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La chronique de Gilles de Roye
Chapitre I - index
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ette même année (1), le comte de Salisbury, le comte de Suffolk, le sire de Talbot, à la tête d'une grande armée, mirent le siège devant Orléans, et construisirent des bastilles de tous les côtés de la ville. Pour alimenter les assiégeants, sire Jean Fastolf et sire Simon Morhier prévôt de Paris, conduisaient de cette ville à Orléans de nombreux chariots chargés de vivres, principalement de harengs. Instruits du fait, le duc de Bourbon, le connétable d'Écosse et La Hire vinrent à leur rencontre avec une nombreuse armée. La bataille s'engagea, la victoire resta aux Anglais, et le connétable d'Écosse, le seigneur d'Orval, frère du
seigneur d'Albret, et plusieurs autres, tombèrent sur le champ de bataille. Le duc de Bourbon prit la fuite, et les vivres arrivèrent aux soldats du siège. Un jour, vers l'heure du dîner, le comte de Salisbury regardait la ville du haut de la bastille du pont. La pierre d'un canon tiré, par l'on n'a pas su qui, vint frapper contre la fenêtre où il était en observation. Un éclat rejaillit contre la figure du comte qui trois jours après mourut de la blessure.
En ce temps, se présenta devant le Dauphin une Pucelle originaire de Vaucouleurs en Barrois, son pays. Elle se disait envoyée de Dieu pour battre les Anglais, les expulser du royaume de France, rendre au Dauphin tout l'héritage paternel, et le conduire à Reims pour y être couronné. Dès son arrivée, elle parlait admirablement. Soumise à l'examen, elle répondait à tout, comme si elle avait passé touté sa vie sous les armes. Elle envoya à Sainte-Catherine-de-Fierbois y querir une épée dont Dieu lui avait révélé l'existence, et avec laquelle elle devait vaincre les Anglais. L'envoyé trouva tout comme elle l'avait indiqué. Le Dauphin la garda auprès de lui. En attendant, il rassembla la plus forte armée qu'il pût former, et envoya cette armée avec ses capitaines et la Pucelle porter à Orléans un convoi de vivres. En dépit des assiégeants, la Pucelle entra dans la ville, et y introduisit les vivres. Avant ce ravitaillement, les habitants d'Orléans étaient dans une telle disette de vivres qu'ils avaient voulu écarter les Anglais à prix d'argent, ou remettre la ville entre les mains du duc de Bourgogne. Ils lui envoyèrent, muni de lettres de créance, Poton de Xaintrailles, avec pouvoir de traiter avec lui. Le duc répondit qu'il agréait beaucoup la proposition, si elle plaisait au régent, et il lui envoya des délégués pour traiter de l'affaire. Le régent ne fut pas content; il protesta qu'il ne lèverait le siège que lorsqu'il se serait rendu maître de la ville, et aurait recouvré toutes les dépenses faites. Le duc de Bourgogne, sur cette réponse, renvoya Poton en paix.
Eodem anno (1429) cornes Salisberiensis, cornes de Suffole, Dominus de Talbot, cum
ingenti exercitu, villam Aurelianensem obsederunt, et ab omni parte bastillias plures
fecerunt. Pro quorum victualibus adducendis, dominus Johannes fastol, et Dominus
Simon Mohier prepositus Parisiensis cum parvo exercitu plures currus et quadrigas
victualibus oneratas et maxime allecibus adducebant de Parisius Aurelianis, ad obsidionem.
Quo audito, dux Borbonii, connestabularius Scotiæ et La Hire cum magno exercitu venerunt obviam eis, et commisso prælio, cessit Anglicis Victoria; et ceciderunt
ibi connestabularius Scotioe, dominus d'Orval, frater domini d'Albret, et plures alii.
Dux autem Borbonii fugit; et sic dicta victualia ad obsidionem adducta sunt. Quadam
autem vice, circa horam prandii, comite de Salisbery in bastillia Pontis existente et
villam inspiciente, venit lapis ex canone de villa, a quo nescitur tracto, qui percutiens
contra fenestram ubi dictus cornes intuebatur, lapillus venit contra vultum dicti
comitis, et eo percussus post triduum interiit.
In diebus illis venit ad delphinum quædam puella de Vallecoloris in patria Barrensi,
dicens se esse missam a Deo ab debellandum Anglicos et expellendum eos de regno
Franciæ et reducendum delphinum in hæreditatem paternam et adducendum eum
Remis diadema regni percipere. Qua adveniente, mira dicebat, et examinata ad omnia respondebat ac si fuisset jugiter in armis nutrita. Et misit ad sanctam Katherinam de
Fierbois, pro quodam ense a Deo sibi revelato, cum quo debellatura erat Anglicos. Et
ibi missum est et inventum prout dixerat; hæc ergo a Delphino retenta. Interim ipse
Delphinus congregavit exercitum quantum potuit; et illum ac capitaneos suos cum
dicta puella, cum victualibus, misit Aurelianis. Quæ, obsidione non obstante, villam intravit ac Victualia intromisit. Prius siquidem cives Aurelianenses in tanta penuria fuerant, quod deliberati fuerant dare aliquam summam Anglicis, aut reddere villam
in manus ducis Burgundico, et miserunt ad eum Poton de Santrailles, cum litteris credentire
et potestate tractandi cum duce Burgundiæ. Qui respondit quod sibi bene placebat,
et si placeret regenti, et super hoc ipse misit ad regentem, sed regens non fuit
contentus. Imo dixit se non cessaturum, donec villam haberet et expensas quas in
obsidione ponenda habuerat recuperaret. Dux ergo Burgundiæ, his auditis, dimisit
dictum Poton in pace.
Source
: Présentation, traduction et texte original en latin de J.B.J. Ayroles : " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.454.
Notes :
1 année 1428, 1429 dans l'ancien calendrier..
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