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La
registre delphinal de Mathieu Thomassin - index
I
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e roy (1) estant ès mains des Angloys, mourut l'an
mil quatre cens vingt et deux. Et adonc s'appela roy
mondit seigneur le daulphin.
Et pour ce que les ennemys
tenoient toutes les places jusques à Reims, et
aussi Reims, il ne fut point couronné jusques à l'advénement
de la Pucelle.
Et s'appeloit « Roy de France,
daulphin de Viennois », ès lettres qui se adressoient par
deça, jusques au temps qu'il bailla l'administration du
Daulphiné à monseigneur (2). Et les ennemys se truffoient
et mocquoient de lui, et l'appeloient « roy de
Bourges », pource qu'il se y estoit retraict et y faisoit le
plus sa demeurance...
...Et est vray que, tant par batailles, par rencontres,
par siéges, par assaulx, que autrement, le royaume
fut mené à tant qu'il eust esté du tout mené et mis à l'obéissance
des Angloys et de leurs alliez, se Dieu n'en
eust eu pitié, et envoyé secours par le moyen d'une
pauvre bergerette appelée Jehanne.
L'an MCCCCXXIX, vint ladicte Pucelle ; et par son
moyen fut levé le siége, ainsi comme inexpugnable,
que les Anglois tenoient devant la cité d'Orléans.
L'an dessusdit elle mena le roy à Reims ; et là fut
couronné le dix-septiesme jour de juillet, comme par
miracle; mais après fut il toujours daulphin jusques au
temps cy declairé.
Le roi étant ès mains des Anglais, mourut l'an mil
quatre cent vingt-deux, et adonc s'appela roi Monseigneur le Dauphin.
Et parce que les ennemis tenaient toutes les places jusqu'à Reims, et
aussi Reims, il ne fut point couronné jusqu'à l'avènement de la Pucelle.
Il s'appelait « roi de France, Dauphin de Viennois », ès lettres qui s'adressaient
par deçà, jusques au temps qu'il bailla l'administration du Dauphiné à Monseigneur. Les ennemis se truffaient et se moquaient de lui, et l'appelaient « roi de Bourges », parce qu'il s'y était retiré et y faisait le plus
sa demeurance.
L'an mil CCCCXXIIII, le XVIIe d'août fut la bataille de Verneuil, et là
moururent environ CCC chevaliers et écuyers du Dauphiné et toute leur
suite, dont fut grand dommage. Les gens des trois États du Dauphiné,
en mémoire perpétuelle de la vaillance et loyauté des Dauphinois, ont fait
fonder au couvent des Jacobins de Grenoble pour tous les jours une messe
qui se dit au grand autel; et au-dessus des chaires, là où se mettent le
prêtre, le diacre et sous-diacre, ils ont fait peindre une grande image de
Notre-Dame ayant un grand mantel, dedans lequel sont peints les seigneurs
nobles qui furent morts à ladite bataille, tous armés, avec leurs
cottes d'armes. Pareille messe et pareille peinture sont à Saint-Antoine
de Viennois, au monastère. Les autres batailles et rencontres qui ont été
faites par avant et depuis, je n'en dis rien.
Et il est vrai que tant par batailles, par rencontres, par sièges, par
assauts, que d'autre manière, le royaume fut mené à ce point qu'il eût été
conduit et mis à l'obéissance des Anglais et de leurs alliés, si Dieu n'en eût
eu pitié, et envoyé secours par le moyen d'une bergerette appelée Jeanne.
L'an MCCCCXXIX vint ladite Pucelle, et par son moyen fut levé le siège,
comme inexpugnable, que les Anglais tenaient devant la cité d'Orléans.
L'an dessus dit, elle mena le roi à Reims ; et là il fut couronné le dixseptième
jour de juillet, comme par miracle ; mais après il fut toujours
Dauphin jusques au temps ci-dessus déclaré (3) .
Sources : Procès de condamnation et de réhabilitation - J. Quicherat - t.IV, p.303 à 313.
Mise en français modernisé et ajouts de parties non mentionnées par Quicherat : J.B.J Ayroles - "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III p.254 à 267.
Notes (Quicherat & Ayroles) :
1 Charles VI.
2 C'est à dire son fils Louis (futur Louis XI).
3 Le Dauphiné relevait nominalement de l'Empire. Il avait été cédé au fils ainé
du roi de France, qui peut-être n'a jamais fait hommage de ce fief à l'Empereur.
Thomassin veut dire que Charles VII conserva le titre de Dauphin et le gouvernement
du Dauphiné, jusqu'à ce qu'il cédât l'un et l'autre à son fils, le futur Louis XI; ce qui
se fit en 1440. Le jeune prince avait dix-sept ans.
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