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Livre
II - ORLEANS
II
- Entrée à Orléans - p. 127 à 140 |
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n'y avait plus de temps à perdre si l'on voulait sauver Orléans.
Les Anglais achevaient leurs bastilles ; ils avaient fortifié
par de nouveaux boulevards et relié par des fossés
leurs positions à l'ouest et au nord de la place (de la fin
de mars au 15 avril), et ils s'établissaient à l'est
dans les bastilles de Saint-Loup (10 mars) et de Saint-Jean le Blanc
(20 avril). Le blocus allait donc se resserrant chaque jour, et
l'on devait compter de moins en moins à l'intérieur
sur ces arrivages, en quelque sorte furtifs, qui, échappant
à l'ennemi grâce à leur médiocrité
même, renouvelaient de temps à autre les ressources
des assiégés. C'était d'une tout autre sorte
et dans d'autres proportions que Jeanne voulait ravitailler la place.
Son concours étant enfin accepté, on prépara
un grand convoi de vivres. La reine de Sicile, qui était
l'âme du parti national, fut chargée de le réunir
à Blois, avec le duc d'Alençon, Ambroise de Loré
et l'amiral Louis de Culan. L'argent manquait : le roi en sut trouver,
cette fois ; et bientôt Jeanne vint elle-même à
Blois en la compagnie de Regnault de Chartres, archevêque
de Reims, chancelier de France, et du sire de Gaucourt, chargés
sans doute de donner les derniers ordres pour le départ.
Le maréchal de Boussac et le seigneur de Rais, investis du
commandement, y vinrent très peu après, avec La Hire,
Poton de Xaintrailles, et tous ceux qui devaient faire l'escorte.
Dans son procès Jeanne n'évalue pas à moins
de 10 ou 12 000 hommes le nombre des gens que lui donna le roi.
Le procès-verbal peut être suspect ici d'inexactitude
sinon d'altération. Les Anglais avaient intérêt
à grossir le nombre des troupes qui leur firent lever le
siège. Dunois dans sa déposition dit que l'escorte
ne lui avait point paru assez nombreuse pour aller droit à
travers les Anglais, lesquels n'étaient pas dix mille hommes,
divisés entre les deux rives de la Loire. Monstrelet, un
ennemi, en réduit le nombre à sept mille ; Eberhard
de Windecken, un écrivain désintéressé,
et qui parait assez bien renseigné ici, à trois mille
: on ne saurait le faire descendre plus bas (1).
Avant d'engager la lutte, Jeanne essaya de la prévenir,
marquant du signe de la paix le premier acte de sa mission ; car
sa mission c'était aussi la paix aux hommes de bonne volonté.
Mais comment obtenir de la bonne volonté des Anglais ce que
réclamait le droit de la France à être libre
? Jeanne ne s'en crut pas moins obligée à leur envoyer
ce message, dont les termes ont été gardés
textuellement :
"Jhesus Maria.
Roi d'Angleterre, et vous duc de Bethfort qui vous
dites régent le royaume de France ; Guillaume Lapoule (Pole),
comte de Suffort (Suffolk), Jehan sire de Thalebot (Talbot), et
vous, Thomas, sire d'Escalles (Scales), qui vous dites lieutenans
dudit de Bethfort, faites raison au Roi du ciel de son sang royal
; rendez à la Pucelle cy envoyée de par Dieu le Roi
du ciel, les clefs de toutes les bonnes villes que vous avez prises
et violées en France. Elle est venue de par Dieu le Roi du
ciel, pour réclamer le sang royal ; elle est toute preste
de faire paix, si vous lui voulez faire raison, par ainsi que France
vous mettez sur (rendez) et paiez de ce que l'avez tenue. Entre
vous, archers, compagnons de guerre gentils, et autres qui estes
devant la bonne ville d'Orliens, allez-vous-en,
de par Dieu, en vos pays ; et si ainsi ne le faites, attendez les
nouvelles de la Pucelle qui vous ira voir brièvement à
vostre bien grand dommage. Roi d'Angleterre, si ainsi ne le faites,
je suis chef de guerre, et en quelque lieu que j'attaindrai vos
gens en France, je les en ferai aller, veuillent ou non veuillent
; et s'ils ne veulent obéir, je les ferai tous mourir, et
s'ils veulent obéir, je les prendrai à merci. Je suis
cy venue de par Dieu, le Roi du ciel, corps pour corps, pour vous
bouter hors de toute France, encontre tous ceux qui voudroient porter
trahison, malengin ni dommage au royaume de France. Et n'ayez point
en vostre opinion, que vous ne tiendrez mie (que vous tiendrez jamais)
le royaume de France de Dieu, le Roi du ciel, fils de sainte Marie,
ains (mais) le tiendra le roi Charles, vrai héritier ; car
Dieu, le Roi du ciel, le veut ainsi, et lui est révélé
par la Pucelle : lequel entrera à Paris à bonne compagnie.
Si vous ne voulez croire les nouvelles de par Dieu de la Pucelle,
en quelque lieu que nous vous trouverons, nous ferrons (férirons,
frapperons dedans à horions, et si (ainsi) ferons un si gros
hahaye, que encore a mil années (il y a mille ans) que en
France ne fut fait si grand, si vous ne faites raison. Et croyez
fermement que le Roi du ciel trouvera (ou envoiera) plus de force
à la Pucelle que vous ne lui sauriez mener de tous assauts,
à elle et à ses bonnes gens d'armes ; et adonc verront
lesquels auront meilleur droit, de Dieu du ciel ou de vous. Duc
de Bethfort, la Pucelle vous prie et vous requiert que vous ne vous
faites pas destruire. Si vous faites raison, encore pourrez venir
en sa compagnie l'où que les François feront le plus
beau fait qui oncques fut fait pour la chrestienté. Et faites
réponse en la cité d'Orliens, si voulez faire paix
; et si ainsi ne le faites, de vos bien grands dommages vous souvienne
brièvement."
"Escrit le mardi de la semaine sainte."
"De par la Pucelle."
"Et dessus : "Au duc de Bethfort, soi disant
régent le royaume de France ou à ses lieutenans estans
devant la ville d'Orliens. (2)"
Cette lettre, datée du 22 mars et probablement
écrite à Poitiers, ne fut sans doute adressée
aux Anglais qu'après que Jeanne fut agréée
de Charles VII ; peut-être seulement quant elle vint à
Blois. Elle fut accueillie d'eux avec insulte. Ils ne se bornèrent
point à des outrages envers la Pucelle ; ils allèrent
jusqu'à une violation du droit des gens sur son messager
: ils le retinrent, et ils n'attendaient pour le brûler que
l'avis de l'Université de Paris (3).
Jeanne n'avait donc plus de ménagements à
garder envers eux. Pendant qu'on prenait les dernières dispositions
pour le départ, elle s'y préparait elle-même
à sa manière. Indépendamment de son étendard,
elle avait fait faire une bannière où était
peinte l'image de Jésus en croix ; et chaque jour, matin
et soir, des prêtres se rassemblaient alentour pour chanter
les hymnes de Marie. Jeanne y venait, et elle eût souhaité
que tous y fussent avec elle : mais nul homme d'armes n'y était
admis qu'il ne fût en état de grâce, et Jeanne
les engageait à se confesser aux prêtres qui étaient
là, tout disposés à les entendre. Au moins
voulut-elle qu'avant de partir chacun mit ordre à sa conscience.
"Elle leur fit oster leurs fillettes." Il n'y avait point
de place pour elles dans une armée conduite par la Pucelle,
sous l'invocation de la Vierge, Mère de Dieu (4).
La congrégation qu'elle avait formée autour
de cette pieuse bannière fut son avant-garde, lorsque le
jeudi 28 avril elle sortit de Blois pour aller à Orléans
: c'était elle qui ouvrait la marche au chant du Veni
Creator. Jeanne eût voulu qu'on marchât droit sur
Orléans par la rive où la ville s'élève.
On passait à travers les plus fortes bastilles des Anglais
; mais on arrivait sans autre obstacle, et elle avait déclaré
que les Anglais ne bougeraient pas. Toutefois les capitaines de
Charles VII ne pouvaient point fonder leur plan de campagne sur
cette assurance, que Talbot, Suffolk et les Anglais, maîtres
des positions, laisseraient passer entre leurs mains, sans tenter
de le prendre, un convoi de vivres dont ils pouvaient eux-mêmes
si bien faire leur profit. Ils résolurent donc de suivre
la rive gauche (côté de la Sologne), laissant le fleuve
entre leur troupe en marche et les principaux établissements
de l'ennemi. De ce côté, en décrivant mi cercle,
on évitait les bastilles occupées par les Anglais
aux abords du pont d'Orléans, et en passant la Loire au-dessus
de leurs dernières positions, on pouvait revenir vers la
ville par la rive droite, à travers une plaine moins garnie
de bastilles. La marche se fit ainsi. On trompa la simple jeune
fille sur la vraie position d'Orléans *; on traversa le pont
de Blois, et l'on passa devant Baugency et Meun, sans que l'ennemi,
qui occupait ces places, fit rien pour inquiéter le convoi.
On coucha en rase campagne (Jeanne, qui ne voulut pas quitter ses
armes, en fut toute meurtrie), et on gagna Olivet, derrière
les bastilles anglaises de la rive gauche. Jeanne put reconnaître
alors comme on s'était joué de son ignorance. Elle
était devant Orléans, mais séparée de
la ville par la rivière. Elle en fut vivement affectée.
Elle eût voulu au moins ne s'en pas éloigner davantage,
et sans prétendre forcer, dès l'arrivée, les
bastilles qui défendaient l'accès du pont, elle demandait
qu'on attaquât la plus occidentale et la plus isolée,
celle de Saint-Jean le Blanc : les Anglais s'y attendaient si bien,
qu'ils en rappelèrent la garnison aux Augustins et aux Tourelles,
croyant la position trop faible pour être défendue.
Mais les autres jugèrent le lieu trop rapproché de
l'ennemi pour y tenter le passage, et ils se dirigèrent vers
l'Île aux Bourdons, devant Chécy (à deux lieues
d'Orléans), où ils trouvaient le double avantage d'embarquer
le convoi plus sûrement et de le débarquer en lieu
plus commode (5).
La ville d'Orléans attendait avec anxiété
l'issue de l'entreprise. On ne doutait pas que les Anglais ne fissent
tout pour la traverser. Il fut ordonné que chacun fût
sous les armes, prêt à agir ; et Dunois vint avec quelques
autres rejoindre le convoi, comme il se trouvait à la hauteur
de l'église Saint-Loup, au lieu dit port du Bouschet, pour
aviser aux meilleurs moyens de lui faire passer le fleuve et de
l'introduire dans la ville. La chose n'était pas si facile
encore. Il fallait des bateaux : on ne pouvait les faire venir que
d'Orléans, sous le feu des bastilles ennemies, et le vent
était contraire. Jeanne était moins touchée
de ces difficultés que du parti qu'on avait pris d'en éviter
par là de plus grandes, au risque de montrer, dès
le début de l'entreprise, si peu de confiance en elle et
surtout si peu de foi en Dieu.
"Etes-vous
le bâtard d'Orléans ?" dit-elle à Dunois quand il l'aborda.
- Oui, et je me réjouis de votre venue.
"Est-ce vous, reprit-elle, sans autrement
répondre au compliment, qui avez donné le conseil
de me faire venir ici par ce côté de la rivière,
et non pas directement où étaient Talbot et les Anglais
?"
Dunois répondit que lui, et de plus sages que lui, avaient
donné ce conseil, croyant mieux faire et plus sûrement.
"En nom Dieu, s'écria Jeanne, le conseil
de Messire (Dieu) est plus sûr et plus sage que le vôtre.
Vous m'avez cuidé (pensé) décevoir et vous
vous êtes déçus vous-mêmes, car je vous
amène le meilleur secours que eut oncques chevalier, ville
ou cité ; et c'est le plaisir de Dieu et le secours du Roi
des cieux ; non mie pour l'amour de moi, mais il procède
purement de Dieu. Lequel, à la requête de saint Louis
et saint Charles le Grand, a eu pitié de la ville d'Orléans,
et n'a pas voulu souffrir que les ennemis eussent le corps du duc
d'Orléans et sa ville" (6)
En ce moment sa parole sembla se confirmer par un signe
: le vent changea tout à coup ; les bateaux purent venir
d'Orléans. On y plaça la charge du convoi, blé,
vivres et bœufs, puis la flottille redescendit le fleuve comme
elle l'avait remonté par le chenal de la rive gauche (c'était
alors le principal) s'engagea entre l'île Saint-Loup et l'île
Saint-Aignan, depuis île aux Toiles, et atteignit la pointe
orientale d'Orléans, où on la déchargea (7).
Mais les moyens manquaient pour faire passer tous les hommes de
la même sorte. Un pont de bateaux eût été
difficilement établi ; car la Loire était haute (8).
Point d'autre passage que le pont de Blois d'où l'on venait.
Plusieurs proposèrent donc de les y reconduire ; Dunois se
bornait à prier Jeanne de venir avec lui dans la ville ce
soir même : car Orléans eût cru ne rien avoir,
recevant les vivres sans elle. Jeanne en fut très irritée.
Elle ne savait se décider ni à laisser partir les
siens ni à les suivre : car elle ne venait pas seulement
ravitailler Orléans, mais le sauver. Or elle avait là
des hommes préparés comme elle l'avait voulu, "bien
confessés, pénitents, et de bonne volonté"
- "En leur compagnie, disait-elle, je ne craindrais
pas toute la puissance des Anglais" - et elle redoutait
qu'une fois partis, leur troupe ne vînt à se dissoudre.
Il y en avait, en effet, dit Jean Chartier, "qui faisaient
difficulté de mettre tant de gens en ladite ville, pour ce
qu'il y avait trop peu de vivres" on eût craint sans
doute à la cour d'être obligé de refaire bientôt
les frais d'un nouveau convoi. Dunois, voyant qu'on ne la pouvait
point avoir autrement, vint trouver les capitaines qui commandaient
l'escorte, et il les supplia, au nom de l'intérêt du
roi, de laisser Jeanne et de la décider à le suivre
dans la ville, en lui promettant d'aller à Blois passer la
Loire pour la rejoindre bientôt à Orléans. Les
capitaines firent ce qu'il désirait, et Jeanne agréa
leur promesse. Elle laissa à ses hommes la bannière
autour de laquelle elle avait coutume de les réunir : elle
leur laissait Pasquerel son aumônier, et les prêtres
qui les entretenaient dans leurs pieux exercices ; et elle-même,
avec Dunois, Lahire et deux cents lances, passa le fleuve à
la suite du convoi (9).
De ce côté, les Anglais n'avaient qu'une
seule bastille, celle de Saint-Loup : pour leur ôter la tentation
d'en sortir et de troubler l'opération, les Orléanais
les y assaillirent eux-mêmes, et de telle sorte qu'ils en
rapportèrent une bannière ; mais ce qui valait mieux,
les chalands, grâce à la diversion, étaient
déchargés en sûreté et les approvisionnements
introduits par la porte de Bourgogne. Jeanne et ses hommes d'armes
étaient restés près de Chécy. Pouréviter
l'empressement tumultuaire de la foule, on était convenu
qu'elle n'entrerait dans la ville que la nuit, et un acte public
nous apprend qu'elle passa au château de Reuilly quelques
heures de cette journée (10).
Elle entra dans Orléans à huit heures du soir, armée
de toutes pièces et montée sur un cheval blanc. Elle
s'avançait précédée de sa bannière,
ayant à sa gauche Dunois, richement armé, et derrière
elle plusieurs nobles seigneurs et quelques hommes de la garnison
ou de la bourgeoisie d'Orléans qui étaient venus lui
faire cortège. Mais c'est en vain qu'on eût voulu tenir
la foule éloignée : tout le peuple était accouru
à sa rencontre, portant des torches et manifestant une aussi
grande joie "que s'ils avaient vu Dieu descendre parmi eux."
Jeanne, en effet, était pour eux comme l'ange du Dieu des
armées. Ils se sentoient, dit le Journal du siège,
tous reconfortés et comme desassiégés par la
vertu divine qu'on leur avoit dit être dans cette simple pucelle,"
Tous se pressaient autour d'elle, hommes, femmes et petits enfants,
cherchant à la toucher, à toucher au moins son cheval
(dans leur empressement, ils faillirent de leurs torches brûler
son étendard ; et ils l'accompagnèrent ainsi, lui
faisant "grant chère et grant honneur," à
l'église principale, où elle voulut, avant toute chose,
aller rendre grâces à Dieu ; puis jusqu'auprès
de la porte Renart, en l'hôtel de Jacques Boucher, trésorier
du duc d'Orléans, où elle fut reçue avec ses
deux frères et les deux gentilshommes qui l'avaient amenée
de Vaucouleurs (29 avril). (11)
Source : Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879
Ilustrations :
- Eglise St Nicolas
("Au pays de Jeanne d'Arc" - J.de Metz - 1910)
- Orléans, vue générale 1910 ("La grande
histoire illustrée de Jeanne d'Arc - H.Debout - 4°
éd.1922")
- Bannière de Jeanne ("Jeanne d'Arc - H.Wallon - éd.illustrée
1892)
- Jeanne chassant les ribaudes (Miniature du XV° siècle).
- Jeanne la Pucelle (Miniature du XV° siècle).
- L'abside de la cathédrale d'Orléans. ("La
grande histoire illustrée de Jeanne d'Arc - H.Debout -
4° éd.1922")
Notes :
1 Situation d'Orléans : Voy. ci-dessus et le Journal
du siège
- Convoi préparé à Blois : le duc
d'Alençon, t.III, p.93 (Alençon) ; p.4 (Dunois)
; p.18 (Gaucourt) ; p.78 (Sim.Beaucroix) ; p.67 (L.de Coutes)
:"Et stetit sibi Johanna cum armatis in dicta villa Blesensi
per aliquatempora de quibus non recordatur". Pasquerel dit
qu'elle y resta deux ou trois jours (ibid.p.104). Cf la Chronique, chap.43 ; Procès,
t.IV, p.214, 215 ; Cagny, ibid.p.5 ; et chron. des Pays-Bas,
coll. des chroniques belges, t.III, p.409.
- Force de l'escorte : "interrogata qualem comitivam
tradibit x vel xii millia hominum" (t.I, p.78). Monstrelet,
liv.II, chap.LXIX ; Procès t.IV, p.364, Eberhard de Windecke
; ibid.,p.491. C'est l'opinion suivie par M.Mantellier
(Histoire du siège d'Orléans, p.81) et par Boucher
de Molandon (Première expédition de Jeanne d'Arc,
p.25-28).
2 Lettre de la Pucelle : Voy. entre autres transcriptions
de cette lettre, Procès, t.V, p.96. Nous n'avons fait qu'en
modifier l'orthographe. "Opportebat primitus quod ipsa
summaret et scriberet Anglicis"; t.III, p.20 (Garivel) Le
Journal du siège (Procès.t.IV, p.140), et la chronique
de la Pucelle (ibid.p.215), disent que cette lettre, dont ils
reporduisent la date, fut écrite et envoyée de Blois,
d'où Jeanne s'apprêtait à mener le convoi
de vivres à Orléans ; ce serait faire commencer
six semaines plus tôt l'expédition de la Pucelle.
Dans le Mystère du siège d'Orléans (v.1103),
la Pucelle dit à son messager :
Que tu soyes prudent et saige
A rapporter ce que diront ;
Que s'i ne font à mon langaige
Je les iray voir front à
front
3 Les Anglais ; "L'appelant ribaulde, vachière,
la menaschant de la faire brûler" (Journal du siège,
t.IV, p.141) ; cf. p.150 ; Chronique p.220 : "Et les vouloient
faire ardoir"; Berri, ibid.p.42 : "Lesdits Anglois prindrent
ledit hérault et jugèrent qu'il seroit ars, et firent
faire l'attache pour le ardoir. Et toutes voies, avant qu'ils
eussent l'opinion et conseil de l'Université de Paris et
de ceulx tenus de ce faire, etc..."
4 La bannière : "Dixit loquenti quatenus faceret
fieri unum vexillum pro congregandis presbyteris, Gallice une
bannière, et quod in eodem vexillo faceret depingi
imaginem Domini nostri crucifixi" Procès, t.III, p.104
(Pasquerel). Voy. sur cette seconde bannière l'appendice
15, auquel nous avons déjà renvoyé.
- Les chants autour de la bannière, etc... t.III,
p.104 (Pasquerel) ; p.78 (Beaucroix) ; t.IV, p.217 (Chron., chap
44)
5 Départ de Blois, le 28 avril : Eberhard de Windecke.
Procès t.IV, p.490. Le Journal du siège (t.IV, p.150),
comme Eberhard de Windecke (ibid.p.490) semble aussi rapporter
le départ au 28 avril. De plus, d'accord en cela avec la
Chronique de la Pucelle (ibid.p.217) il fixe l'entrée à
Orléans au 29 au soir ; la même chronique (ibid.)
et Chartier (ibid.p.54) disent qu'on ne passa qu'une nuit en route
; et on peut entendre dans le même sens Louis de Coutes
qui, à propos de la blessure de Jeanne, parle de
"la nuit du voyage" : "Multum fuit læsa...
quia ipsa cubuit cum armis in nocte sui recessus a villa Blesensi"
(t.III, p.66).
Ces témoignages par leur accord doivent l'emporter
sur celui de Pasquerel, un témoin de premier ordre (comme
l'est Louis de Coutes d'ailleurs), qui compte deux nuits (ibid.p.105)
- Veni Creator : Lebrun des Charmettes, dans son histoire
de Jeanne d'Arc, saisit cette occasion pour traduire le Veni
Creator, comme plus tard à l'occasion de la levée
du siège, il traduira le Te Deum. (t.II, p.4 et
112)
- Le mystère du siège d'Orléans expose
avec beaucoup de naturel cette délibération où
les chefs, hors de la présence de Jeanne, résolurent
de prendre le chemin de la Sologne. C'est son page qui représente
un peu timidement son opinion :
Je scay bien qu'elle ne vouldroit
Point différer le grand chemin,
Ne destourner ne s'en vouldroit;
Que ne demande que hutin
Et que de rencontrer à plain
Les anemis, pour les combattre,
Et ne prétend à autre fin ;
Mès ne scay comment m'y esbattre.
- La Bastille St-Jean le Blanc évacuée :
t.IV, p.217 (Chron.chap.44 ) et p54 (J.Chartier). "Et erat ipsa Johanna pro tunc intentionis
quod gentes armorum deberent ire de directo apud fortalitium seu
bastildam Sancti Joannis Albi ; quod non fecerunt, imo iverunt
inter [civitatem] Aurelianensem et Jargeau". t.III, p.78
(Beaucroix). "Et vindrent par la Sauloigne et passèrent
par Olivet ou près, et arrivèrent jusques à
l'Isle-aux-Bourdons qui est devant Checi" (Chron. de l'établissement
de la fête du 8 mai. L'auteur parait avoir été
contemporain. Voy. M. Jules Quicherat, ibid.) Cf. t.IV, p.150
(Journal du Siège).
6 Le Bastard d'Orléans et la Pucelle : t.III, p.5
(Dunois), et t.IV, p.218 (Chron. de la Pucelle). Chron. des Pays
Bas, Coll. des chroniques belges, t.III, p.409. Lebrun des Charmettes
(t.II, p.10) montre très bien que la Pucelle avait raison.
7 Voy. l'appendice n°16
8 "Et estoit lors la rivière a plain chantier"
(Chron. de la fête du 8 mai, Procès t.V, p.290).
Ce témoignage qui parait être d'un homme du pays
doit l'emporter sur celui de Pasquerel, qui dit au contraire que
les eaux étaient basses, croyant que c'était là
l'obstacle à l'arrivée des bateaux, et fait consister
le miracle en ce qu'elles enflèrent : "Erat autem
tunc riparia ita modica quod naves ascendere non poterant
nec venire usque ad ripam ubi erant Anglici ; et quasi subito
crevit aqua, ita quod naves applicuerunt versus armatos"
(t.III, p.105)
9 Retour de l'armée par Blois : "Et quia gentes
armorum transire non poterat reverti et ire ytansitum fluvium
Ligeris aliqui dixerunt quod oportebat reverti et ire transitum
fluvium Ligeris in villa Blesensi, quia non erat pars proprior
in obedentia regis, ex quo multum fuit indignata ipsa Johanna,
timens ne recedere vellent et quod opus remancret imperfectum.
Nec voluit ipsa Johanna ire cum aliis transitum apud villam Blesencem
sed transivit ipsa Johanna cum ducentis
lanceis vel circiter per ripariam in navibus... et intraverunt
villam Aurelianensem per terram." t.III, p.78 (Beaucroix).
"De qua re fecit difficultatem, dicens quod nolebat dimittere
gentem suam seu armatos homines quii erant bene confessi, poenitentes
et bonae voluntatis, etc..." t.III, p.5 (Dunois), et t.IV,
p.219 (Chronique) ; J.Chartier, ibid. p.54 - "Et ipse loquens
de jussu dictae Johannae, cum presbyteris et vexillo reversus
est apud villam Blesensem", t.III, p.105 (Pasquerel). Cf
La Chron. des Pays-Bas (Coll. des chroniques belges, t.III, p.410)
10 Jeanne au château de Reuilly, voy. l'appendice
n°17
11 Entrée dans Orléans : Journal du siège,
Procès t.IV, p.151-153; cf.ibid., p.220 (Chronique), et
t.III, p.68 (L.de Coutes). - "Recepta fuit cum tanto gaudio
et applausu ab omnibus utriusque sexus, parvis et magnis, ac si
fuisset angelus Dei. t.III, p.24(Luillier). "Quod vidit ipsam
Johannam quando primo indravit villam Aurelianensem, quod ante
omnia voluit ire ad majorem ecclesiam ud exhibendam reverentiam
Deo creatori suo." t.III, p.26 (J. L'Esbahy, bourgeois d'Orléans).
- La prédominance que Jeanne avait prise dès lors
dans l'opinion publique est caraclérisée par ce
trait que M.Boucher de Molandon a justement relevé dans
le Journal du siège. Au lieu de dire que le Bâtard
d'Orléans qui, par son rang conduisait le cortège,
avait Jeanne à sa droite. Le rédacteur dit que Jeanne
avait le Bâtard à sa gauche. (t.IV, p.157). - Les
deux frères de Jeanne, voy. l'appendice
n°18.
* Ndlr : malgré le respect dû à M. Wallon, cette assertion "On trompa la simple jeune fille sur la vraie position d'Orléans" est erronée. Peut-on imaginer Jeanne d'Arc suivant bêtement l'armée depuis Blois et se rendant compte à la toute dernière minute qu'elle n'est pas du bon côté de la Loire? Quelle piètre impression aurait alors laissé un "Chef de guerre" que l'on pouvait aussi facilement berner? Non, Jeanne sait parfaitement de quel côté sont les Anglais et comment ils sont installés autour d'Orléans puisqu'elle voulait les attaquer directement.
Elle a sans nul doute assisté aux préparatifs de départ vers Orléans et les Capitaines de l'armée, à sa demande d'attaquer directement les Anglais, lui ont sans doute répondu qu'en accord avec Dunois qui les attendaient côté Sologne, ils passaient sur l'autre rive de la Loire. Jeanne ruminant sa déception pendant le voyage, le fameux premier contact de Jeanne avec Dunois est alors bien mieux compréhensible et logique !
Lire M. Boucher de Molandon à ce sujet, p.45 et suiv. : "Première expédition de Jeanne d'Arc, le ravitaillement d'Orléans".
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