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Chronique de Perceval de Cagny - index
27 - Comme le Roy voulut traictier aux Englois et au duc de Bourgoigne |
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epuis que le roy s'en vint de la ville de Saint Denis,
il monstra si petit vouloir de se mectre sus pour conquérir son royaume que tous ses subgetz, chevaliers et
escuyers et les bonnes villes de son obéissance, s'en
donnoient très grant merveille. Et sembloit à la pluspart
que ses prouchains conseilliez fussent assez de son
vouloir, et leur sufisoit de passer temps et vivre, et
par espécial depuis la prinse de la Pucelle, par laquelle
le roy avoit receu et eu de très grans honneurs et
biens dessus desclairés, seulement par son moien et
bonne entreprinse. Le roy et ses diz couseilliers,
depuis laditte prinse, se trouvèrent plus abessiez de bon
vouloir que par avant, et tant que nulz d'entre eulx
ne sçavoient adviser ne trouver autre manière comment
le roy peust vivre et demourer en son royaulme, si
non par le moien de trouver appointement avecques
le roy d'Engleterre et le duc de Bourgoigne, pour
demourer en paix. Le roy monstra bien qu'il en avoit
très grant vouloir, et ayma mieulx à donner ses héritaiges
de la couronne et de ses meubles très largement,
que soy armer et soustenir les fais de la guerre.
Sources : Jules Quicherat - "Bibliothèque de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
Notes :
1 Perceval de Cagny a continué sa Chronique jusqu'en 1438. Il peut être utile pour l'histoire de la Pucelle de recueillir les passages suivants :« En l'an MCCCCXXXIII, le IV du mois de juin, le sire de La Trémoille
qui avoit, SEUL ET POUR LE TOUT, le gouvernement du corps du roy, de toutes
ses finances, et des forteresses de son domaine estant en son obéissance,
fut pris par nuict au chastel de Chinon, le roi logé dedans. Fit cette prise
le sire de Bueil ; à ce que l'on dit par l'ordonnance de la reine de Sicile et
de Charles d'Anjou, son fils, à l'aide du sire de Gaucourt et d'autres. »
A propos du traité d'Arras, Cagny a encore un mot sur la Pucelle. La
Pucelle prédisait ce traité lorsque le 17 mars elle répondait aux accusateurs
de Rouen : « Vous verrez que les Français gagneront bientôt une
grande besogne, que Dieu enverra aux Français; et tant qu'il branlera
presque tout le royaume ». Le retour du duc de Bourgogne au parti
français produisit en effet un ébranlement dans tout le royaume.
Les Anglais perdirent leur grand appui; mais le tout puissant duc mit à
sa réconciliation des conditions fort onéreuses et très humiliantes pour le roi. Elles indignent le vieux serviteur des d'Alençon. Il écrit à cette occasion :« Depuis que le roy s'en vint de la ville de Sainct-Denys, il montra si petit vouloir de se mettre sur (en campagne) pour conquérir son royaume, que tous ses chevaliers et escuyers et les bonnes villes de son obéissance s'en donnoient très grande merveille. Il sembloit à la plupart que ses plus proches conseillers étoient fort de son vouloir, et qu'il leur suffisoit de passer le tems et de vivre, surtout depuis la prise de la Pucelle, par laquelle le roy avoit reçu et acquis de très grands honneurs, et les biens cy-dessus déclarés, et cela uniquement par son moyen et ses bonnes
entreprises. Le roy et ses conseillers, depuis ladite prise, se trouvèrent
plus abaissés de bon vouloir que par avant ; si bien que pour que le roy
put vivre et demeurer en son royaume, et s'y trouver en paix, aucun
d'eux ne sut imaginer d'autre moyen que de pouvoir faire des appointemens
avec le roy d'Angleterre et le duc de Bourgogne. Le roy montra
bien qu'il en avoit très grand vouloir, puisque il aima mieux donner très
largement des héritages de la couronne et de ses meubles, que de s'armer
et soutenir le faix de la guerre. »
Il écrit encore à la même date : « Comme on peut le voir par ce qui est écrit cy-dessus, le roy et les prochains de son conseil n'avaient pas grande
volonté de s'armer et de faire la guerre de leur personne. Pour cela les
seigneurs du sang du roy par deçà la Seine, les ducs d'Alençon et de
Bourbon, et Messire Charles d'Anjou, s'en sont passés aisément. Ils ont
entièrement laissé démener la guerre au comte de Richemont, connétable
de France, et à de simples capitaines de grand, courage et bon vouloir,
nommés La Hire et Poton de Xaintrailles et autres, qui grandement à leur
pouvoir ont soutenu le faix et la guerre du roy. »
En interrompant la mission de la Pucelle, le roi et ses conseillers ont
attiré sur la France vingt ans de guerre, les humiliations du traité
d'Arras avec ses suites, la période dite des « Écorcheurs », et empêché des
faveurs qu'elle promettait. (Ayroles).
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