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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-11- [Cy parle de plusieurs matières en brief.] |
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nviron le temps dessusdit, le duc de Bourgongne se partit de son pays d'Artois et s'en ala à Paris, et delà en son pays de Bourgongne, où il séjourna jusques au mois de février ensuivant. Et mena avecques lui le conte de Richemont, qui espousa lors sa seur, dont le mariage (1) estoit fait long temps par avant, comme dessus est dit.
A l'issue du mois de juillet, se assemblèrent plusieurs François des marches de Mousson, de la conté de Guyse et d'ailleurs, lesquelz encloyerent soubdainement dedans Baleham le bailli de Vermendois et le bastard de Saint Pol. Mais messire Jehan de Luxembourg et le conte mareschal anglois, se mirent tantost ensamble avec grant nombre de leurs gens, et chevaulchèrent hastivement pour lever le siège que tenoient lesdiz François. Lesquelz François, quant ils en furent informez, se partirent et tirèrent en grant haste vers leurs marches, et les dessusdiz conte mareschal et messire Jehan de Luxembourg, les poursuivirent roidement, bien vingt lieues, pour les combatre.
En cest an arrivèrent les Arragonnois et les Castellans en grant puissance au pont (sic) de Naples, et illec prindrent de force icelle ville de Naples, laquelle fut pillée et courue. Et prindrent la plus grant partie des puissans hommes, jusques au nombre de huit cens, lesquelz ils envoyèrent prisonniers en Arragon, et en y eut grant partie de mors. Et fut bien le tiers de la ville, ars et destruicte. Dont le roy Loys (2) fut moult troublé ; mais brief ensuivant, par l'ayde que lui envoya le duc de Milan, il reconquist icelle ville de Naples et plusieurs.
Au mois d'aoust ensuivant, messire Jehan de Luxembourg conquist par force d'assault la forteresce de Darsie, dedens laquelle estoient environ trente sacquemans tenans le parti du roi Charles, dont les aucuns furent mis à mort et pendus. Et ladicte forteresce fut arse et du tout démolie. Et delà, ledit de Luxembourg ala assiéger Landrecies, où il fut jusques au mois d'octobre en combatant iceulx très fort de ses engins. Mais en conclusion ceulx de dedens lui rendirent la forteresce, par tel si, qu'ils s'en allèrent sauf leurs corps et grant partie de leurs biens. Laquelle forteresce, comme celle de dessus, fut démolie et abbatue.
En ce mesme temps, le conte mareschal anglois, estoit, à tout six cens combatans ou environ, sur les marches de Laonnois. Pour lequel ruer jus et destrousser, s'assemblèrent les gens du roy Charles. Mais ledit conte, de ce adverti,ala contre eulx et les fist fuir et départir l'un de l'autre, et en les poursuivant tous chauldement, se boutèrent une partie dedens la forteresce. Ouquel lieu ils furent, dudit conte, assiégez sans arrest, et tant approchez que en la fin ils se rendirent à sa voulenté. Si en y eut une partie de pendus, et fut ladicte forteresse désolée.
Au mois d'aoust dessusdit, le capitaine de la Buisserie entre Tournut (3) et Mascon, tenant le parti du roy Charles, mist journée pour délivrer la forteresce au seigneur de Thoulongon, mareschal de Bourgongne, pour une somme d'argent dont ils estoient ensamble d'accord. Mais à icelle journée ledit capitaine avoit fait deux embusches près de la forteresce, lesquelles, après ce que ledit mareschal fut entré en icelle lui douziesme, ses gens saillirent avant sur ledit mareschal et ses gens; si les desconfirent, si que pou s'en eschappa. Et par ainsi ledit de Thoulongon fut détenu prisonnier, lui et ses gens, dedens ledit chastel. Et depuis, certain espace de temps, fut délivré pour le conte de Ventadour (4), qui avoit esté prins en la bataille de Crevant, dont dessus est faicte mencion.
En cest an messire Jehan de Luxembourg mit en
son obéissance les forteresces de..... (5) en Terrace,
Proisy et aulcunes aultres ; lesquelles les gens du roy Charles tenoient.
En l'an dessusdit, furent mises en la main du conte de Haynau toutes les terres du conte de Pointièvre (6) qu'il avoit en la dessusdicte conté, par le seigneur de Havrech, gouverneur d'icelui pays, pour ce que on avoit souspeçon que icellui conte de Pointièvre ne voulsit mectre garnison en ses forteresces qu'il avoit audit pays, telles comme Landrecies, Avesnes, et aultres.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 C'est à dire le traité de mariage.
2 Louis III d'Anjou.
3 Tournus.
4 C'est à dire échangé contre le Comte de Ventadour.
5 Ici il y a un blanc. Vérard met Cambresi.
6
Le comte de Penthièvre.
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