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Chronique
de Jean Chartier
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La
mort de Salisbury |
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ssés tost après, et durant ledit siège, le
conte de Salbery estoit en la tour et bastille de dessus le pont
d'Orléans, lesquelles tour et Bastille, avoient gaigné
les Angloiz sur les François, et regardoit ledit conte par
une fenestre vers ladite ville d'Orléans, et disoit-on que
ung de ses cappitaines, nommé Guillaume Clasidal (1),
luy disoit telles parolles ou semblables : "Monseigneur, regardez
bien vostre ville ; vous la voyez d'icy bien applain." Et soubdainement
vint une pierre de canon de ladite ville, qui ferit contre ung des
costés de ladite fenestre, tellement que icelle pierre de
canon ou des pierres d'icelle fenestre ferirent parmy le visage
d'icelluy conte de Salbery, tant que trois ou quatre jours après
il ala de vie à trespassement. Et toutesfoiz oncques homme
de ladite ville ne peult savoir qui avoit bouté le feu ne
tiré icellui canon. Et n'en savoit on rien en ladite ville,
deux jours après icelluy coup advenu. Et fut emporté
et mené le corps d'icelluy conte de Salbery en Angleterre.
Et néanmoins, combien qu'il fust chief d'icelui ost, si se
tint le siège tousjours comme devant estoit.
Et estoit en la grant bastille continuellement le conte
de Sufford, le sire de Tallebot (2),
Messire Jean Fastol (3) et plussieurs
autres seigneurs et cappitaines angloiz. Es autres bastilles de
Saint Laurens et de Saint Loup estoient autres cappitaines, et en
boulevart et bastille du bout du pont et autres bastilles du costé
devers la Soilongue estoient le sire de Moulins (4)
et le sire de Pomnimis (5), Guillaume
Glassidal, lequel conduisoit tous les autres de ce costé
; car il estoit bien vaillant homme et entrepreneur. Et disoit-on
que icellui siège se gouvernoit plus par luy que par nulz
autres, combien qu'il ne fust pas de si grant estat comme plussieurs
des dessus nommez.
Et finablement fut mise icelle ville par iceulx Angloiz
tenans icellui siège à si grant neccessité
que les habitans d'icelle eussent volentiers trouvé aucun
traictié de composicion par payant aucune grosse somme d'argent
à iceulx Angloiz sans rendre ladite ville, ou se fussent
voluntiers mis en l'obeissance de Philippe, duc de Bourgongne, lequel
tenoit le party d'iceulx Angloiz, et y envoièrent en embassade
ung escuier nommé Poton de Santrailles pour luy offrir mettre
icelle ville en son obéissance par certains traictiez et
moyens desquelz estoit chargé ledit Poton de dire plus applain
audit duc de Bourgongne, dont icelluy duc fut content d'entendre
à icelluy traictié, pourveu que le duc de Bethefort,
lequel se disoit regent de France en fust content. Et envoya tantost
icelluy duc de Bourgongne devers icelluy duc de Bethefort pour celle
cause, pour luy faire savoir la charge que ledit Poton avoit de
par ceulx de ladite ville d'Orléans. De laquelle chose ledit
duc de Bethefort ne fut en riens d'accord ne content, ainssois disoit
qu'il avoit icelle ville d'Orléans à sa voulenté,
et que ceulx d'Orléans lui paieroient ce qu'il avoit cousté
à tenir ledit siège et qu'il seroit bien couroucé
d'avoir batu les buissons à ce que d'autres deussent avoir
les oiseillons. Et à tant ledit Poton print congié
dudit duc de Bourgongne, et s'en retourna audit lieu d'Orléans,
sans autre appoinctement faire.
Source
: "Chronique
de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Notes :
1 William Glasdale
2 Sir John Talbot
3 John Falstaff
4 Lord Molyns
5 Lord Poynings, les textes l'appelent aussi Pommis, Pomiers,
Pomus...
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