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La chronique de Morosini
Lettre 1 - index
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u cours de 1429, à Venise.
Copie (1) d'une lettre envoyée de Bruges, le 10 mai, par le noble homme ser Pancrazio Giustiniani à son père messer Marco Giustiniani, reçue le 18 de juin. Il s'exprime en cette forme :
« Messire (2), le 4 de ce mois je vous ai écrit (3) et par mes lettres vous ai avisé et donné à savoir que le siège des ennemis était très fortement mis autour d'Orléans depuis un an et demi déjà (4). C'est en ce lieu (5), comme je vous l'ai aussi écrit, que fut tué par une bombarde le comte de Salisbury, leur capitaine (6). Après sa mort (7), les Anglais n'ont cessé de faire tous leurs efforts, en argent et en hommes, pour rendre le siège plus fort, tant pour venger la mort dudit seigneur qu'aussi pour obtenir la victoire; car, de vrai, si les Anglais prenaient Orléans, ils pourraient très facilement se faire seigneurs de France et envoyer le dauphin quérir son pain à l'hôpital (8). De ces Anglais on dit que de jour en jour (9) ils se faisaient de plus en plus forts audit siège et qu'ils avaient fait treize bastilles très fortes (10) et presque inexpugnables ; c'est pourquoi ceux d'Orléans envoyèrent [des députés] au duc de Bourgogne pour se recommander à lui, offrant de lui donner librement leur terre ; ce seigneur leur donna bonnes paroles et leur dit qu'à son pouvoir il obtiendrait, avec le régent de France, son cousin, de bons articles pour eux et aussi pour son cousin le duc d'Orléans, qui est prisonnier en Angleterre. Et ledit seigneur, se trouvant à Paris vers la fin de l'autre mois, fut à parlement avec le(s) régent(s) pour obtenir de lui qu'il fît lever le siège d'Orléans, sous cette condition que lui, au nom de son cousin d'Orléans, y mettrait des gouverneurs; que la moitié des revenus serait au roi d'Angleterre et l'autre moitié au duc d'Orléans pour son entretien; qu'ils fussent toujours maîtres d'entrer et de sortir de la terre à leur gré, et, qu'outre cela, la commune fût tenue de donner 10,000 écus par an audit régent pour subvenir aux services de la guerre. De sorte qu'en conclusion le régent, voyant qu'il déplaisait au duc de Bourgogne que ladite terre vînt en ses mains, et croyant l'avoir assiégée de façon qu'il croyait l'avoir de bref, répondit au duc de Bourgogne qu'il n'entendait en aucune façon que les terres qui appartiennent à la couronne de France dussent tomber en d'autres mains que celles du roi, qu'il était rempli d'étonnement en entendant que le duc de Bourgogne usait de belles paroles (11), tandis qu'il devrait être en telle occasion plus ardent que nul autre, mais qu'il voyait bien que c'était le contraire et qu'il recherchait plutôt le bien du dauphin que celui du roi d'Angleterre et le sien propre. Et, selon ce que j'entends, il y eut entre l'une et l'autre partie de grandes et nombreuses paroles ; mais on sait seulement que le duc de Bourgogne a quitté Paris assez mal disposé, et qu'environ à dix jours de chemin de Paris (12) il a parlé à l'ambassade d'Orléans (13) et lui a dit comment les choses s'étaient passées, concluant que ledit dauphin, avec tout son parti, serait bien misérable et de peu, s'il n'arrivait à prendre des forces, et qu'il vaudrait mieux lui donner réconfort et lui donner à entendre qu'il ne se mêlerait d'aucune chose (?). Le seigneur (comte) de Bourgogne est venu ici, et je crois qu'il y est encore pour gagner du temps ; etc.
« Ensuite vinrent nouvelles de Paris, par lettres, par messages, par marchands et par plusieurs voies (et nous savons que ces nouvelles sont très vraies), que, le 4 de ce mois (14), toutes les forces qu'avait pu réunir le dauphin et qui étaient, dit-on, au nombre de 12,000 chevaux d'élite (15), dont sont capitaines Charles de Bourbon, fils du duc, et encore d'Alençon, qui a pour femme la fille du duc d'Orléans, et aussi un bâtard du duc d'Orléans, s'étaient avancées depuis longtemps, et qu'ils avaient avec ladite gent, par hommes d'élite, introduit dans la ville très grande quantité de vivres, et qu'ils ne cessaient d'en introduire dans le camp à l'aide d'escarmouches. Ensuite, le 7 du mois présent, à midi (16), on prit une autre grosse et très forte bastille, qui était sur la rivière vers l'autre extrémité et ne pouvait être secourue par les autres bastilles (17); bien qu'ils ne l'assaillissent, ils y jetèrent tant de feu artificiel que l'air fut tout embrasé (18) et qu'elle fut toute arse et que tous les Anglais qui étaient dedans furent brûlés, au nombre de plus de 600, de la fleur de l'armée. Toutes les autres bastilles qui restaient et qui étaient douze, toutes furent prises ; et si de toutes des hommes ne se fussent échappés, au nombre d'environ 150, tant Français qu'Anglais, tous étaient morts ; quelques-uns, en petit nombre, furent pris; de leurs capitaines, on ne sait pas qu'aucun soit mort; il y avait des prisonniers, dont le comte de Suffolk, le comte de Talbot et le sire de Scales et beaucoup d'autres seigneurs, hommes de prix et de haute renommée, avec des bombardes, des arbalètes et des paveseurs, avec beaucoup d'autres seigneurs d'état et d'honneur (?).
« A ce que l'on dit, tout le siège qui dure depuis une demi-année vous étant connu par ce que j'en sais, au moins 1,500 environ de ceux-ci se sont retirés dans un château situé à environ sept lieues d'Orléans, et, dit-on, loin des places assiégées par les gens du dauphin (19). Et maintenant, faites votre compte (cela se dit et c'est la vérité), qu'en cette guerre, qui a déjà duré seize ans, il n'y eut de si mauvaise journée. Et Dieu sait si tout le pays se réjouit de telle nouvelle. Si on me le demandait en confidence, [je dirais que] je crois que le seigneur duc, qui est ici, n'en ressent pas moins de plaisir que les autres. Et cela, parce que c'est son intérêt que les Anglais, qui sont puissants, soient quelque peu battus et que, les autres les guerroyant, ils s'aillent consumant. Que Dieu, qui peut tout, soit et prie pour le bien des chrétiens! Mais je vous dis tant que, si le duc de Bourgogne voulait, ne fût-ce qu'en paroles, aider de sa gent l'autre parti, point ne faudrait que d'ici à la Saint-Jean (20) il n'y eût plus un seul Anglais qui se présentât à la bataille.
« Avant cette nouvelle, il y a quinze jours, et depuis encore, on n'a cessé de parler de beaucoup de prophéties trouvées à Paris et d'autres choses qui s'accordent pour annoncer que le dauphin doit grandement prospérer; et, en vérité, j'étais d'une même opinion avec un Italien sur l'état des choses, et beaucoup en faisaient les plus belles moqueries du monde, surtout d'une pucelle gardeuse de moutons, née devers la Lorraine, venue il y a un mois et demi vers le dauphin, et qui voulut parler à lui seul et non à autre personne; et, en résumé, elle lui exposa que Dieu l'envoyait vers lui, et lui dit que sûrement d'ici à la Saint-Jean du mois de juin (21) il entrerait dans Paris, livrerait bataille aux Anglais et sûrement serait vainqueur et entrerait dans Paris et y serait couronné (22), qu'ensuite il devrait faire effort de sa gent et porter vivres à Orléans et livrer bataille aux Anglais, que sûrement il serait vainqueur et leur ferait lever le siège avec grande confusion. Et clairement d'ailleurs je vous pourrais mentionner que celui-ci a eu par elle révélation de grands faits (23), et cela me tint en suspens comme tous les autres. Et je me trouve avoir des lettres de marchands de marchandises qui sont en Bourgogne, du 16 janvier (24), qui parlent de ces faits et de cette damoiselle, et, le 28, cette nouvelle est rafraîchie par une autre lettre, disant qu'elle a dit à des gens de haute condition que sous peu de jours le siège sera levé, etc...
« Pour lors, je vous ai dit plus haut de point en point comme ces lettres sont écrites, et que ce qu'elle disait s'était accompli jusqu'à ce jour. Et on dit que celui qui les écrit est un Anglais qui s'appelle Lawrence XXX (sic), que Marino connaît bien, honnête et discrète personne ; de sorte qu'il écrit de cette chose, voyant ce qu'en disent dans leurs lettres tant d'hommes honorables et de grande foi : « Cela me fait devenir fou. » Entre autres choses il dit pour l'avoir vu par semblable cause que cela est si évident que beaucoup de barons la tiennent en estime, et il paraît que d'autres personnes du commun en font autant jusqu'ici, et puis il dit que beaucoup de gens ont voulu s'en moquer, qui sûrement sont morts de male mort (25). Or, pour finir, ils disent ce que je vais dire. Je vous l'ai conté, mais rien ne se voit clairement comme sa victoire sans conteste dans la discussion avec les maîtres en théologie, si bien qu'il semble qu'elle soit une autre sainte Catherine (26) venue sur la terre, car à beaucoup de chevaliers, l'entendant parler et dire tant de merveilleuses choses et de nouvelles chaque jour, il semble que c'est grand merveille, après l'avoir entendue parler de tant de notables choses.
« Auparavant, les Français sont venus à Orléans, à ce qu'on l'a dit de par delà ; si bien que je ne sais ce que je dois croire de ce qu'on me dit, sauf que la puissance de Dieu est grande. Et n'était la lettre que j'ai reçue à ce sujet de Bourgogne, je ne vous en dirais rien ; car aux oreilles des auditeurs tout cela paraît être plutôt fables qu'autres choses ; comme je les ai achetées je vous les vends.
« Le mariage du duc de Bourgogne avec la fille du roi de Portugal est fait, et ainsi il serait facile que la dame vînt avec les nefs ou galères. Je crois, selon ce qui se dit, que ce seigneur viendra, fera magnifique fête, et tient-on pour certain qu'il sera à cette fête.
« Il fut dit ensuite que ladite damoiselle doit accomplir deux autres grands faits (28) et qu'ensuite elle doit mourir. Que Dieu lui prête aide, comme tous disent, et qu'il ne nous oublie pas, et nous donne longue et bonne vie avec allégresse! Amen. »
Le 18 juin, on dit que le dauphin envoie une lettre au pape à Rome (29).
I (pages 969-975, f° 501-5021). (4)
Copia de una letera manda el nobel homo ser Pangrati Zustignan ady x de marzo da Bruzia a so pare miser Marcho Zustignan, rezevuda ady xviij de zugno: dixe in questa forma.
"Miser, ady iiij de questo v'ò scrito, e per le mie ve ho avixado, e dadove a saver l'asiedio di nemixi fortisimo eser stado da torno d'Oriens, zia per ano uno e mezo. Al qual luogo per simel ve scrisi fo morto d'una bombarda el conte de Sanlinbem chapetanio ioro, da può la morte del qual sempre i diti ingelexi, fato so poder chon dener e con zente, plu forte l'asiedio loro faxeva, e sy per vendegar la morte del dito signor, chomo eziandio per otegnir la pugna loro, che al vero se i diti avese prexo Horiens, se podeva de lizier al tuto farse signory de Franza, e mandar el dolfin per pan a l'ospedal, di qual ingelexi è dito ala ziornada i se feva plu forti al dito asiedio, e aveva fato xiij bastie fortisime, e quasi inespugnabele; per la qual cosa quely d'Oriens manda al ducha de Borgogna a rechomandarse, a quelo voiandoli dar la tera liberamente, del qual signor i dè de bone parole, e diseli al so poder i otegneria con el rezente de Franza so chugnado boni pati per loro, e anchora per so cuxin el ducha de Oriens, ch'è prixion in Engletera, e trovandose lo dito signor a Paris circha la fin de l'altro mexe a parlamento chon i rezenti, voiando hotegnir da luy che l'asiedio se levese da Horiens chon questa chondicion, che luy per nome de so cuxin d'Oriens voleva meter governadory, e che la mitade de l'intrada fose del re d'Ingletera, e de l'altra mitade fose del ducha d'Oriens per so viver, e che la tera fose senpre al comando loro de intrar e insir al so piaxer. E oltra questo, che quele comune fose tegnude de dar hogni ano x milia schudi al dito riziente per ainplir ai servixij dela so vera, de che in choncluxive parando al reziente che Borgogna li desplaxeva la dita tera dovese vegnir in le suò man, e crezando averla asediada per muodo che in brieve loro credeva averla, respoxe el ducha de Borgogna che in algun muodo queli non intendeva che le tere che aspeta ala corona de Franza dovese capitar in man d'altry cha del re, agrevandose d'amiracion, conprendendo che Borgogna uxase tal parole, conziò sia che'l deveria eser coluy che plu fervente fose a tal caxion cha algun altro, anzi i pareva el contrario, e che plu tosto el cerchase al bendel delfino, ch'a quelo del re d'Ingletera e suò, e segundo sento fra una parte con l'altra de fo de grande e asè parole, ma tanto se sa che de Borgogna quelo se parti da Paris non ben desposto, e circha di x da Paris largo de la parla a l'anbasada d'Oriens e diseli, chomo la cosa iera pasada, choncludendo, che lo dito delfin chon tuta l'altra parte seria ben tristi e da puocho si non se valer; e meio darli baldeza, e darli a intender che in alguna cosa i non sende inpazeria. El conte signor de Borgogna è vegnudo qui, e anchora in questo dy eser, crezo, per dilatar tenpo e cetera.
Da può se a novela vene da Paris e per letere e per mesy e per marchadanty e per
plu vie, e avemo son verisime, como a iiij. di de questo mexe, tuto el sforzo che pote far el dolfin, che se raxionava eser xij. M. boni chavali, di qual è chapetanio Carlo de
Valon fio del ducha. E aprexentase zià gran tenpo, e anchora de la son, e questi a per muier la fia del ducha d'Oriens, e anchora uno hastardo del ducha d'0riens con la dita giente, per persone sfiorade, meso aver asaisima vituaria dentro la tera, e ogni ziorno moltiplicava del meter in el canpo scharamusando, e da può ady vij. del prexente a mezo di si ave una altra grosa bastia fortisima, che iera dala riviera verso l'altra cirnera, la qual dale altre bastie non se podeva aver secorso, e bem che de niente i l'asaltase e de gitar fuogo artificiado dentro, fo intro tuti una per muodo che la fo tuta arsa, e tuti i gelexi che iera dentro se bruxia, siando stady plu de vj. c. de tuta la fior. Tute le altre bastie restava, che iera xij., tute fo prexe, e che per tute, se i omeni non fose schanpadi da CL, tra i qual franzeschi e ingelexi, tuti iera morti, e alguny puochi prexi, e di suò capetani alguno non se sa che sia morto, e de prexi, fra di qual è el conte de Salsalfoz e el conte de Taborz, el sire de Schales, e molti altry signory, homeny de prexio e de molta fama, e de bonbarde e balestre e pavexary chon molty altry signory stady e d'onor.
Como vien dito, da tuto l'asiedio del mezo ano stado, notove chomo poderè saver,
nome che circha MV de queli se raxiona eser retrati a uno castelo he circha lige vjj. largo d'Oriens, e chi dixe largo da quele asediade da quele del dolfin, e a hora fe vostro conto el se dixe, e chusy eser la verilade, zià durada la vera per ani xvj. non n'ave chusi cativa ziornada, e Dio sa se tuto questo paixe golde de tal novela, e chi me domandase in secretis, non crezo men piaxer de altry ne senta el signor ducha chè qua. E questo perchè per luy fa che questi ingelexi sia arquanto batudi, che ly son potenti, e ly altry verizando se vada chonsumando con grando afano, e Dio che può tuto, sia e priega al bem di Cristiani, ma tanto ve digo che se Borgogna volese solamente pur de parole favoriziar l'altra parte de gente, no vargeria tra qui e sem Zane, ch'el no se troverave in Franza uno ingelexe ala ziornada s'aprexentase.
Davanti da questa nuova a ziorni XV. e anchora da può, senpre s'a dito molte cose de molte profecie eser trovade qua a Parixi e altre cose che confano al dolfin, quelo dever grandemente prosperar, e in veritade me refaceva, e insenbre de opinion con uno italiano de tal condicion, e per molty se ne feva de plu bele befe del mondo, e masimamente de una procela vardaresa de piegore nasuda de verso la Rena, andada quela per mexe uno e mezo in verso el dolfino, e altry propio, e non ad altra persona quela aver voiudo favelar. E in concluxion li propoxe che Dio a luy la mandava e che de certo li dixe, che tra de qua a sem Zane del mexe de zugno lo intreria in Paris, e dar bataia a ingelexi, e che de certo Lu seria venzedor, e intrerave in Paris, e serave incoronado, e apreso ch'el devese far so sforzo de giente e portar vituaria a Horiens, e dar bataia a ingelexi, e che de certo el seria venzedor, e l'asiedio leverave con gran confuxion, e claramente da l'altra parte de gran fati ve poria mentoar quelo, per quela ve poria mentoar, aver abudo per queta vixion e feme star mi con tuti i altry sospesi, e io me truovo aver letere de marchadanty de marchadantia, ch'è in Borgogna, de xvj. de zener, l'è contra de questi fati e de questa damixela, e ady xxviij l'a refrescha la dita nuova per una altra letera, e dixe che la dita dixe, da zente de fama a puochi ziorni serà levado l'asiedio, e cetera.
Le qual letere per ora ve o dito davanti, de ponto in ponto, chomo son sta scrite
che la dixeva, e chusy eser seguido de fina sto ziorno, e dixese che colory el scrive è
uno ingelexe che se clama Lorenzo ***, che Marin bem cognose, persona da bem, e
discreta in muodo che lu scrive de tal cosa; vedando quel se dixe in le letere de tanti
onorady homeny de gran fede fame deventar mato, fra le qual cose dixe de vezuda
per simel caxion eser sy patente molty baroni la tegnia, e par che altre persone
comune sia vezudo in fina qua, epuò dixe molti averla voiudo gabar, che seguramente
son morti de mala morte, hor in el fine, i dixe, che io diro v'ò contado, ma tanto se
vede claro la vituoria senza contrario e desputacion chon maistry in tolegia, che la par che la sia una altra santa Catarina che sia vegnuda in tera, in però che molty chavaliery, holdando raxionar e dir tante mirabel cose, e da nuovo hogno dy apar eser gran miracolo, abiandola aldida raxionar de tante notabel cose de quela.
Avanti per i franzeschi a Horiens vegnudo chomo de la s'à dito, si che non so quelo
me diga, nè debia creder, salvo la posanza de Dio eser granda, e s'el non fose la letera
ch'io ò rezevuda de tal caxion de Borgogna, niente ve ne diria, perche a l'orechie di auditori
pluy tosto le par favole, che altre cose sia, e como le ò conprade cusy ve le
vendo.
El maridazo de Borgogna in la fia del re de Portogalo è fato, e cusi seria de lizier
cosa la dona vegnise chon le nave o galie; credo, segundo se dixe, questo signor
vignerà, farà magnificha festa, e tiense el sera in questa festa.
Fo dito da può, die far la dita damixela do altry gran fati, e quela da può die morir ;
Dio i'npresta aiudo, e como vien dito per tuty, e nuy non desmentega per longa vita
e bona con alegreza. Amen.
E ady xviij zugno è dito, miser lo dolfin de manda una
letera al papa de Roma.
Source
: Les textes originaux (en vert) sont ceux publiés par J.B.J Ayroles dans " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.567 et suivantes.
Les notes d'érudition sont celles de Germain Lefèvre-Pontalis, parues dans "Chronique d'Antonio Morosini", t.III (1898), p.13 et suivantes, accompagnées de la traduction de Léon Dorez.
Extraits des notes de G.Lefèvre-Pontalis :
1 L'enregistrement de cette lettre, notée ici comme datant du 10 mai, — sur sa date réelle, évidemment postérieure de quelques jours, — et arrivée à Venise le 18 juin, est, comme on voit, ainsi que l'enregistrement des lettres suivantes de même ordre, gouvernée par la date d'arrivée de ces correspondances à Venise, selon le procédé habituel employé par Antonio Morosini dans la rédaction de son Diario.
Premier groupe de documents relatifs au fait de Jeanne d'Arc et première lettre de Pancrazio Giustiniani à Marco Giustiniani, son père, en date de Bruges. — Cette lettre, arrivée à Venise le 18 juin 1429, est indiquée ici, assez formellement, comme remontant au 10 mai. Les observations qui seront faites plus loin, à propos des nouvelles de dernière survenance qu'elle contient, peuvent porter à la dater, en réalité, de deux ou trois jours plus tard au moins.
2 Depuis la mention des révolutions intérieures survenues en 1425 dans l'entourage de Charles VII, annoncée par lettre en date de Montpellier du 2 juillet 1425 (t. II, p. 304-308), le Diario d'Antonio Morosini n'a plus enregistré de nouvelles politiques de France, sauf, peut-être, ce qui concerne l'énigma-tique ambassade française de 1428 (t. II, p. 338-346). Ce silence, entre tant d'autres exemples similaires, témoigne une fois de plus à quel point, pendant les années comprises entre le désastre de Verneuil, relevé en son temps, en 1424, par Morosini, et l'attaque d'Orléans, dont on va voir la mention dans le cours de 1428, tout ce qui se passait en France demeurait ignoré au dehors. On sait, d'ailleurs, pour cette époque, toute la pauvreté, l'incohérence, la lassitude profonde des chroniques nationales. L'histoire traditionnelle semble abolie, et le sentiment général est que l'Etat français est destiné à disparaître dans un délai aussi prochain qu'inévitable. — Pendant cet effrayant espace, l'invasion étrangère, de 1425 à 1428, a conquis le Maine, ville à ville, jusqu'à l'Anjou, achevé la réduction de la Picardie et de la Champagne, repoussé deux essais d'offensive sur les lisières de Normandie et de Bretagne, rejetant les forces françaises de Saint-James de Beuvron au printemps de 1426, leur enlevant Pontorson, passagèrement occupé, au début de 1427. Seule, la délivrance de Montargis assiégé, libéré contre toute attente à la fin de l'été de 1427, a pu apporter aux énergies de la résistance quelque éphémère raison d'être, bientôt altérée par la formidable entreprise dirigée contre Orléans, un an plus tard, en 1428, avec toutes chances de succès final et de morcellement définitif de la nationalité française.
3 Cette lettre antérieure de Pancrazio Giustiniani, du 4 mai, ainsi formellement mentionnée dans cette lettre du 10 ou des environs du 10, n'a malheureusement pas été recueillie par Morosini. D'après le libellé même de cette présente lettre du 10 ou des environs du 10, la lettre du 4 aurait contenu la mention première de l'investissement d'Orléans et l'exposé des principaux événements du siège, dont nouvelle avait pu parvenir à Bruges à cette date du 4 mai. L'importance spéciale de la lettre du 10 semblant nécessiter une récapitulation sommaire de ces faits, Pancrazio Giustiniani résume, comme on voit, dans les premières lignes de sa nouvelle missive du 10, le contenu de sa précédente du 4.
4 L'ensemble d'opérations singulières connu sous le nom de siège d'Orléans est considéré comme commencé depuis le 12 octobre 1428, jour de la première attaque de l'armée anglaise sur le faubourg du Portereau, à la tête du pont d'Orléans, du côté de la Sologne. (Journal du siège d'Orléans, 12 octobre 1428, éd. Charpentier et Cuissard, et ap. Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. IV.) L'armée anglaise, destinée à cette grande entreprise, composée de divers éléments groupés sous le commandement suprême du comte de Salisbury (Boucher de Molandon et Adalbert de Beaucorps, L'armée anglaise sous les murs d'Orléans, ch. ii, Louis Jarry, Le compte de l'armée anglaise au siège d'Orléans, ch. iv), s'est ébranlée enfin, de Paris et de la région à l'ouest de Paris, dans les premiers jours d'août 1428 (Louis Jarry, Ibid., ch. v, p. 77-79). Ayant réduit sur sa route, entre autres places, Rambouillet, Nogent-le-Roi, Châteauneuf-en-Thimerais et Rochefort-en-Yveline, elle s'est emparée, le 29 août, de Janville (Geste des nobles, ch. 233, p. 204, Chron. de la Pucelle, ch. xxxi, p. 256-257), au cœur des grandes plaines de Beauce, au point de jonction des routes se dirigeant de Paris et de Chartres sur Orléans. De ce quartier général, le 5 septembre, Salisbury pouvait annoncer que Meung, sur la Loire, à quatre lieues au-dessous d'Orléans, s'était rendu aux forces anglaises. (Lettre de Salisbury à la commune de Londres, ap. Jules Delpit, Collection générale des documents français qui se trouvent en Angleterre, n° 376, p. 236-237.) C'était le premier point où l'ennemi, depuis la vaine promenade militaire aventurée par Henry V en 1421, prenait pied sur le grand fleuve, dont la conquête définitive, à l'heure qu'il est, semble tenir en suspens le destin de la France. Sur le chemin de Paris jusqu'à cette rive de la Loire, de Rambouillet à Meung, plus de quarante lieux forts, places, châteaux, tours, églises fortifiées, ont été enlevés l'un après l'autre. (Lettre citée, Ibid., id.; identification des lieux forts dans Longnon, Les limites de la France, p. 44, n. 1 ; cf. Louis Jarry, Le compte de l'armée anglaise, ch. v, p. 82.) Le 25 septembre, la prise de Beaugency, en aval de Meung, dans la direction de Blois (Chron. de la Pucelle, ch. xxxiv, p. 258), avec celle de la Ferté-Saint-Cyr, en Sologne (Chartier, ch. xxxv, p. 66, Chron. de Jean Raoulet, ad ann. 1428, à la suite de Chartier, t. III, p. 198-199), puis, le 5 octobre, celle de Jargeau, sur la Loire, en amont d'Orléans (Chron. de la Pucelle, ch. xxxiv, p. 259), enfin, en amont de Jargeau, dans la direction de Gien, celle de Châteauneuf-sur-Loire, de Saint-Benoît-sur-Loire, de Sully (Chron. de la Pucelle, Raoulet, loc. cit.), ont accentué l'enserrement de la grande place d'armes française, dont l'occupation du faubourg de Sologne, le 12 octobre, vient achever l'investissement presque intégral.
5 L'enceinte d'Orléans, contre laquelle se poursuit le siège de 1428-1429, était loin de représenter la ligne d'anciens remparts encore si reconnaissable aujourd'hui, au milieu des agrandissements de la ville moderne. Cette ligne de remparts, dont le tracé, à l'heure actuelle, subsiste encore si visible, date seulement du début du xvie siècle. L'enceinte de 1428, toujours limitée au sud par la Loire, peu différente, en somme, le long du front de l'est, était considérablement moins étendue au nord et à l'ouest. De ce côté, la ligne des remparts du xvie siècle représente, à peu de chose près, la ligne d'investissement des bastilles anglaises. Dans ce périmètre, Orléans pouvait alors compter 30,000 habitants, moitié de sa population actuelle, mais répartis sur une surface proportionnellement bien moindre. Quant au pont de la Loire, il se trouvait, non pas sur l'emplacement du pont actuel, qui date du milieu du xviiie siècle, mais plus en amont. Une île, composée de deux îlots agglomérés, recoupait alors le milieu de la Loire. (Jollois, Hist. du siège d'Orléans, part. I, ch. i, De l'enceinte d'Orléans en 1428, part. III, De l'ancien pont d'Orléans, et Planches, pi. I, II, IV, V; abbé Dubois, éd. Charpentier et Cuissard, Ibid., diss. V, Description de la ville d'Orléans en 1428; Vergnaud-Romagnési, Des diverses enceintes de la ville d'Orléans; Berriat Saint-Prix, Jeanne d'Arc, Carte visuelle du siège d'Orléans ; Collin, Le pont des Tourelles dOrléans (1620-1760), ch. xx-xxi, ap. Mém. de la Soc. arch. de l'Orléanais, t. XXVI, 1895.)
6 Thomas Montagu, comte de Salisbury, comte du Perche en France par droit de conquête. — Sa naissance, qui le met au premier rang des chefs anglais ayant alors part à la direction des opérations de guerre sur le continent, sa réputation militaire, ses succès constants, on ne sait quelle croyance générale répandue sur son heureuse étoile, le grand commandement qu'il exerce en chef et sans contrôle, faisaient de lui, à ce moment, un personnage d'un rang tout spécial. Le faubourg du Portereau occupé le 12 octobre, il avait achevé d'enlever, le 24, après quatre jours d'assauts, le boulevard, puis la forteresse même des Tourelles, double défense du pont d'Orléans du côté de la Sologne, ouvrages désormais retournés contre la place assiégée. (Journal du siège, 21-24 octobre 1428, éditions citées.) On sait comment il fut frappé à mort, ce même jour de la prise des Tourelles, le dimanche 24 octobre au soir, par un éclat aigu de muraille volant sous le choc d'un boulet de pierre, dernier coup perdu parti d'une tour de la place, alors que, le combat terminé, d'une embrasure de la forteresse conquise, il observait de plus près, par delà les eaux basses et les sables de la Loire, l'aspect de sa ville d'Orléans, à lui promise en fief après la reddition, et dont il se voyait déjà maître et futur duc. (Sur les détails de cette version, Chartier, 1.1, p. 63-64.) Transporté secrètement à Meung, il y mourut au bout de quelques jours. Le 27 octobre, assure le Journal du siège. (Journal du siège, 27 octobre 1428.) Le 3 novembre, dit une de ses biographies généalogiques, mais en indiquant qu'il ne survécut que deux jours à sa blessure, dont ce récit, d'ailleurs, ne mentionne pas la date, indication qui, dans ces conditions, pourrait placer sa fin à la nuit du 26 au 27 octobre. (Dugdale, Baronage of England, t. I, p. 653.) En novembre, porte sommairement, sans préciser davantage, la Chronique de la Pucelle. (Ch. xxxviii, p. 264.) Sur sa mort, voir Louis Jarry, Deux chansons normandes [découvertes par le comte de Blangy], dans Bull, de la Soc. hist. de l'Orléanais, t. X, 1893, p. 359-371.
« ... celui jour qu'i fut blechié,
... il avoit la nuit songié Qu'un lou l'avoit esgratignié. »
Né en 1388, il comptait alors à peine quarante ans.
7 Après la mort du comte de Salisbury, la direction des opérations de l'armée anglaise devant Orléans a été confiée par indivis, le 26 novembre, à un triumvirat militaire composé de William Pôle, comte de Suffolk, comte de Dreux en France par droit de conquête, de John Talbot, de Thomas Scales, vidame de Chartres en France par droit de conquête. (Sur ce point, désormais fixé, Boucher de Molandon et A. de Beaucorps, L'armée anglaise, part. II, ch. iv, p. 111, et Doc, nos 60, 61, p. 253, 254.) — Le 30 décembre 1428, les forces anglaises, jusque-là campées uniquement sur la rive gauche de la Loire, du côté de la Sologne, s'installent sur la rive droite, où les assiégeants s'établissent de suite dans les ruines de l'église de Saint-Laurent-des-Orgerils, première position fortifiée occupée par eux du côté de la Beauce, premier maillon de la chaîne ininterrompue d'ouvrages, qui, dans cette direction, doit enserrer Orléans. (Journal du siège, 30 décembre 1428; cf. 8 novembre.) Un dernier appoint de dépression a été la déplorable affaire connue sous le nom de bataille des Harengs, malheureuse attaque d'un convoi de vivres anglais dans les plaines de Beauce, livrée le 12 février 1429, premier samedi du carême, auprès de Rouvray-Saint-Denis, à portée de Janville, où périt le connétable écossais John Stuart de Darnley, comte d'Evreux par don de Charles VII, le seul survivant des grands chefs d'Ecosse naguères passés en France, — suprême désastre qui met au plus bas énergies et caractères.
8 D'après plusieurs témoignages indiscutables, Charles VII, découragé et désespéré par cette suite inouïe de revers, pensait sérieusement, après le désastre des Harengs, à chercher un refuge soit en Dauphiné, soit en Castille, soit en Ecosse. (Textes cités, Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, p. 175-176.) D'autres correspondances ultérieures reviennent avec insistance sur cette détresse matérielle du roi de France.
9 Toute la fin de ce premier alinéa paraît tirée, par Pancrazio Giustiniani, de correspondances diverses dont il ne donne pas encore l'indication précise. C'est seulement dans les alinéas suivants qu'il mentionnera ses sources d'information.
10 Les treize bastilles élevées par l'armée anglaise autour d'Orléans. — Il convient, toutefois, de noter déjà, ici même, que cette lettre de Pancrazio Giustiniani indique exactement le même chiffre de bastilles que la Chronique de la Pucelle (p. 265-266), seul texte qui, jusqu'ici, énonçât ce nombre.
11 Cette explication orageuse du duc de Bourgogne avec son beau-frère le duc de Bedford est sommairement mentionnée par Chartier, par le Journal du siège, au passage original qui relate le retour de l'ambassade à Orléans le 17 avril, par la Chronique de la Pucelle, par Monstrelet. Cette lettre de Pancrazio Giustiniani développe ici, avec une certaine abondance, le récit de cette querelle, en insistant, comme on voit, sur les dispositions favorables envers Charles VII, que Bedford prêtait au duc de Bourgogne. C'est à propos de ce dissentiment que Bedford passe pour avoir prononcé le mot historique : qu'il serait bien vexé d'avoir battu les buissons pour que d'autres eussent les oisillons. (Chartier, t. I, ch. xxxiv, p. 65.) Irritation du camp anglais, qu'un membre du conseil royal, le Normand Raoul Le Sage, traduisait de façon plus brutale : qu'il n'aiderait jamais à mâcher les morceaux pour les faire avaler par le duc de Bourgogne. (Monstrelet, 1. II, t. IV, ch. lviii, p. 318.) Est-ce à l'occasion de cette scène que Bedford se serait emporté jusqu'à menacer Philippe le Bon de l'envoyer « boire de la cervoise et goudale en Angleterre plus que son saoul » ? Menace à laquelle le duc de Bourgogne aurait répondu par une prise d'armes en plein conseil ? Cette légende n'a d'autre source, il est vrai, qu'une tradition locale, assez vaguement rapportée par l'annaliste franc-comtois Gollut, né lui-même un siècle plus tard. (Mém. de la République séqua-naise (éd. de 1592), 1. X, ch. lxi, p. 723.) Peut-être offre-t-elle cependant quelque fonds déformé de vérité possible.
12 Faire ainsi tenir, à dix jours de distance de Paris, cette conférence du duc de Bourgogne et de l'ambassade orléanaise, paraît une hypothèse inacceptable : il faudrait admettre un point d'entretien situé au delà des extrêmes frontières de Flandre vers le nord. Ne conviendrait-il pas mieux de supposer dix lieues au lieu de dix jours, « ... e circha lige x da Paris largo de là... » ? Dans cette même lettre, quelques lignes plus loin, on rencontre, dans cet ordre d'idées, l'estime de distance suivante : « ... uno castelo ch'è circha lige vu largo d'Oriens... » Cette distance de dix lieues pourrait placer le point de l'entretien dans un rayon approximatif passant par Creil, Senlis, Melun ou Étampes.
13 Ce renseignement, que cette présente lettre est la première à fournir, est singulier. Il faudrait admettre que le duc de Bourgogne ait laissé hors de Paris l'ambassade orléanaise. S'il venait avec elle de Flandre, serait-ce à Creil ou à Senlis ? S'il était à Paris quand l'ambassade était partie d'Orléans, serait-ce entre Orléans et Paris, à Melun ou à Étampes ? Ce qui est établi, en tout cas, c'est que le duc de Bourgogne ne quitte Paris que le 22 avril (Bourgeois de Paris, p. 234), et que, dès le 17, après l'échec de la négociation, l'ambassade, avec Poton de Saintrailles, son principal interprète, était rentrée à Orléans, ramenant avec elle un héraut bourguignon (Journal du siège, 17 avril).
14
L'affaire ici relatée comme survenue le 4 mai est l'entrée dans Orléans, par la route de Beauce, du convoi et des forces primitivement amenées, le 29, par la route de Sologne, en face d'Orléans, et que, Jeanne d'Arc une fois entrée avec un détachement dans la ville, on vient de voir refluer, par la même route, jusqu'à Blois, afin d'y chercher un pont. De l'accord de tous les textes, le fait a lieu le 4 mai, dans la matinée. La Chronique de la Pucelle dit vers six heures du matin. (Ch. xiv, p. 287.) Sur cette affaire du 4 mai, voir le récit définitif, seul admissible, Wallon, Histoire de Jeanne d'Arc, t. I, app. XX. — Sur les mouvements du convoi du 29 et sur l'entrée de Jeanne d'Arc, voir même récit définitivement établi. (Ibid., app. XVI.).
15 Ce chiffre de 12,000 combattants, ici mentionné comme entrant dans Orléans le 4 mai, est à relever. Il concorde avec le chiffre de 10 à 12,000 indiqué par Jeanne d'Arc elle-même, au cours d'un de ses interrogatoires, comme composant les forces réunies sous sa direction, à la fin d'avril, lors de l'entrée en campagne et du départ pour Orléans...
Monstrelet, sans détailler, porte à « bien sept mille » hommes l'armée royale entrée dans Orléans et ayant effectué la délivrance de la ville. Eberhart Windecke, le chroniqueur allemand qui a conservé tant de notations précieuses sur tout le début de la carrière de la Pucelle, depuis son arrivée à Chinon jusqu'au sacre de Reims, évalue, sans spécifier davantage, le nombre des combattants rassemblés à Blois pour la délivrance d'Orléans à bien 3,000. C'est le chiffre que donne également la Chronique de Tournai, « environ iii mil », avec 60 chariots et 435 charges de bétail, en spécifiant à cet armement la date du 28 avril au départ de Blois. Il est, toutefois, à remarquer que Chartier, comme la Chronique de la Pucelle, affirment que la seconde entreprise, celle des 3-4 mai, par la Beauce, comptait trois fois moins de monde que celle du 28-29 avril par la Sologne. Le chiffre de 12,000 combattants, ici présenté par Morosini, semblerait donc plutôt exprimer le total des forces amenées le 29 en face d'Orléans, bien plutôt que celles qui y entrèrent effectivement le 4.
16 Le fait d'armes ici relaté comme survenu le 7 mai est le triomphal assaut des ouvrages des Tourelles, le prodige par excellence de l'action guerrière de Jeanne d'Arc, l'événement bouleversant, entré dans la légende le jour même où il s'achève, et destiné à évoquer sur-le-champ, dans tout l'univers civilisé, un immense retentissement dont chaque nouveau témoignage découvert apporte une preuve plus décisive.
En réalité, commencée dès le matin, de l'accord commun de tous les textes, — vers six heures (dépos. de Louis de Coûtes, page de Jeanne d'Arc, Procès, t. III, p. 70, Chron. de la Pucelle, ch. xlviii, p. 294), — vers sept heures (Cagny, 7 mai 1429, dans Quicherat, Procès, t. IV, p. 8), — l'action ne se termine, selon la concordance de tous les témoignages, qu'à la fin de cette longue journée de mai, — peu après l'heure de vêpres, dit Cagny (loc. cit.), — peu après quatre heures, dit la Chronique de l'établissement de la Fête de la délivrance d'Orléans, le 8 mai (Procès, t. V, p. 294), — au soleil couchant (vers sept heures dans les premiers jours de mai), disent le Journal du siège (6 [pour 7] mai), Chartier (t. I, ch. xxxviii, p. 77), les souvenirs de Jean Pasquerel, aumônier de la Pucelle, ceux de Louis de Coûtes, son page (dépos. de Jean Pasquerel, de Louis de Coûtes, Procès, t. III, p. 70, 109), — à huit heures, au souvenir du bâtard d'Orléans (dépos. de Dunois, dans Procès, t. III, p. 8).
17 L'événement du 7 mai 1429, le fait qui décide de toute l'orientation de la nationalité française, se précise ainsi. On a vu que les ouvrages dits des Tourelles, au bout du pont d'Orléans, sur la rive de Sologne, occupés en entier par les Anglais dès le 24 octobre précédent, se composaient de la forteresse, assise sur les premières arches mêmes du pont, et du boulevard, situé devant, sur la terre ferme de la berge. La forteresse a pour fossés, au bout regardant la ville, une arche rompue du pont, puis, latéralement, les eaux du fleuve, enfin, au bout regardant la terre, une tranchée droite qui s'ouvre à ses deux extrémités dans la Loire, dans l'alignement de la berge, et isole ainsi la dernière culée du pont. Le boulevard a pour fossés, au bout qui regarde le fleuve, la tranchée droite qui vient d'être décrite, latéralement et au bout qui regarde la terre, une tranchée qui suit son contour. Boulevard et forteresse, séparés simplement par la tranchée droite en question, sont rejoints par un pont volant jeté sur cette tranchée. (Sur cette position : Jollois, Hist. du siège d'Orléans, ch. m, De l'ancien pont d'Orléans, pi. IV, V; abbé Dubois, Hist. du siège d'Orléans, diss. V, ch. h, Description du pont d'Orléans; Vergnaud-Romagnési, Notice hist. sur le fort des Tourelles; Jollois, Lettre sur l'emplacement du fort des Tourelles; Vergnaud-Romagnési, Réponse.) Depuis la prise de
Saint-Loup, le 4 mai, les forces françaises sont maîtresses de la Loire dans toute la région au-dessus du pont d'Orléans et peuvent à leur gré débarquer en Sologne. Depuis le 6 au soir, sur cette rive, il ne leur reste plus à conquérir que les ouvrages des Tourelles. C'est donc contre le boulevard que s'engage, le matin du 7 mai, le prodigieux assaut, coupé d'accalmies épuisées et de reprises furieuses, destiné à se prolonger jusqu'au déclin du jour. Pendant ce temps, une sortie, opérée d'Orléans même, attaque péniblement, du bout de la ville, par l'étroite et pénible ligne d'accès qu'offre seul le tablier du pont, la forteresse ainsi menacée à revers. Le boulevard une fois emporté de vive force, vers le soir, par les Français qui y pénètrent d'assaut, la forteresse, alors attaquée des deux bouts, ne paraît pas avoir opposé grande résistance individuelle et semble avoir été envahie de suite par les assaillants. C'est à la prise du boulevard des Tourelles, et non à celle de la forteresse proprement dite, que s'attache tout l'intérêt de la journée du 7 mai.
18 Mention d'un fait exact et connu, qu'il est remarquable de trouver ainsi, dès la première heure, enregistré à telle distance. L'emploi de matières incendiaires, auquel il est fait ici allusion comme ayant eu lieu au cours de l'attaque des ouvrages des Tourelles, se vérifie, en effet, comme un incident acquis du combat. C'est au pont volant reliant le boulevard à la forteresse que fut mis le feu, par un chaland de rivière armé en façon de brûlot, lancé du quai de la ville et engagé sous ce pont par le fossé qui s'ouvrait dans le lit de la Loire. Le fait avait été signalé d'après des extraits de comptes de la ville d'Orléans publiés pour la première fois par Jollois, en 1833, dans son Histoire du siège d'Orléans (p. 84), relevés de nouveau par Quicherat (Procès, t. V, 162, n. 1), édités depuis intégralement. (Charpentier et Cuissard, à la suite du Journal du siège, compte de forteresse d'Orléans, 1429-1431, art. IX et XIV.) La Chronique de l'établissement de la fête de la délivrance d'Orléans, le 8 mai, découverte et éditée en 1847 par Salmon (Bibl. de l'Éc. des chartes, 2e sér., t. III, 1846-1847, p. 500-509), donne de l'engin une pittoresque description : « Ceux de la ville chargèrent ung grand chalen plain de fagotz, d'os de cheval, savates, souffre et toutes les plus puentes choses que on sceut finer, et fut mené entre les ïorelles et le boloart, et là fut bote le feu. » (Procès, t. V, p. 293-294.) C'est la rupture de ce pont qui coupa la retraite à la garnison anglaise du boulevard, au moment où elle se préparait à se réfugier du boulevard enlevé d'assaut dans la forteresse encore presque intacte, et qui causa, en conséquence, l'immense perte d'hommes subie par les Anglais dans ce désastre.
19 L'attaque en force de Jargeau, celles de Meung et de Beaugency, avec la prise de ces trois places, ne doivent avoir lieu, comme on sait, que cinq semaines plus tard, du 11 au 18 juin, événements dont les correspondances ultérieures rendront compte. Néanmoins, le bruit, — auquel il est évidemment fait allusion ici, — du siège immédiat de l'une de ces villes par les forces françaises, est curieusement exact. (Cf. ci-après, lettres en date du 4 juin et du 9 juillet 1429.) Il s'agit évidemment ici de la première démonstration, tentée sitôt après le
8 mai et peut-être avant l'arrivée du corps de Suffolk, sur la place de Jargeau, incident dont un seul témoignage, celui du Journal du siège, avait jusqu'ici conservé trace. (Journal du siège, entre
9 [pour 10] mai et 11 juin.) L'attaque, menée par le bâtard d'Orléans, ne dura qu'une journée, en coûtant la vie au commandant anglais de la place, Henry Bisset ; les assaillants durent se retirer faute du matériel nécessaire pour combler les fossés, directement alimentés par la Loire, et où l'eau se trouvait alors exceptionnellement haute. Le Journal du siège place le fait « peu de temps aprez » le lendemain du jour où Jeanne d'Arc partit d'Orléans pour rejoindre le roi, départ qui a lieu le 9 ou le 10 mai (Journal du siège, 8 [pour 9] mai ; Chron. de la Pucelle, ch. l, p. 298), c'est-à-dire, par conséquent, peu de temps après le 10 ou le 11 mai. — Il est singulier de voir la nouvelle de cet événement, qui paraît avoir laissé si peu de trace dans les chroniques contemporaines, parvenir et s'enregistrer ainsi à Bruges. Le fait étant, de toute nécessité, postérieur au moins au 10 mai, il s'ensuit que la lettre qui le relate, — non pas, comme on voit, en addition de dernière heure, mais bien dans le corps même du récit, — ne peut dater du 10 mai, date qui lui est attribuée dans le manuscrit de Morosini. (Voir p. 8, n. 3, p. 10, n. 2, p. 38, n. 3, p. 54, n. 6.) Il faut nécessairement en retarder la rédaction définitive jusqu'au jour nécessaire pour que la nouvelle des préparatifs de l'assaut de Jargeau, effectués au plus tôt le 11 mai, fût parvenue d'Orléans à Bruges.
20 La Saint-Jean : le 24 juin.
21
Intéressante mention du terme de la Saint-Jean, du jour du 24 juin, comme date assignée au couronnement royal dans Paris. Terme désigné cette fois, non comme provenant d'une impression populaire, mais comme émanant d'une assertion même de Jeanne d'Arc. Cette question, sera traitée complètement plus loin (lettre en date d'Avignon, des derniers jours de juin).
22 D'après cette mention, Jeanne d'Arc, dès l'ébauche de ses premiers projets, aurait proposé à Charles VII, comme suite immédiate à la délivrance d'Orléans, une marche sur Paris. Ce bruit, ou tel autre semblable, sur lequel les correspondances ultérieures reviennent à maintes reprises, est à recueillir. Il vient corroborer singulièrement un passage de la propre lettre de la Pucelle aux trois chefs de l'armée anglaise d'Orléans, Suffolk, Talbot et Scales, en date du mardi saint, 22 mars : « Mais le tendra [le royaume de France] le roy Charles, vray héritier,... lequel entrera à Paris a bonne compagnie. » (Texte de l'art, d'accus. XXII, Procès, t. I, p. 241.)...
Il est à remarquer que ce passage fait allusion au couronnement de Charles Vil à Paris, sans parler nullement du sacre de Reims. Ce silence sur Reims est également à relever dans la lettre de la Pucelle, du 22 mars, dont il vient d'être parlé...
23 Est-ce ici qu'il faut voir l'allusion au signe célèbre communiqué par Jeanne d'Arc à Charles VII ? (Cf. ci-dessus, même lettre, et ci-après, lettre en date du 9 juillet 1429.)— En tout cas, cette expression « quelo aver abudo per quela vixion » est à rapprocher d'une expression même de Jeanne d'Arc, parlant des visions que Charles VII aurait eues à son sujet, pendant que s'agitait la question de savoir si on la mettrait à l'épreuve. « Antequàm rex suus poneret eam in opus, ipse multas habuit apparitiones et revelationes pulchras. » (Interr. du 22 février, Procès, t. I, p. 56.) Ce rapprochement est mis en lumière par le P. Ayroles. (La vraie Jeanne d'Arc, t. III, p. 576.)
24 Cette date du 16 janvier, donnée ici comme date d'une lettre de Bourgogne relatant les faits ci-dessus énoncés, est inadmissible à tous les points de vue. Elle ne s'explique que par une grossière faute de lecture ou une forte distraction de transcription. Le sens de ce passage est en effet précis. Il ne s'agit pas d'une lettre de Bourgogne relatant seulement un bruit en cours, à savoir qu'une jeune fille des marches de Lorraine va opérer des prodiges, bruit qui, à la très grande rigueur, Jeanne agissant et parlant déjà à Vaucouleurs depuis les premiers jours de janvier, aurait pu se répandre jusqu'en Bourgogne à cette date du 16 janvier. Il s'agit d'une lettre de Bourgogne relatant les assurances merveilleuses, données par Jeanne d'Arc à Charles VII, à une époque qui, au plus tôt, ne peut précéder la dernière semaine de février ou la seconde de mars. Pour cette lettre de Bourgogne, la date du 16 avril, substituée au 16 janvier, est ici seule acceptable, rapprochée surtout de l'époque d'une autre lettre de Bourgogne qui va être immédiatement mentionnée comme écrite « le 28 », c'est-à-dire, de toute évidence, le 28 avril.
25 Allusion évidente à une série de faits, classés au nombre de ceux déjà connus et acquis, et qu'il est intéressant de voir dès cette date, de façon aussi immédiate, entrés déjà dans l'état de légende. — Le jour de sa première entrevue avec Charles VII à Chinon, à la fin de février ou au commencement de mars, un homme à cheval, voyant entrer Jeanne dans la cour du château, se met à railler son surnom de Pucelle, se faisant fort, en blasphémant, de lui ôter son droit à le porter. « Ha, en nom Dieu, tu le renyes, et tu es si près de ta mort » (en français dans le texte latin), lui dit-elle. Une heure après, l'insulteur tombait à l'eau et se noyait. (Dépos. de Jean Pasquerel, aumônier de Jeanne d'Arc, Procès, t. IV, p. 102; cf. Poème anonyme, Procès, t. V, p. 38.) — Le samedi 30 avril.au soir, à Orléans, de la barricade française du pont de la Loire, à portée de la voix, par delà les arches effondrées et béantes, elle sommait les Anglais des Tourelles de faire droit aux ordres du Roi du Ciel et de vider la place. William Glasdall, commandant de la forteresse, lui réplique, au milieu de ses hommes, dans son langage de jovial soldat, l'appelant vachère, ribaude, lui criant une plus amère injure. (Journal du siège, 30 avril; Chron. de l'établ. de la Fête du 8 mai; Procès, t. V, p. 290; Bourgeois de Paris, p. 237.) Jeanne leur prédit qu'ils n'en lèveraient pas moins le siège, mais que lui, Glasdall, mourrait auparavant, et cela sans perdre de son sang. (Chron. de l'établ. de la Fête du 8 mai; Bourgeois de Paris, loc. cit.) Huit jours plus tard, à l'assaut des Tourelles, le soir du 7 mai, Glasdall trouvait sa mort, noyé, précipité dans la Loire, en fuyant du boulevard dans la forteresse par le pont déjà en feu. (Chron. de l'établ. de la Fête du 8 mai; Procès, t. V, p. 290, 294; Bourgeois de Paris, p. 237.)
26 La « santa Catarina » dont parle ici Pancrazio Giustiniani, ou celui de ses correspondants dont il résume les lettres, serait-elle déjà Caterina Benincasa, — sainte Catherine de Sienne, — la grande mystique italienne dont l'influence avait ramené à Rome, en 1377, les papes d'Avignon, et morte en 1380, il n'y avait alors pas encore cinquante ans ? Mais elle ne devait être canonisée qu'en 1461. — La sainte Catherine qui apparaissait à Jeanne d'Arc, avec sainte Marguerite et saint Michel, était sainte Catherine d'Alexandrie, dont on place le martyre au ive siècle, dont les reliques sont encore conservées au Sinaï, et dont les croisades avaient si fortement développé le culte en Occident.
27 Allusion au mariage prochain de Philippe le Bon avec Isabelle de Portugal, fille du roi Joâo Ier, le conquérant de Ceuta. Philippe le Bon, depuis 1425, après dix mois de mariage, était veuf de Bonne d'Artois, sa tante par alliance, veuve elle-même d'Antoine de Bourgogne, comte de Nevers, frère de Jean Sans-Peur, tué à Azincourt en 1415. Ce mariage était déjà le second contracté par le duc de Bourgogne, qui, en 1422, avait perdu sa première femme, Michelle de France, fille de Charles VI. — La princesse de Portugal devait arriver en Flandre en janvier 1430, après une longue et périlleuse navigation sur laquelle les correspondances ultérieures présenteront en leur lieu d'intéressantes mentions.
28 Bruit à relever de très près comme intéressant essentiellement ce qu'on a appelé « l'étendue de la mission » de Jeanne d'Arc. — En quoi pouvaient consister, la délivrance d'Orléans une fois obtenue, ces « deux autres grands faits », que, selon la rumeur populaire déjà constatée dans ce présent témoignage, la Pucelle devait accomplir pour parachever son œuvre ? En quoi, sinon dans le sacre de Charles VII et dans l'expulsion totale des Anglais de France ? Interprétation absolument corroborée par l'énumération des objets essentiels de cette mission, contenue dans les lettres suivantes.
29 Notation personnelle d'un bruit courant sans doute à Venise et sur lequel d'autres mentions vont revenir. Cette correspondance aurait été connue à Venise au 18 juin, en tout cas avant le 25 ou 26 juin. Les recherches au Vatican ont été infructueuses.
Remarques d'Ayroles sur cette lettre :
[Il est manifeste que le dernier alinéa n'appartient pas à la lettre de Pancrace Justiniani en date du 10 mai. Morosini relate ce qui se disait à Venise vers la mi-juin. Quant à la lettre elle-même, elle est de tout point remarquable, et par la confirmation qu'elle donne à des faits indiqués par d'autres documents, et par les faits nouveaux qu'elle relate. A deux reprises, Justiniani nous dit que les bastilles anglaises étaient au nombre de treize, en quoi il est d'accord avec le chancelier Cousinot, Elles étaient regardées comme inexpugnables, et Orléans était réputé perdu ; c'est affirmé dans bien d'autres documents, que plusieurs auteurs modernes tentent inutilement d'infirmer. Orléans tombé, c'était la France conquise, dit-il avec beaucoup d'autres ; le Dauphin pour vivre eût été réduit à l'hôpital, expression qui nous dit que la détresse personnelle du prince, mentionnée par d'autres contemporains, était bien réelle.
Est-il bien possible que l'on ait pu connaître à Bruges le 10 mai la levée du siège d'Orléans qui avait eu lieu le 8 ? Il semble que non. Pancrace aura peut-être commencé sa lettre le 10, et l'aura continuée les jours suivants. En tout cas, il a écrit lorsqu'on recevait les premières nouvelles, ce qui explique les nombreuses inexactitudes qui se mêlent à l'annonce du fait vrai dans sa substance. A noter qu'il relate l'emploi d'un feu artistiquement préparé pour déloger Glacidas. En réalité, d'après la Chronique de l'établissement de la Fête du 8 mai, on avait allumé sous le pont qui reliait les Tourelles au boulevard de la rive gauche une sorte de brûlot formé de matières infectes qui, par la fumée, incommodaient fort les défenseurs, devenus assiégés d'assiégeants qu'ils étaient, ainsi que l'indique une expression de la lettre.
Ce qui est surtout remarquable, et ce qui ne se trouve pas dans les autres documents, ou s'y trouve si faiblement indiqué que les historiens modernes ne croient pas devoir en parler, ce sont plusieurs détails sur l'Héroïne elle-même.
A la mi-janvier 1429, elle faisait déjà assez de bruit pour que des marchands, probablement vénitiens, de la Bourgogne où ils se trouvaient, crussent pouvoir parler de sa personne et de ses promesses dans les lettres qu'ils écrivaient à Bruges. Pareil fait vient à l'appui de la conjecture émise dans la Paysanne et l'Inspirée, d'après laquelle Jeanne a dû quitter Domrémy dans la dernière quinzaine de décembre. Quinze jours avant la délivrance d'Orléans, un pressentiment général, objet des conversations à Bruges, annonçait une heureuse révolution dans la fortune du Dauphin. D'après Joseph de Maistre, ces sortes de pressentiments précèdent tous les notables changements dans l'univers. Le célèbre penseur en appelle à ce qui se passa avant 1789; tout le monde, dit-il, avait la conviction qu'on était à la veille de grands bouleversements.
Le fond des promesses faites par la Pucelle au Dauphin se trouve partout; il y a cependant ici une particularité digne d'être remarquée. L'entrée du roi dans Paris est présentée comme l'objectif principal. Reims n'est pas même nommé, quoiqu'il soit question du couronnement. Des morts funestes frappent les contempteurs de la Pucelle. La déposition de Paquerel en offre un exemple terrifiant.
Aux réponses de l'Envoyée du Ciel, on croirait entendre sainte Catherine. C'était en effet sainte Catherine qui soufflait les réponses à sa fidèle disciple.
Ce qui est plus étonnant, c'est que le Dauphin aurait eu, lui aussi, une apparition surnaturelle. Aucun historien n'a remarqué que le 22 février Jeanne affirme la même chose à Rouen. « Avant de me mettre à l'oeuvre, le roi a eu plusieurs apparitions et de belles révélations. » On disait à Venise que la délivrance de la France n'était pas toute la mission de la Pucelle ; elle avait deux autres grandes oeuvres à accomplir.
Des lettres subséquentes nous diront que ce fut d'abord la croyance générale ; on trouvé la même pensée dans les poésies de Christine de Pisan, et Jeanne d'Arc l'insinue dans la lettre aux Anglais, telle qu'elle l'avoua comme authentique à Rouen.
Morosini parle d'une consultation soumise au Pape par le Dauphin ; il y revient un peu plus bas, comme on va le voir. Les recherches, qu'à ma demande, le R. P. Rivière a bien voulu faire dans les archives du Vatican ne lui ont pas fait trouver de pièce constatant cette démarche de Charles VII. L'avenir en fournira peut-être ; et dès lors il sera établi que la Libératrice obtint ses lettres de créance non seulement de la part de l'assemblée de Poitiers, mais du Souverain Pontife lui-même.]
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