pucelle, en vêtements masculins et en armes, accompagnait l'armée royale avec ses enseignes guerrières.
Mais, voulant visiter les autres villes du royaume, ainsi que les localités et les provinces qui étaient encore au pouvoir des ennemis, surtout Paris, sa très insigne cité, et Saint-Denis, où il devait recevoir le diadème, prendre en main le sceptre royal et monter sur le trône, le roi se dirigea sur Saint-Denis avec toute son armée. Là, comme il était impossible de résister à un tel déploiement de troupes et à une telle puissance, il fut aussi accueilli pacifiquement et couronné comme il est d'usage pour les nouveaux rois (2).
Comme il restait quelques jours dans ces parages, la ville de Paris fut, elle aussi, sommée et mise en demeure d'accueillir son roi, de lui ouvrir ses portes et de lui obéir comme à son légitime seigneur. Mais, comme il y avait là le duc de Bedford et une nombreuse garnison d'Anglais et de Bourguignons, ces sommations et mises en demeure furent reçues avec mépris et tournées en dérision. Les Français en furent indignés ; et, se berçant d'ailleurs de l'espoir que les habitants, infiniment plus nombreux et plus forts que les Anglais et les Bourguignons, les aideraient à venir à bout de leur tentative et à combler leurs désirs, ils se prirent à attaquer la ville et commencèrent à donner l'assaut et à pénétrer dans le fossé, en compagnie, voire sous la conduite de Jeanne la Pucelle, ainsi qu'avec le duc d'Alençon et beaucoup d'autres capitaines royaux et chefs de gens d'armes. Ceux qui étaient sur les murs, en troupe serrée, décidés en outre à se défendre et à repousser les assaillants, résistèrent en gens de cœur à l'aide de perrières, de bombardes, d'arbalètes et de projectiles de tout genre ; de nombreux assaillants furent tués ou blessés, et Jeanne la Pucelle elle-même fut atteinte à la cuisse par un trait d'arbalète. Aussi, découragés, sonnèrent-ils la retraite et se retirèrent-ils, non sans dommage et déshonneur.
Ces tentatives assez téméraires se trouvant donc inutiles et les Français dans Saint-Denis étant presque entièrement cernés d'ennemis, tandis que ceux qui tenaient les villes et châteaux voisins souffraient gravement du manque de vivres et d'autres choses nécessaires, le roi s'en alla avec son armée du côté de Senlis, que les Anglais occupaient.
A la défense de cette ville, ayant partout rassemblé des troupes, accourut aussitôt le duc de Bedford. Il dressa son camp au voisinage d'étangs et de marais qui en facilitaient la défense et en rendaient l'accès malaisé et périlleux. Il y resta quelques jours et, comme l'armée française l'encerclait presque et qu'il ne jugeait pas prudent d'accepter le combat, il repartit pour Paris nuitamment avec ses Anglais.
Source
: "Histoire de Charles VII" par
Thomas Basin - éd. et traduction Ch.Samaran - 1933.
Notes :
1 Le 4 juillet 1429.
2 Le 26 août, Jeanne d'Arc était à Saint-Denis. Le roi l'y suivit bientôt ; mais les autres historiens ne parlent pas de son couronnement dans la basilique (Samaran).
|