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Chronique
de Jean Chartier
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Comment les François se disposoient à combattre les Angloiz |
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e landemain ensuivant au matin se mist le roy de France et son ost sur les champs et fist ordonner ses batailles, de la plus grant desquelles avoient le commandement le duc d'Alençon et le conte de Vandosme. D'une autre bataille avoit la charge le duc du Bar. De la tierce, qui estoit en la manière d'une esle (1), avoient la charge les sires de Raiz et de Bous-sac, mareschals de France. D'une autre bataille qui souvent se desplaçoit pour escarmoucher et guerroier iceulx Angloiz avoient le gouvernement le sire d'Albreth, Jehanne la Pucelle, le bastard d'Orléans, La Hire et plussieurs autres capitaines. Et à la conduite et gouvernement des archiers estoient le sire de Grasville, maistre des arbalestiers, et ung chevallier limosin nommé Messire Jehan Foucault. Et se tenoit le roy assez près de ses batailles, et avoit pour la garde de sa personne le duc de Bourbon et le sire de la Trimouille et plussieurs autres. Et par plussieurs foyz chevaucha le roy devant ses batailles au veu des Angloiz ; aussy firent le duc de Bourbon et de la Trimoulle ; et ledit duc de Betheford, le conte de Sufford et le sire de Tallebot, Angloiz, le bastard de Saint-Pol, Bourguignon, et plusieurs autres, qui estoient en bataille près d'un village et avoient au dos ung estanc et ladite rivière.
Et toute icelle nuyt et le jour très-diliganmant se fortiffièrent de fossez, de paux (2) et d'autres taudiz. Et combien qu'il fust prins conclusion par le roy de France et son conseil de combatre icellui duc de Bethford et son dit ost, quant plussieurs cappitaines et autres eurent veu la place que tenoient lesditz Angloiz, et leur fortification, ledit roy fut conseillé de ne les point combatre aucunement en ladite place ainssy fortiffiée. Maiz les batailles des François s'aprou-chèrent à deux traitz d'arbaleste ou environ d'iceulx Angloiz, en leur disant chacune heure qu'ilz saillissent hors de leur parc, et que on les combatroit. Lesquelz Angloiz de leur dit parc ne vouldrent saillir. Et tout cedit jour y oult de grandes escarmouches, et tellement que les François venoient main à main combatre à pié et à cheval en fortiffiement des Angloiz. Et toutes voys iceulx Angloiz sailloient à pié et à cheval aux champs, en reboutant lesditz François, et y en avoit souvent de mors et de prins d'un costé et d'autre. Et se passa tout ledit jour jucques environ souleil couchant en escarmouches. Et comme (3) à l'eure du souleil couchant, s'aprouchèrent grant nombre de François tant qu'ilz vindrent combatre et escarmoucher lesditz Angloiz main à main. Et lors saillit grand nombre d'iceulx Angloiz à pié et à cheval, et de rechief s'efforcèrent iceux François, et y eult à celle heure plus grant escarmouche qu'il n'y avoit eu de tout le jour, et y avoit si grans pouldres que on ne congnoessoit ne François ne Angloiz, et tant que les batailles ne s'entrepovoient veoir, combien qu'ilz fussent près les ungtz des autres, et dura icelle escarmouche tant qu'il fut nuyt obscure. Et se retirèrent lesdits Angloiz en leur parc, et aussi se retirèrent les François aux batailles. Et demourèrent iceulx Angloiz logiez où ilz estoient, et les François où ilz avoient logé la nuyt devant, environ demye lieue (4) desditz Angloiz, près du Mont-Espilouel.
Source
: "Chronique
de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Notes :
1 Aile.
2
Pieux, pluriel de pal.
3 Environ.
4 Manuscrit de Rouen (Godefroy) : deux lieues.
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