|
La chronique de Morosini
Lettre 23 - index
|
|
ille quatre cent trente et un.
Par plusieurs lettres venues de Bruges à Venise en des
jours différents, une entre autres de sire Jean Georges, fils de feu Messire Bernard de Saint-Moïse, en date du 22 juin, par une autre reçue, dit-on, par sire André Corner, gendre de feu sire Luc Michel de la Magdelaine, on a su que la vertueuse demoiselle était tenue en prison du côté de Rouen
par les Anglais, qui l'avaient achetée dix mille couronnes. Venue ainsi en leurs mains, ils ont très étroitement gardé sa personne. L'on a dit que deux ou trois fois, ces mêmes Anglais avaient voulu la faire brûler comme hérétique ; mais qu'ils avaient été arrêtés par les grandes menaces que leur avait fait parvenir le Dauphin de France ; mais à la troisième fois ces barbares Anglais, d'accord avec des Français, de dépit et hors d'eux-mêmes, l'ont fait brûler à Rouen.
Avant son martyre, elle a été vue bien contrite et parfaitement bien
disposée. On raconte qu'elle a eu une apparition de la vierge sainte
Catherine qui l'a confortée et lui a dit : « Fille de Dieu, sois ferme dans
ta foi, puisque tu seras dans la gloire au nombre des vierges du Paradis ».
Elle est morte pieusement. Messire le Dauphin, roi de France, en a ressenti
une très amère douleur et a formé le dessein d'en tirer une terrible vengeance sur les Anglais et sur les femmes anglaises. Dieu, selon son juste pouvoir, en tirera aux yeux de tous un très grand châtiment. On commence à en voir des signes non douteux. Paris, maintenant même, court de jour en jour à sa ruine; il ne peut tenir davantage et résister plus longtemps ; tous les habitants s'en échappent et fuient, chassés par les privations et la faim. On tient communément que les Français (1) l'ont fait brûler à cause des prospérités
qu'avaient eues avec elle les seigneurs français, et qu'ils devaient avoir
encore. Les Anglais se disaient en eux-mêmes: « Cette demoiselle une
fois morte, les affaires du Dauphin ne seront plus prospères ». Le contraire
plait au Christ, d'après ce que l'on a dit de la marche des affaires ;
puisse cela être vrai !
XXIII (pages 1238-1239, f° 549). (2)
MCCCCXXXJ. Per pluxor letere vegnude da Broza per pluy di, zionze in Veniexia una dal fio de ser Zian Zorzi fo de miser Bernardo da San Moixè, fata ady xxij. del mexe de zugno, e per una altra s'a dito vegnuda a ser Andrea Corner zenero fo de ser Lucha Michiel dala Madalena; scrive de qua la honesta donzela iera sostegnuda per ingelexi in le parte de Roan, rechalada per chorone XM., prexa per ingelexi, tegnuda in persona [sic] in molta streteza; ase dilo quela per do volte òver per tre ingelexi l'aveva voiudo far bruxiar per retega, se non fose sta miser lo dolfin de Franza, mandando molto a manazar ingelexi; ma pur questo non ostando ala terza liada inpixesmady molto ingelexi con meso i franzeschi, chomo per despeto, non abiando bon conseio, ala terza iiada la fexe arder in Roan, e quela per avanti questo marturio, siando molto contrita e begnisimamente ben disposta, avanti la andese al martirio vien dito i aparse Madona Santa Qatarina Vergene, confortandola e digandoy : fiola de Dio, sta segura in la fede toa, conziò tu serà in lo
numero de le vergene del paradixo in gloria; e apar morise contritamente, de che miser
lo dolfm re de la Franza de portase amarisima doia, fazandose so conceto de farde
vendeta teribel de ingelexi e done de Ingletera a so zusta posanza, mostrando Dio
demostrera ancora grandisima vendeta e fina da mò ancora cusi apar e infina anchuoy
in dy la citade de Paris sta de partido, quela è per roinar ala ziornada e plu non se può tegnir nè valer, e tute persone scanpa e esie fuora da dexaxio e fame; tiense per opinion i franzeschi l'abia fato bruxiar per lo gran prosperamento prospera e va prosperando da ogni tenpo i signor franzeschi, digando ingelexi: anchò may morta costie questa donzela, la so ventura del dolfin non i anderà pluy segonda; e Cristo i piaqua i adevegna el contrario, segundo como s'a dito se questa cosa sia cusy la veritade...
Source
: Présentation, traduction et texte original de J.B.J. Ayroles : " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.567.
Notes :
1 lisez: Anglais ou faux Français
2 Le premier chiffre indique la pagination de la copie de Venise, le second les folios de l'original de Vienne.
|