L'abréviateur du procès (compilation du ms 518 d'Orléans)
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n suivant la génération des chroniques issues du récit de Jean
Chartier combiné avec d'autres sources, on arrive à un ouvrage
qui fut écrit vers l'an 1500 par ordre de Louis XII, à l'instigation
de l'amiral Louis Malet de Graville. C'est une histoire de
Jeanne d'Arc à la suite de la quelle est mis un abrégé des deux
procès. Celui de 1431 y est rapporté plus au long ; l'auteur en
a reproduit tous les interrogatoires ; mais effrayé du volume que
faisaient les pièces de la réhabilitation, il s'est borné à indiquer
sommairement le contenu des principales ; ce dont du reste
il se justifie en ces termes :
« Et fault icy entendre que ledit procez seroit trop long et ennuyeulx, qui vouldroit escripre tout ce qu'il contient, c'est assavoir les actes d'iceluy, les informacions et depposicions des tesmoings, articles et raisons, qui sont de si longue déduction que je l'ay voulu abréger et escripre le plus sommairement qu'il m'a esté possible, pour monstrer seullement la nullité, faulseté et desloyaulté dudit procez faict par lesditz esvesque, inquisiteur et leurs adhérens. »
Après cela il ne tarde guère d'arriver à la sentence définitive qu'il
a traduite intégralement ; puis il donne les noms des juges appelés
pour la révision, tels qu'on les trouve dans le premier acte de
la rédaction du manuscrit de d'Urfé (voyez t. III , p. 372). Enfin
il conclut ainsi :
« Ces procez brefz et sommaires, tant de condempnacion que de l'absollucion, sont extraictz de trois livres qui ne conviennent pas tousjours ensemble ; et pour ce, je pry à ceulx qui le lyront qu'il leur plaise me supporter se il leur semble que il y ait aulcune erreur ou faulte, en ayant regard à la diversité desdites euvres dont procèdent les faultes, se aulcunes en y a. »
Jamais on n'a imprimé entièrement cet ouvrage (1), qui n'a pas de
titre et dont l'auteur est inconnu ; mais à diverses époques des
fragments plus ou moins longs en ont été mis au jour. Ainsi c'est de là que vient une relation qui fait suite à l'Histoire et Chronique
de Normandie, imprimée à Rouen en 1581. Elle a pour intitulé :
Ensuit le livre de la Pucelle natifve de Lorraine qui réduit France
entre les mains du roy ; ensemble le jugement, et comme elle fut
bruslée au Vieil Marché à Rouen. Plus tard Robert Hotot emprunta à l'Abréviateur, pour les placer en tête de son édition du Journal du
Siège (Orléans 1621), toute l'histoire de Jeanne d'Arc avec les préliminaires
du procès de condamnation mis en français : documents
qu'il donna comme « extraits d'un ancien livre escrit à la main, et curieusement, contenant le procès de Jehanne d'Arc, dicte la Pucelle d'Orléans, auquel livre y a quelques feuillets rompus, tellement que le commencement défaut. » Effectivement l'extrait
de Robert Hotot commence par une queue de phrase au milieu
d'un morceau qui servait de prologue à tout l'ouvrage. Enfin en
1827 M. Buchon, dans sa Collection des Chroniques nationales
(t. IX) , imprima d'après un manuscrit d'Orléans et sous le titre
de Chronique et procès de la Pucelle d'Orléans, l'ouvrage en
question, moins le fragment de prologue donné par Hotot, moins
aussi l'abrégé de la réhabilitation qui le termine.
Le manuscrit d'Orléans, où j'ai puisé moi-même toutes mes notions sur le travail de l'Abréviateur, est un volume en papier écrit
du temps de François Ier. Il appartenait avant la Révolution au
Chapitre de la cathédrale ; aujourd'hui il fait partie de la bibliothèque
de la ville, catalogué sous le n° 411. M. Septier en a donné
la notice dans son livre sur les manuscrits d'Orléans, et avant
M. Septier, De l'Averdy en avait parlé d'après les renseignements
fournis à M. de Breteuil par un savant Orléanais. Le premier feuillet a demi déchiré n'offre plus qu'un fragment de préface, absolument conforme à ce qu'a imprimé Robert Hotot ; preuve que
c'est de ce même exemplaire que s'est servi l'éditeur de 1621.
La mutilation du manuscrit d'Orléans est regrettable. On peut
croire que l'auteur se nommait dans la partie détruite du prologue.
Le texte ne fournit rien qui y supplée ; seulement on peut inférer
que cet auteur était ecclésiastique, d'après un passage où, parlant
de Gerson, il l'appelle notre maître. Son abrégé des deux procès est
tiré des documents connus, c'est-à-dire des instruments authentiques
et du manuscrit de d'Urfé. Ce sont là les trois livres ne convenant pas ensemble, sur le désaccord desquels il prétend rejeter
toutes les fautes par lui commises. Un chanoine d'Orléans, mort
depuis peu d'années, M. Dubois, prenant ces expressions à la lettre,
a cru pouvoir démontrer que l'Abréviateur avait eu à sa disposition
des documents judiciaires perdus aujourd'hui, et entre autres la
minute française des interrogatoires de Jeanne d'Arc. La dissertation
où il cherche à établir ce point, a été publiée par M. Buchon,
au lieu indiqué. Cette opinion n'est pas soutenable. Elle est en
contradiction formelle avec le témoignage de l'auteur lui-même
déclarant son abrégé traduit du latin, dans une rubrique qu'on
trouvera rapportée ci-après. D'un autre côté M. Dubois a le désavantage,
dans sa dissertation, d'avoir raisonné tout le temps contre
les originaux du procès, sans les connaître.
Pour ce qui est de la partie narrative de la vie de Jeanne d'Arc,
l'Abréviateur l'a faite avec Jean Chartier, avec une autre mauvaise
chronique de France, écrite pour Charles VIII encore
dauphin, et qui est elle-même un abrégé de Chartier assaisonné
d'erreurs (il y en a un exemplaire manuscrit à la Bibliothèque
royale, n° 10299, français) ; enfin avec une troisième chronique
bien authentique, dit-il, laquelle il n'avait pas vue lui-même,
mais dont de grands personnages lui avaient rapporté le contenu
relativement au secret révélé par la Pucelle à Charles VII... (2)
Chapitres : (suivant les chapitres fait par l'abréviateur.)
- Apprez ce que j'ay veu et leu toutes les...
- Les cappitaines et gens d'arme...
- Or en ce temps...
-
Apprez lesquelles interrogacions...
- Or faut-il...
- Les préparatifs...
- Le lendemain...
- Or apprez...
-
Or, fault icy...
- Le lendemain...
- Le jour ensuivant...
- Le lendemain au matin...
-
Le siege levé comme dit est...
- La compagnie assemblée...
- Quattre ou cinq jours apprez...
- Les victoires dessucdictes faictes...
- Le lendemain au mattin...
- En ce lieu...
- Deux jours apprez...
Intermède de l'auteur
- Et pour...
- Ung jour ou deux apprez...
-
Ladicte Pucelle prinse...
Copies de documents relevés dans le procès de condamnation.
- Ladicte sommation...
- Apprez...
- Certain...
- Ces preparatifz faictz...
Source
: Édition de "La minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle".1952 - Paul Doncoeur.
Présentation de Jules Quicherat - t.IV - p.254. C'est Jules Quicherat qui est à l'origine du nom de cette chronique "L'abréviateur du procès". Il serait plus judicieux de l'appeler "La compilation de l'auteur du ms518 d'Orléans".
Notes :
1 La reproduction de Paul Doncoeur ici présentée est intégrale.
2 Quelques commentaires de J.B.J Ayroles à propos de ce manuscrit : ...Le Double Procès imprimé, l'Abrégé n'a plus de valeur *. Il n'en est pas
de même de l'histoire de la Pucelle mise en tête. Elle renferme certaines
particularités que l'on ne trouve que chez peu de chroniqueurs. Telles
sont la nature des secrets révélés, la manière dont Jeanne a été prise à
Compiègne, la grande part de l'Université de Paris dans le martyre, la
résistance de Luxembourg à ses sommations, et aussi les débuts du
procès...
* NDLR : Paul Doncoeur le premier en 1952 puis Pierre Tisset dans sa réédition du procès en 1970 ont démontré que la minute française contenue dans le ms d'Orléans était bien authentique contrairement aux assertions de Quicherat et Champion.
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