La
chronique de Tournay
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ournay, la première capitale de Clovis, fut durant de longs siècles une
ville des plus fidèles au sentiment français. Elle l'était en particulier
au temps de Jeanne d'Arc. La Libératrice écrivit plusieurs fois à Tournay,
et, durant sa prison, — on le verra ailleurs, — elle fit appel à la générosité
de ses habitants, et les pria, non vainement, de venir en aide à sa détresse.
Les habitants avaient d'autant plus de mérite de rester fidèles à la
cause française que leur évêque, Jean de Thoisy, était un des tenants
les plus décidés de la cause bourguignonne, et résidait auprès du duc
Philippe, en qualité de chancelier.
Tout ce qui concernait le parti français était l'objet d'un intérêt à
part dans une ville qui consentait à s'isoler de toutes les autres, pour
s'attacher à un prince avec lequel elle ne pouvait correspondre qu'à
travers cent lieues de pays ennemi. L'attachement au roi de France
grandissait de tous les sacrifices faits par la population pour acheter
du duc de Bourgogne une paix payée fort cher et troublée par ses
partisans.
Tournay avait son chroniqueur officiel. Cela résulte de la résolution
suivante prise le 7 janvier 1399, et ainsi rapportée par M. Vandenbroeck : « Les chefs des consaux sont chargés d'aviser comment les chroniques
de la ville seront mises et escriptes en autres fournies qu'elles ne sont,
par Frère Mathieu du Val, en lui faisant satisfaction raisonnable (1) ». Le
Frère du Val a-t-il repris les Chroniques à partir de la guerre des Flandres
en 1204, et les a-t-il conduites jusques en 1455 ? Il aurait dû tenir longtemps
la plume, car c'est la durée de la Chronique dont un extrait va être donné. Le manuscrit se trouve à la Bibliothèque royale de Bruxelles,
n° 19 684.
Il fut imprimé dans le troisième volume des Chroniques de Flandres,
par le chanoine de Smet, pénitencier de la cathédrale de Saint-Bavon à Gand, sous la direction de la Commission royale de l'Histoire de
Belgique.
Les Chroniques belges publiées par cette Société comprennent près de cent volumes, in-quarto, fort épais. Le chanoine de Smet éditait celle
de Tournay en 1856. Les pages qui ont trait à notre héroïne ont été
assez peu connues en France, ainsi que les autres Chroniques du vaste
recueil, que l'on verra plus loin.
Quicherat, à l'affût de tout ce qui regarde Jeanne d'Arc, n'en parla, à
ma connaissance, qu'en 1882 dans la Revue historique. L'éditeur du
Double Procès trouve que les pages de la Chronique de Tournay sont
d'une remarquable exactitude, jugement que l'éditeur belge étend à tout
le règne de Philippe le Bon. Elles renferment cependant une grosse erreur,
comme on le verra, sur le lieu d'origine de la Pucelle, et sur sa condition
de servante.
Il y a disproportion dans l'histoire de l'héroïne. Convenablement étendue jusqu'à la délivrance d'Orléans, elle court ensuite sur tout le
reste. On trouve dans la première partie le jugement porté, par les
examinateurs de Jeanne, mieux exposé que dans les résumés que
l'on en donne ailleurs, ainsi que la lettre aux Anglais, avec quelques
variantes; ce qui prouve la large diffusion de ces deux pièces, qui promulgaient
les lettres de créance de l'envoyée du Ciel et l'objet de sa
mission. Le jour du départ de Blois, l'étendue du convoi, la déception
de la Pucelle sur la rive gauche de la Loire, la réception que lui fit le
roi après la retraite des Anglais, y sont exposés avec certains détails
omis dans toutes, ou presque toutes les autres Chroniques. La partie plus
brève renferme des assertions de toute gravité, telles que la facilité
avec laquelle Charles VII, en obéissant à la Pucelle, aurait pu conquérir
tout son royaume, la résolution avec laquelle après le sacre Jeanne se
porta sur Paris, la trahison qui fit échouer son attaque, l'amertume de
son âme en voyant sa mission entravée par ceux qui devaient en bénéficier.
La Chronique se termine par une accusation dont la gravité surpasse
toutes les autres, puisque, d'après elle, certains seigneurs de la cour de
Charles VII auraient été d'accord avec les Anglais pour faire mourir
l'envoyée du Ciel.
* Le texte original, d'un seul tenant, est découpé en chapitres pour en faciliter la lecture.
Chapitres
:
- La Pucelle jusqu'au départ pour Orléans
- Délivrance d'Orléans
- La suite de l'histoire de la Pucelle sommairement indiquée
Source
: "La vraie Jeanne d'Arc - t.III : La libératrice" - J.-B.-J. Ayroles - 1897.
Notes :
1 Extrait analytique des registres des consaux de Tournay, t. I, p 48.
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