Les
chroniques d'Angleterre
Jean
de Wavrin du Forestel - Index |
oici
la déposition d'un soldat qui combattit avec les Anglais
contre la Pucelle. Jean de Wavrin, chevalier, seigneur du Forestel
près de Lille, était fils naturel de Robert de Wavrin
qu'il vit tuer à côté de lui à la bataille
d'Azincourt. Dès ce temps-là, Jean de Wavrin était
un homme de guerre consommé et fort en renom dans les armées
bourguignonnes. Plus tard il devint chef d'une compagnie de soudoyers,
avec laquelle il servit tantôt le duc de Bourgogne, tantôt
le roi d'Angleterre. Envoyé par ce dernier pour intercepter
un convoi français pendant le siège d'Orléans,
il échoua dans son
entreprise, s'en vint à Paris et y renouvela son engagement
avec les Anglais. On l'incorpora alors dans l'armée qui allait
se faire battre à Patay. Comme il avait eté placé
sous le commandement de Sir John Falstolf, il prit part à
la retraite qui fut si chèrement payée par ce vaillant
capitaine.
Jean de Wavrin a laissé de curieux mémoires,
mais sous une forme qui les a soustraits jusqu'à présent
à la publicité. Au lieu de faire un livre à
part, il les a disséminés dans une vaste compilation
formée par lui avec les principaux chroniqueurs de son siècle,
tels que Froissart, Monstrelet et Mathieu de Coussy. Bon nombre
de ces additions concernant l'Angleterre, à cause de la prédilection
de l'auteur, il donna à son travail le titre de Chroniques
d'Angleterre. Il l'exécuta en grande partie de 1455 à
1460, pour l'instruction d'un sien neveu, héritier légitime,
quoiqu'indirect, du nom de Wavrin.
Comme addition du témoignage de Monstrelet sur
Jeanne d'Arc, le récit de la campagne du mois de juin 1429
est ce que les Chroniques d'Angleterre offrent de plus intéressant.
On y voit à découvert, et la perplexité du
gouvernement anglais, et les fautes de ses généraux,
et la supériorité d'intelligence avec laquelle, au
contraire, l'armée française fut dirigée en
ce moment. Il est regrettable que l'esprit lucide et impartial auquel
on doit ce morceau, se soit laissé égaré en
d'autres endroits par l'esprit de parti. Ainsi Wavrin est le premier
entre toous les écrivains, qui ait représenté
Jeanne d'Arc comme l'instrument d'une manoeuvre politique : il la
fait endoctriner par Baudricourt et paraitre devant le roi de France
instruite de ce qu'elle avait à faire. Plus loin il traite
de folz ceux qui croyaient en elle : ce qu'il fait au moyen
d'une petite incise glissée dans le texte de Monstrelet ;
et par une autre interpolation il envenime la conclusion déjà
si peu favorable du même auteur, ajoutant l'épithète
de femme monstrueuse, là où son devancier avait
mis tout simplement ladite Pucelle...
chapitres :
- Livre IV - Chap. VII : Comment les Anglois alans au secours du siège d'Orliens rencontrèrent les François, qui les assaillirent.
- Livre IV - Chap. VIII : Comment Jehanne la Pucelle vint devers
le roy de France à Chynon en poure estat, et de son abus.
- Livre IV - Chap. X : Comment Jehanne la Pucelle fut cause du
siege levé de devant Orlyens, [et de l'armée qui fut faite par le duc de Bethford
pour porter secours aux Anglois].
- Livre IV - Chap. XI : Comment le connestable de France, le duc d'Allen-chon et la Pucelle prindrent Ghergeauz.
- Livre IV - Chap. XII : Comment les Anglois estans à Jenville furent advertis de la prinse de Ghergeauz et de Meun, et de la venue du seigneur de Thalbot.
- Livre IV - Chap. XIII : Comment les François eurent par composition le chastel de Baugensi, que tenoient les Anglois, et de la journee que les Anglois perdirent à Pathai contre les François.
Sources
: Introduction (Procès de Jules Quicherat, t.IV, P.405
et 406)
Chronique : J.B.J. Ayroles : "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III, p. 485 à 504.
Présentation de la chronique par J.B.J. Ayroles :
[Jean Wavrin est un bâtard d'une ancienne et grande famille de
Picardie. Non seulement il parvint à être légitimé, mais encore à
occupera la cour de Philippe, duc de Bourgogne, les charges de conseiller
et de chambellan. Il doit être né vers les dernières années du XIVe siècle,
puisqu'il assista comme héraut d'armes à la journée d'Azincourt, où
périrent son père et l'unique représentant légitime de la famille.
Wavrin, préférant prendre rang parmi les combattants que compter
les coups qu'ils se portaient, quitta la carrière de héraut d'armes pour
devenir, dans le sens strict du mot, un homme d'armes. Il fit partie
en 1420 d'une expédition contre les hussites, et au retour, Bourguignon
déclaré, prit part aux batailles de Crevant, de Verneuil, et à la guerre
du duc de Bourgogne contre Jacqueline. Il passa bientôt après au
service direct et immédiat de l'armée anglaise. Bedford l'envoya en
mission dans l'Orléanais, et l'attacha au service de son homme de
confiance, du grand maître de sa maison, Fastolf, le vainqueur de
Rouvray, avant d'être le fuyard de Patay. Il est vraisemblable qu'il
continua à servir dans l'armée anglaise jusqu'au traité d'Arras, après
lequel il serait revenu au service de son seigneur naturel, le duc de
Bourgogne, qui, avec les titres déjà rappelés, lui fit des dons importants.
Ces hautes faveurs et ses exploits ne l'auraient pas sauvé de l'oubli, s'il n'avait pas écrit. Le sujet qu'il choisit témoigne de la sympathie qu'il
garda toujours aux Anglais. Il écrivit l'Histoire de l'Angleterre depuis
les temps fabuleux jusqu'à l'année 1472. Son texte enrichi de notes forme
cinq volumes de la belle Collection des historiens de la Grande-Bretagne.
La Société de l'Histoire de France a édité ce qui dans Wavrin a trait à l'Histoire de France. Mlle Dupont, à laquelle cette tâche fut confiée, l'a
fait précéder de chapitres préliminaires auxquels sont empruntées la
plupart des indications que l'on vient de lire.
Forestel compose son récit en insérant mot à mot les pages détachées
des chroniqueurs qui l'ont précédé, tels que Froissart, de Saint-Rémy, Monstrelet, Leclerc. Pour ce qui regarde la Libératrice, il suit
pas à pas la Chronique de Monstrelet, l'amplifiant le plus souvent, mais
surtout l'envenimant. Il est loin d'imiter la réserve du premier. Il donne
un sens défavorable aux faits que Monstrelet se contente de relater.
Ses amplifications sont accompagnées de nombreuses inexactitudes.
C'est ainsi qu'il fait commencer le siège de Baugency avant celui de
Jargeau, et fait courir la Pucelle de la première ville à la seconde pour la
faire revenir emporter une place dont le siège ne dura pas deux jours.
L'on dirait qu'il n'a idée ni des lieux ni de la suite des événements ; il
assistait cependant à la bataille de Patay, comme attaché à la personne
de Fastolf, avons-nous dit. Aussi s'efforce-t-il de justifier son maître.
Le lecteur pourra juger de la valeur de l'apologie. Wavrin donne à cette
occasion, sur les préludes de la journée de Patay, des détails que l'on ne
trouve que dans sa Chronique.
Certains modernes nous paraissant apprécier trop favorablement
Wavrin de Forestel, l'on trouvera ici tout ce qu'il dit sur la Pucelle
jusqu'à la bataille de Patay. Il rend malgré lui à la Libératrice de précieux
témoignages.
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