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Journal d'un Bourgeois de Paris
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chap.514 |
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tem, pour vray, le cordelier qui prescha aux Innocens, qui tant assembloit de peuple à son sermon, comme devant est dit, pour vray chevaulchoit avec eulx, et aussitost que ceulx de Paris furent certains qu'il chevaulchoit ainsi et que par son langaige il faisoit ainsi tourner les cités qui avoient faiz les seremens au regent de France ou à ses commis, ilz le maudisoient de Dieu et de ses sains (1); et qui pis est, les jeus, comme des tables, des boules, [des] dés, brief, tous autres jeus (2) qu'il avoit deffenduz, recommancerent en despit de luy, et mesmes ung meriau d'estain où estoit empreint le nom de Jhesus, qu'il leur avoit fait prendre, laisserent ilz, et prindrent tretous la croix Sainct Andry.
Item. — Pour vrai le Cordelier qui prêcha aux Innocents et assemblait tant de peuple à son sermon, comme il a été dit, pour vrai il chevauchait avec les Armagnacs. Aussitôt que ceux de Paris furent certains qu'il chevauchait ainsi, et que par ses discours il faisait ainsi tourner les cités qui avaient fait serment au régent de France ou à ses délégués, ils le maudissaient de Dieu et de ses saints, et qui pis est, par dépit de lui, ils recommencèrent les jeux de tables, de boules, dés, bref tous ceux qu'il avait défendus; ils laissèrent même une médaille d'étain sur laquelle était empreint le nom de Jésus qu'il leur avait fait prendre, et prirent
tous la croix de Saint-André.
Source : Texte original et notes d'érudition : "Journal d'un bourgeois de Paris" - Alexandre Tuetey - 1881.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.513 à 530.
Notes (A. Tuetey) :
1 Dans ses lettres du 7 août 1419 au roi Charles VII, le duc de Bedford traite le cordelier Richard de « frere mendiant, appostat et sedicieux » (Monstrelet, t. IV, p. 341).
2 A cette époque, la population parisienne s'adonnait aux jeux de hasard avec une telle passion que le clergé lui-même cédait parfois à l'entraînement général, témoin l'enquête ordonnée le 16 mai 1431 par le chapitre de Notre-Dame au sujet d'un chanoine de Saint-Merry qui ne se contentait pas de jouer publiquement aux dés, mais tenait encore un jeu dans sa propre maison (Arch. nat., LL 215, fol. 5a5).
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