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La chronique de Morosini
Lettre 5 - index
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opie d'une lettre de Marseille du 28 juin (1) :
« Il me plaît beaucoup que vous ayez vu volontiers les grands miracles des nouvelles de France (2); elles sont confirmées, comme vous l'avez depuis entendu, lorsque je vous ai avisé des faits d'Orléans, et ensuite de beaucoup de châteaux et terres inexpugnables, et tant de gent prise et perdue, et tous en fuite, au moins 5.000 Anglais, avec tous leurs principaux capitaines, en sorte qu'il en reste peu en France. Et je vous ai dit que le dauphin, par la vertu de cette damoiselle, avait grande puissance, et qu'il les emmenait tous vers Reims (3) pour s'y faire couronner (4); et j'estime qu'avant la Saint-Jean (5) il aura été couronné et que ledit jour il sera dans Paris; et qu'ainsi plaise à Notre Seigneur Dieu (6) ! Mais il serait long de vous écrire les grandes merveilles que continuellement a faites et fait cette damoiselle; ayez-moi pour excusé et prenez patience, si je ne vous écris pas davantage ; mais tous les autres événements qui s'ensuivront, je vous les ferai assavoir. »
V (page 987, f° 804). (7)
Copia de una letera da Marseia de xxviij de zugno.
Piaxeme asè che abiè vezudo volentiera i miracoli grandi dele novele de Franza, le
qual son stade vere, como da può vu avere sentido, avixandove da può i fati d'Oriens, e apreso de molty casteli e tere inespugnabele, e molta giente prexa e persa e tuti scanpady con tuti capetany principali,e almen davin VJM. ingelexi, in forma che puochi ne resta in Franza, e raxioneve che'l dolfin per vertude de questa damixela aver gran posanza; e tuti tirady ala via d'Oriens per incoronarse, e stimo che avanti san Zoane serà stado incoronado; che al ziorno dito sia dentro a Paris, de che cusy piaqua a Dio Nostro Signor, ma longo seria a scriverve li miracoli grandi che continuamente à fato e fa questa damixela. E abieme per schuxio con paciencia se plui avanti non scrivo, ma de altro tuto seguira ve darò a saver...
Source : Les textes originaux (en vert) sont ceux publiés par J.B.J Ayroles dans " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.567 et suivantes.
Les notes d'érudition sont celles de Germain Lefèvre-Pontalis, parues dans "Chronique d'Antonio Morosini", t.III (1898), p.66 et suivantes, accompagnées de la traduction de Léon Dorez.
Extraits des notes de G.Lefèvre-Pontalis :
1 Lettre d'un inconnu, en date de Marseille, le 28 juin, reçue à Venise entre le 20 et le 26 juillet, après la lettre qui la précède, qui est en date du 30 juin et inscrite dans cet ordre.
2 Cette lettre, ainsi qu'on s'en rend compte, est un exemplaire, malheureusement isolé, d'une série dont les autres éléments font défaut. Les autres missives de même provenance, auxquelles il est fait ici clairement allusion, semblent bien avoir contenu, d'abord le récit des premiers faits relatifs à Jeanne d'Arc avant l'entreprise d'Orléans (et, au point de vue de la date, la perte de ce premier document est des plus regrettables), puis la relation de la délivrance d'Orléans, et enfin le récit de la campagne de la Loire et de la victoire de Patay le 18 juin.
3 Ms. « A la via d'Oriens ». La méprise matérielle pour : « A la via de Rens » est suffisamment évidente.
4 Première mention du projet de marche sur Reims. — Après le triomphe de Patay, Jeanne d'Arc est rentrée à Orléans le 19 juin. Charles VII, alors encore, se tient toujours à Sully-sur-Loire, entre Jargeau et Gien, sous les déprimantes et viciantes influences qui espèrent encore fausser l'irrésistible mouvement national qui le pousse, contre son désir secret peut-être, au sacre de Reims et sur Paris. Jeanne, rentrée à Orléans le 19, vient et va entre Orléans et Sully, en fiévreuse activité, moins inquiète des dangers de la route de Reims que de la volonté royale à fixer. — Le 24 seulement, le roi et elle se joindront définitivement à Gien, en ce jour de la Saint-Jean qui aurait pu trouver Charles VII déjà maître de Reims et du symbole de son droit au trône. A Gien, jusqu'au 29, de nouvelles indécisions, savamment entretenues, vont encore retenir le roi, hésitant jusqu'à la dernière heure, tandis que Jeanne se ronge, se désespère, et connaît déjà, dès le lendemain du triomphe de Patay, ses premiers jours de martyre. Le 29 seulement commencera la marche sur Reims. (Sur ces itinéraires, Cagny, 19, 24, 29 juin, Procès, t. IV, p. 16-18; Journal du siège, entre 18 et 29 juin; Chron. de la Pucelle, ch. LIII, p. 308.) — A Marseille, le 28, il était impossible qu'on sût même l'assemblée à Gien, qui n'a lieu que le 24 : seules pouvaient être connues les nouvelles se référant au projet de l'entreprise, à laquelle l'événement de Patay donnait à présent de si fortes chances de succès. C'est ainsi que la déformation de ces bruits faisait affirmer au rédacteur de cette lettre, comme on le trouve ici consigné, que l'armée royale était partie pour Reims, dès le lendemain de Patay, dès le 19 juin.
5 Encore une nouvelle trace de cette échéance de la Saint-Jean, de la date du 24 juin, appliquée à la prévision du sacre du roi à Reims et de la conquête de Paris. Voir ci-dessus, lettre précédente, et lettre en date d'Avignon, des derniers jours de juin.
6 Toute cette explosion d'enthousiasme, cette brusque renaissance d'une nationalité presque abolie, cette enivrante certitude de l'expulsion imminente de l'étranger, se traduit dans diverses œuvres contemporaines, spontanément écloses d'un bout du territoire à l'autre.
« Si rabaissez, Anglois, vos cornes,
Matez estes en l'eschiquier.
.......
Jà cuidiés France avoir gaingnée,
Autrement va, faulse mesgniée. »
dit Christine de Pisan dans ses curieuses strophes, datées de juillet même.
(Versets 39 et 40, Procès, t. V, p. 15.)
« Ariere, Englois couez, ariere !
Vostre sort si ne resgne plus.
.......
De quoy vous estes confondus,
Dont c'est pour vous dure novelle.
.......
Aies la goutte et la gravelle
Et le coul taillé rasibus, »
dit la ballade dauphinoise, remontant au cours de l'an 1429, retrouvée par M. Paul Meyer. (Ballade contre les Anglais, dans Romania, t. XXI, 1892, p. 50-52.)
Remarques d'Ayroles sur cette lettre :
[Cette lettre a manifestement pour but de confirmer des nouvelles déjà données, et que l'on aurait d'abord refusé de croire, à ce qu'il semble.
Si le sacre n'a pas eu lieu avant la Saint-Jean, il faut l'imputer aux tergiversations de la cour, dont la Libératrice se plaignait si vivement. Elles étaient une faute au point de vue naturel ; il fallait profiter de la victoire, sans donner à l'ennemi le temps de se ressaisir. Cette lettre, comme les précédentes, présente Paris comme l'objectif principal; en le pensant ainsi, on ne s'écartait pas de la pensée de la Pucelle, qui avait promis de mettre le roi dans Paris, comme elle avait promis de le faire sacrer à Reims.]
Notes :
7 Le premier chiffre indique la pagination de la copie de Venise, le second les folios de l'original de Vienne.
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