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L'abréviateur du procès
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p. 22 à 23 du ms. |
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UATTRE OU CINQ IOURS APPREZ, les seigneurs et toute la seigneurie se
partirent dudit Gergeau et s'en allerent a Meun, ou ilz prindrent d'assault
le pont et la tour du bout d'icelluy ; en laquelle tour, ilz misrent gardes ;
et a grand diligence misrent gardes et marcherent droit a Baugency. Et
quand les Angloys furent advertis de la venue des Françoys, ilz habandonnerent la ville et se retirerent au chasteau ; lequel deux jours apprez, ilz rendirent par composition. Assez tost apprez la prinse dudit chasteau, il fut bruit en l'ost des Françoys que le seigneur de Tallebot et Jehan Descalles,
accompaignez de cinq mil Angloys, estoyent arrivez a Yemville en Beaulce,
qui pour lors estoit en l'obaissance des Angloys. Et fut dit a noz gens que
ledit Tallebot et toute sa compaignie marchoyent vers Meun, cuidans que
ladicte ville fust assiegee des Françoys. Ces nouvelles oyes, les cappitaines
envoyerent des chevaucheurs pour savoir la verité du cas ; lesquelz rapporterent
que ledit Tallebot venoit avecquez une grand compaignie. Sur quoy
les seigneurs et cappitaines prindrent conseil avecq ladicte Pucelle, qui fut
d'oppinion que toute la compaignie des Françoys debvoit marcher a rencontre
dudit Tallebot. Ce qui fut conclud faire. [23] Et furent envoyez
gens de nostre part pour veoir la contenance des ennemys. Par lesquelz les
nostres furent advertis que lesdits ennemys marchoyent en bonne ordonnance.
Pour quoy fut advisé mectre nostre armée en ordre.
Et ce fait, l'advangarde alla loger en ung villaige nommé Patay, euquel avoit une forte tour en l'eglise. Et furent envoyez le syre de Beaumanoir,
messyre Ambroys de Loré, La Hyre et Pothon, avecq quelque
nombre de gens d'armes pour les chevaucher. Et le duc d'Alençon, le connestable,
le conte de Vendosme, le bastard d'Orleans et Jhenne la Pucelle
marchoyent apprez. Les Anglois qui marchoyent en ordre, quand ilz apperceurent
les Françoys, et veirent leur contenance, ilz tournerent leur chemin
vers ung boys qui estoit prochain, pour trouver place plus convenable
pour combattre. Et quand ceulx qui les chevauchoyent veirent qu'ils
voulloyent gaigner ledit boys, ilz frapperent sur eulx si rudement qu'ilz
misrent en desordre et en fuite tous les a cheval desdis ennemys. Les gens
de pied, voyans la fuyte de leur gens de cheval, se retirerent eudit boys,
et en ung petit villaige qui estoit joignant, pour eulx saulver. Mais le duc
d'Alençon et sa compaignie se hasterent et vindrent frapper sur eulx, et
les desfirent. Et la furent occis troys mil hommes et plus de la part desdits
Angloys, et plusieurs cappitaines prins ; entre lesquelz estoit Talbot.
Apprez laquelle desfaicte, ladicte ville de Yenville et plusieurs aultres
places voisines se rendirent en l'obaissance du roy.
Source
: Édition de "La minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle".1952 - Paul Doncoeur.
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