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Chronique
de Jean de Wavrin du Forestel
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Livre IV - Chap. XI . |
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l est verité que, es propres jours que ces seigneurs anglois, c'est à scavoir messire Jehan Fastre, messire Thomas de Rameston et leur puissance, estaient sejournans dedens Jenville, le connestable de France, le duc d'Allenchon, Jeanne la Pucelle et les autres capittaines francois, estans tous ensamble, comme dit est, devant Baugensy, leur siege bien garny, s'en partirent environ de v à vim combatans, tous gens d'estoffe ; si se misrent au chemin, tyrant vers Ghergeauz où ilz parvindrent. En laquele ville tenoit garnison le conte de Suffort atout de trois à quatre cens Anglois natifz d'Engleterre, avec les manans de la ville, qui prestement, à toute dilligence, se ordonnerent à deffence quant ilz veyrent les Francois qui tantost les eurent avironnez de toutes pars. Si les commencerent tres aigrement à envahir et assaillir en pluiseurs lieux; lequel assault dura bonne espace en le continuant merveilleusement, et tant firent les dis Francois, par grant dilligence et traveil, que, maulgré les Anglois, leurs annemis, ilz entrerent en la ville par force d'armes; à laquele prinse furent environ trois cens Anglois occis, dont il y mourut ung frère (1) au conte de Suffort, lequel conte avec ung sien autre frère (2), nommé le seigneur de la Poulle, furent constituez prisonniers, et de leurs gens jusques à LX ou au dessus. Ainsi doncques fut ceste ville et forteresse de Ghergeauz prinse par les Francois, où ilz rafreschirent; puis tyrerent à Meun, quy tantost leur fist obeissance. Laquelle chose sachant, les Anglois qui tenoient la Fraité (3) se trayrent tous ensemble à Baugensy, habandonnant la dite Fraité Hubert, jusques auquel lieu ilz furent des Francois poursievis, tousjours Jehanne la Pucelle au front devant, atout son estandart, et n'estoit lors, par toutes les marches de là environ, si grant bruit que de sa renommee. Si furent lors dedens Baugensy jusques au nombre de VIIIcc combatans, gens de bonne estoffe.
Or, il est vrai qu'en ces mêmes jours, où les seigneurs anglais à savoir, Messire Jean Fastolf, Messire Thomas de Rampston et ses troupes séjournaient dans Janville, le connétable de France, le duc d'Alençon, Jeanne la Pucelle et les autres capitaines français, réunis, comme il a été déjà dit, devant Baugency, le siège bien garni, s'en partirent au nombre
d'environ cinq ou six mille combattants, et se mirent en chemin vers
Jargeau où ils parvinrent (4). Tenait garnison en cette ville le sire de Suffolk
avec de trois à quatre cents Anglais, natifs d'Angleterre, et les manants
de la cité qui prestement et en toute diligence se mirent en défense
quand ils virent les Français qui bientôt les eurent environnés de toutes
parts, et commencèrent à les envahir très aigrement, à les assaillir par
plusieurs côtés. L'assaut dura un bon espace de temps, continué merveilleusement. Les Français firent tant par leur grande diligence et travail que, malgré les Anglais leurs ennemis, ils entrèrent dans la ville par force d'armes. A cette prise, environ trois cents Anglais furent tués, parmi lesquels un frère du comte de Suffolk. Ce comte et un de ses frères furent faits prisonniers, avec soixante et plus de leurs gens.
Ainsi fut prise cette ville et forteresse de Jargeau par les Français qui s'y
rafraîchirent, et d'où ils tirèrent vers Meung, qui leur lit obéissance.
Cette nouvelle parvenue aux Anglais qui tenaient La Ferté, ils se retirèrent
tous ensemble à Baugency, abandonnant cette ville de La Ferté-Hubert. Ils furent poursuivis jusqu'à cette place par les Français, Jeanne
toujours au front des combattants, son étendard déployé. Et alors, dans
toutes les marches des environs, il n'était si grand bruit que de sa renommée.
Il se trouva alors dans Baugency jusqu'au nombre de huit cents
combattants, tous gens de bonne étoffe.
Source : "Anciennes chroniques d'Angleterre" de Jehan de Wavrin par Mlle Dupont, t.I, p.282-283.
Mise en Français modernisé, J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.496.
Notes :
1 Alexandre de la Pole.
2 John.
3 La Ferté-Hubert.
4 Jargeau fut pris avant le siège de Baugency et le Connétable n'était nullement présent. (Ayroles).
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