La
registre delphinal
Mathieu
Thomassin - Index |
es pages suivantes ne sont pas tant une Chronique suivie que l'expression
des sentiments provoqués chez les contemporains par l'apparition
de la Pucelle. Elles ne manquent pas cependant de renfermer
comme faits d'importantes particularités. L'auteur est un grave magistrat du temps, dans la pleine maturité de
l'âge, lorsque parut la Pucelle, qui lui a survécu de longues années.
Mathieu Thomassin, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même dans le livre dont
les pages suivantes sont un extrait, naquit à Lyon en 1391. Il étudia le
droit à Orléans. Après avoir passé sa licence il suivit la cour du parlement,
pour s'initier à la pratique des affaires: il était à Paris en 1417.
Charles VII l'employa dans l'administration du Dauphiné ; il était membre
du présidial lors de l'apparition de la Pucelle.
Louis, devenu Dauphin de bonne heure, et seigneur du Dauphiné avant
d'être Louis XI, lui témoigna plus de confiance encore. En date du
20 mai 1456, il lui adressait les lettres patentes suivantes : « Nous,
informé à plein de vos sens, science, prudhommie, loyauté et bonne
diligence, attendu mêmement que vous êtes le plus ancien de nos officiers...
vous mandons et commettons par ces présentes, que de nos
anciens droits, privilèges, libertés, gestes, faits et autres choses touchant
notredit pays, vous vous informiez diligemment et au vrai, et tout ce
que vous en trouverez, enregistrez ou faites enregistrer en livre et
registre dû, pour être mis et gardé en notre chambre des comptes, à
Grenoble, en perpétuelle mémoire ». La commission était accompagnée
des pouvoirs les plus étendus pour se faire livrer par tous et partout
les pièces qui pourraient servir au travail assigné.
Le champ était vaste. L'auteur se mit à l'oeuvre. Il en sortit le manuscrit
conservé aujourd'hui à la bibliothèque de Grenoble sous le titre de« Registre Delphinal ». Bien des matières certes sont abordées; mais soit
que l'auteur ait manqué de temps pour coordonner ses recherches, soit
qu'il n'eût pas les aptitudes nécessaires, le « Registre Delphinal » est un
vrai chaos ; il serait difficile d'en retracer la marche et la suite.
Ce qui est manifeste, c'est que l'auteur est un homme de foi, profondément Chrétien et profondément Français, jaloux du pouvoir civil et
politique à l'encontre du clergé, dont il combat en maints endroits les
empiétements réels ou prétendus.
Dans la longue énumération des privilèges du roi de France, voici
ceux qu'il met en tête : L'Église universelle, et tous les chrétiens appellent
le roi de France Très-Chrétien comme chef de toute Chrétienté. Le royaume
a pour spécial protecteur, guide, et défendeur le glorieux Archange
saint Michel. Depuis que le roi Clovis fut fait Très-Chrétien, les rois de
France jamais ne se départirent de la foi chrétienne, ils ont remis sur leur
siège plusieurs Papes qui en avaient été chassés et déboutés. Thomassin énumère
les Papes ainsi rétablis, et les privilèges concédés par leur reconnaissance,
entre autres celui-ci : le Pape Estienne II excommunia et
mauldit tous estrangers qui vouldroient nuyre et invader ledit royaulme.
Voici comment il parle du privilège de guérir les écrouelles : Par
don et grâce spéciale de Dieu, les rois de France ont autorité et vertu
de guarir des écrouelles... Quand la personne qui est malade vient en foi
et dévotion devers le roi, lequel après ce qu'il a ouï la messe et fait son
oraison à ce propre, se vire vers la personne ou les personnes malades, leur
fait le signe de la croix, et embrasse le col malade de la main, incontinent
le mal cesse et ne croit plus. J'en ai vu guarir plusieurs au roi Charles
septième, qui est à présent...
Du Ciel fut envoyée une bannière appelée l'auriflambe. D'après Thomassin,
ce n'était pas l'oriflamme même que, aux jours de grand péril, l'on
portait dans les combats, mais une reproduction minutieusement et religieusement
taillée sur le signe gardé à Saint-Denis.
Avec des idées si hautes, on s'explique l'impression produite par
l'apparition de la Pucelle sur l'éminent magistrat, et, qu'ainsi qu'il le
dit, il ait voulu en consigner le souvenir dans un livre où il ne semblait
pas devoir se trouver.
Le Dauphiné avait son gouvernement à part ; mais, gouverné par l'héritier
présomptif de la couronne, il payait largement dès lors à la France
son tribut de sacrifices et de sang.
La sentence des docteurs rendue sur la Pucelle à l'entrée de sa carrière,
se trouve dans Thomassin. On en a vu la substance dans la Chronique de
Tournay, on la retrouvera dans Eberard de Windecken; c'est la confirmation
des textes isolés qu'on lit dans certains manuscrits. Dans la lettre
aux Anglais, citée précédemment, Jeanne s'adresse successivement au roi
d'Angleterre et à tous ceux qui concouraient à la conquête de la France;
Thomassin suppose que ce sont autant de lettres séparées.
Il transcrit les vers inspirés par la prophétie de Merlin. Il emprunte
de multiples strophes au petit poème que Christine de Pisan composa sur la Libératrice, après le sacre, dans les derniers jours de juillet. Les
deux poésies prouvent que l'on n'attendait pas seulement l'expulsion de
l'Anglais, mais comme une sorte d'âge d'or.
A tous ces points de vue, les pages de Thomassin sont d'un grand
intérêt.
Buchon, qui a produit à la lumière tant de manuscrits de notre histoire
ensevelis dans la poussière des bibliothèques, a le premier publié,
dans son Panthéon littéraire, les pages de Thomassin sur la Pucelle. La
notice que l'on vient de lire sur ce magistrat lui a été partiellement
empruntée.
La complaisance de M. le bibliothécaire de la ville de Grenoble,
M. Maignen, nous a fourni toute facilité pour collationner le texte de
Quicherat avec le manuscrit original... A un mot près qui sera signalé, les variantes ne portent que sur
l'orthographe.
chapitres
:
...
chap. I
chap. II
chap.III
chap.IV
...
Source
: Quicherat - Tome IV p.303 à 312.
Présentation, correction, ajouts et mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc - t.III".
Notes
:
1 p.303-312,
dans le t.IV de la publication de J.Quicherat
2 "La libératrice"
- p.255 - R.P Ayroles.
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