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Livre
XI - La réhabilitation - Le procès
II - Le second procès de Rouen - p. 312 à 348 |
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ntre ces honneurs et ces outrages prodigués
tour à tour à celle qui avait pris le nom de Jeanne,
que devenait sa mémoire ? Le temps venait de dissiper
les ombres qui pouvaient voiler aux yeux
des politiques la vérité de sa mission : la prédiction de Jeanne s'était accomplie : les Anglais étaient chassés de France.
Après la mort de la Pucelle, leur parti avait d'abord
obtenu quelques succès. Barbazan qui, de la
Champagne, menaçait déjà la Bourgogne, avait succombé avec René de Bar en voulant l'aider à
prendre possession de la Lorraine ; dans la bataille
engagée contrairement à ses conseils, il fut tué et René fait prisonnier (Bulgneville, 2 juillet 1431).
Poton de Xaintrailles avait été pris aussi dans une
embuscade, aux portes de Beauvais, avec le pastourel
que l'archevêque de Chartres avait eu l'idée
de substituer à Jeanne d'Arc (4 août). La Hire en fin s'était laissé prendre, comme il sortait de Louviers
pour aller lui quérir des secours, et la ville
avait dû capituler (25 octobre). Mais les échecs suivirent
bientôt. Vainement chercha-t-on à raffermir
les affaires de Henri VI en le faisant couronner à
Paris (16décembre 1431) : la cérémonie ne fit qu'indisposer
davantage les Parisiens par les mécomptes
qu'ils y trouvèrent. Tout conspire dès lors contre
les Anglais. En 1433, Richemont fait enlever la
Trémouille de la cour : c'était un moyen d'y rentrer
bientôt lui-même. En 1434, la Normandie commence à se soulever. La Bourgogne aussi supportait impatiemment la guerre, et les liens qui rattachaient
le duc aux Anglais s'étaient fort relâchés par la
mort de la duchesse de Bedford, sa sœur, et le
nouveau mariage du régent (1432). Dès le commencement
de 1435, Philippe le Bon accueille le projet d'un congrès à Arras; et quand il vint à Paris
au temps de Pâques, les Parisiens eux-mêmes
et l'Université la première insistèrent auprès de lui pour qu'il le fît aboutir à la paix. Bedford, par
un reste d'ascendant, y faisait encore obstacle :
mais il meurt le 14 septembre, et le 21 la paix est signée à Arras entre le duc de Bourgogne et le roi
de France. Les Anglais, refusant et la paix avec la
France et la neutralité de la Bourgogne, sont attaqués par les deux puissances à la fois, et le 13
avril 1436 Dunois, Richemont et l'Isle-Adam, entrent à Paris (1).
Ainsi la parole de Jeanne était vérifiée. Au terme
qu'elle avait marqué, les Anglais, comme elle le
disait, « avaient laissé un plus grand gage que devant
Orléans. » Paris leur était enlevé : c'était le
gage de leur entière expulsion. En 1449, Rouen était pris à son tour, et bientôt la Normandie conquise; en 1452 et 1453, Bordeaux et toute la Guyenne.
Calais seul leur devait rester encore pendant un
siècle, comme un souvenir de leur domination et
un signe de leur impuissance. Il ne fallait pas attendre
jusque-là pour reconnaître que Jeanne avait
dit vrai, quand elle se donnait comme envoyée de
Dieu pour les mettre dehors : car tout le mouvement
qui aboutit à cette fin procédait de l'impulsion
qu'elle avait donnée. Aussi, dès son entrée à
Rouen, Charles, mieux entouré désormais et servi
par les hommes qu'il lui aurait fallu au temps de
Jeanne, ordonna une enquête sur le procès moyennant
lequel les Anglais, par grande haine, « l'avoient
fait mourir iniquement et contre raison
très-cruellement. »
Le soin d'en recueillir les pièces et les documents de toute sorte et d'en faire un rapport au grand
Conseil fut confié à Guillaume Bouillé, un des principaux
membres de l'Université de Paris et du conseil
du roi (15 février 1450). Bouillé procéda à
cette enquête et entendit sept témoins : Jean Toutmouillé,
Isambard de la Pierre et Martin Ladvenu,
qui avaient assisté Jeanne dans ses derniers moments;
Guillaume Duval, un des assesseurs; Manchon,
le greffier; Massieu, l'huissier, et « vénérable
et circonspecte personne » maître Jean Beaupère,
l'un des principaux auxiliaires de P. Cauchon,
celui qui, au début, dirigea pour l'évêque les interrogatoires. Ces premières dépositions écrites
tiennent aussi le premier rang parmi toutes celles
qu'on a recueillies depuis. Mais le procès avait été
fait au nom de l'Église : c'est par l'Église qu'il devait être aboli. Le roi mit à profit l'arrivée en
France du cardinal d'Estouteville, légat du saint-siége,
et en même temps archevêque de Rouen,
pour lui faire commencer par lui-même une enquête
sur un fait que les Anglais avaient précisément
rattaché à son diocèse. Le cardinal, assisté de
l'un des deux inquisiteurs de France, Jean Bréhal, ouvrit d'office l'instruction (ex officio mero); puis,
forcé de partir, il remit ses pouvoirs au trésorier
de la cathédrale, Philippe de la Rose; et celui-ci, assisté du même Jean Bréhal, donna une nouvelle
extension à l'enquête par les articles qu'il ajouta au
formulaire des interrogatoires, et par les témoins nouveaux qu'il appela (1452) (2). »
L'Église se trouvait donc engagée dès lors dans
la révision du procès par ses représentants les
plus compétents : l'inquisiteur et l'archevêque de Rouen, légat du Pape. Mais le Pape n'y était point
lié lui-même : car ce n'était pas l'objet de la mission
du légat. Le cardinal avait été envoyé pour rapprocher les rois de France et d'Angleterre, et
les amener à défendre en commun l'Europe menacée
par les Turcs : or, ce n'était pas faire grande avance à l'Angleterre que de soumettre à une révision
le procès de la Pucelle : on n'en pouvait
soulever les voiles sans en mettre au jour les violences,
ni l'abolir sans frapper de réprobation aux yeux du monde ceux qui l'avaient dirigé. L'enquête
demeurait donc sans résultat, et la révision semblait
devoir avorter, quand Charles VII imagina
d'écarter ce qu'il y avait de politique dans une instance
formée au nom d'une cour contre un jugement
rendu au nom d'une autre : ce ne fut plus
le roi de France qui se mit en avant, ce fut la famille
de Jeanne, renouvelant auprès du souverain Pontife cet appel que les juges de la Pucelle n'avaient point accueilli. L'affaire redevenait privée,
et rien n'empêchait plus le Pape de faire justice, sans qu'il parût prendre parti pour la France contre l'Angleterre. Or, tout criait contre l'arrêt de
Rouen, car on n'avait pas seulement pour voir clair dans cette iniquité les dépositions recueillies soit par Guillaume Bouillé, soit par le cardinal d'Estouteville et par son délégué : on avait le procès même de la Pucelle. Ce procès, les interrogatoires officiels de Jeanne, et non plus seulement les douze articles, avaient été soumis à leur tour à des docteurs impartiaux, et ils avaient rendu des avis qui pouvaient, comme le reste des pièces juridiques, être soumis à l'examen du souverain Pontife. Dans le nombre, le procès de révision a gardé deux mémoires, l'un de Théodore de Leliis, auditeur de rote en cour romaine, l'autre de Paul Pontanus, avocat au consistoire apostolique; et le premier est déjà une réhabilitation de la Pucelle. Le grave docteur, rapprochant de chacune des allégations comprises aux douze articles les faits établis par le procès, donne dès lors tous les arguments de bon sens et de bonne foi qui renversent cet échafaudage de diffamation et d'hypocrisie, et ne laissent plus voir que l'innocence, la vertu et la grandeur de Jeanne d'Arc, à l'éternelle confusion de ses juges et de ses bourreaux (3).
Ce fut Calixte III, élu le 8 avril 1455, qui, le 11 juin de la même année, accueillit la requête de
la mère de Jeanne et de ses deux frères : par un rescrit
adressé à l'archevêque de Reims et aux évêques
de Paris et de Coutances, il les désigna pour réviser
le procès, en s'adjoignant un inquisiteur (4).
Le procès s'ouvrit avec une grande solennité. Le
7 novembre 1455, l'archevêque de Reims, l'évêque
de Paris et l'inquisiteur Jean Bréhal, siégeant à
Notre-Dame de Paris, Isabelle, mère de Jeanne,
accompagnée de son fils Pierre et d'un nombreux
cortége d'hommes honorables, ecclésiastiques ou
séculiers, et de femmes, se présente et dépose devant eux sa requête et le rescrit du souverain
Pontife qui l'avait accueillie. Les commissaires
désignés l'appelèrent à part dans la sacristie, l'interrogèrent, promirent de lui faire droit, mais lui
remontrèrent toutes les difficultés de la tâche
qu'elle s'était donnée, et l'engagèrent à prendre
conseil et à y réfléchir. Puis, rentrés en séance,
ils s'ajournèrent au 17 novembre pour ouvrir l'instance,
si elle y persistait (5).
Les deux prélats, non plus que personne, n'avaient
point douté qu'elle n'y persistât. Le 17, la
vieille mère se présenta devant la même assemblée : Pierre Maugier, son avocat, exposa sa requête, et remit aux mains des commissaires désignés
le rescrit original de Calixte III. Après que
lecture en eut été donnée publiquement, l'avocat
reprit la parole, pour marquer précisément dans
quelles limites se renfermait la plainte. Il ne s'agissait
pas de mettre en cause ceux qui, par leur présence ou par leurs avis, avaient plus ou moins
pris part au procès de Jeanne : on attaquait le
procès dans la personne des deux juges, l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, et le vice-inquisiteur,
Jean Lemaître, et dans celle du promoteur Jean
d'Estivet, particulièrement désigné dans le rescrit du Pape comme l'auteur des fraudes qui le viciaient (6).
Les deux évêques présents, acceptant alors la
mission qui leur était donnée, s'adjoignirent, conformément
aux prescriptions du Pape, l'inquisiteur
Jean Bréhal, et arrêtèrent que les personnes nommées dans l'acte pontifical, ou tout ayant cause,
seraient, par assignation, mises en demeure de
contredire au rescrit d'abord, puis au fond de l'affaire. Pierre Cauchon et Jean d'Estivet étaient
morts; Jean Lemaître aussi, croyait-on : mais
leurs familles pouvaient avoir intérêt à paraître au
procès; et non-seulement leurs familles, mais l'autorité
au nom de laquelle le procès avait été poursuivi
: c'est pourquoi le vice-inquisiteur et le promoteur actuels du diocèse de Beauvais étaient
spécialement désignés dans le rescrit. Avec ces deux ecclésiastiques, l'évêque présent de Beauvais
lui-même et tous ceux que l'affaire pouvaient
toucher étaient, par assignation publiée tant à Rouen qu'à Beauvais, sommés de comparaître devant
les commissaires le 12 et le 20 décembre au
palais archiépiscopal de Rouen (7).
Le 12, l'archevêque de Reims, l'évêque de Paris
et Jean Bréhal se trouvèrent au lieu désigné, mais
personne ne se présenta, que le procureur de la
famille de Jeanne, demandant défaut contre les
non-comparants. On surseoit jusqu'au 15; le 15,
même situation. Les commissaires, après avoir ouï l'avocat Maugier et reçu les conclusions du
procureur Prévosteau, nomment leurs officiers, et
remettent au samedi suivant, 20 décembre, pour
entendre, sans nouveau délai, ceux qui voudraient
décliner leur compétence.
Cette séance fut d'ailleurs marquée par un incident
grave. Prévosteau, procureur de la famille,
et Chapiteau, que les juges venaient de choisir pour promoteur, ayant demandé aux greffiers du
premier procès s'ils avaient l'intention d'en prendre
la défense, Manchon s'en excusa ; et, sommé de remettre aux juges ce qu'il pourrait avoir concernant
cette affaire, il déposa sur le tribunal la
minute française du procès entier, écrite de sa
main. On lui présenta, à son tour, et il reconnut
les signatures et les sceaux apposés à l'original
latin. A ces pièces on joignit, sur la requête du
promoteur, les informations faites par le cardinal
d'Estouteville ou par son délégué de concert avec
Jean Bréhal, un des juges présents; et il fut ordonné
qu'on les mît à la disposition des greffiers
et des assesseurs du premier procès qui les voudraient
connaître (8).
Plusieurs actes furent encore accomplis en attendant
le 20 décembre. Le 16, Prévosteau, appuyé du promoteur, demanda
et obtint que l'on assignât immédiatement
plusieurs témoins déjà âgés ou infirmes, demeurant à Rouen ou dans les environs, et qui, si
l'on différait beaucoup à les entendre, pourraient
bien ne plus être entendus.
Le 18, il remit sa requête.
Après avoir défini l'objet du procès et les limites
où se renfermait la plainte, il aborde le fond de la question et défend Jeanne sur tous les points où on l'a condamnée. Ses visions : Dieu seul en connaît
l'origine, et nul sur la terre n'a le pouvoir
d'en juger; le signe du roi : allégorie permise et
justifiée par l'exemple de Moïse devant Pharaon; l'habit d'homme : justement défendu quand il procède
du libertinage, mais bien légitime quand il
protége la pudeur; la soumission à l'Église : l'Église
la réclame pour le dogme, laissant, quant au
reste, une entière liberté. Jeanne n'y était donc pas
tenue en ce qui touche ses révélations comme fait:
et pourtant elle s'est soumise à l'Église ; elle a
demandé d'être renvoyée au Pape, elle a accepté
le jugement du concile général, acceptation que
l'évêque de Beauvais a défendu d'inscrire au procès-verbal. Mais ce n'est là qu'un exemple des faux qui vicient le procès. Le procureur rappelle l'altération
des interrogatoires de l'accusée dans les
douze articles ; la formule d'abjuration lue à Jeanne dans le tumulte, sans qu'elle l'ait pu entendre, et
que l'évêque, malgré l'avis des assesseurs, ne lui
a pas relue. C'est donc à tort qu'on l'a déclarée
relapse : et la preuve qu'on l'estimait bonne chrétienne,
c'est qu'avant de la faire mourir on lui a
donné la communion. Aussi demande-t-il, non pas
seulement l'annulation de la sentence, mais toutes
les réparations que réclame, après un si cruel
supplice, sa mémoire outragée (9).
Le 20 décembre, jour assigné pour dernier délai
aux oppositions, il ne se présenta qu'une seule
personne : le procureur de la famille de P. Cauchon. Il déclarait en son nom qu'elle n'entendait
pas soutenir la validité du procès de Rouen, mais
repoussait toutes les conséquences que l'on en voudrait tirer contre elle-même, et il invoquait l'amnistie
proclamée par le roi après la conquête de la
Normandie. Lecture faite de cette pièce, le procureur prit de nouveau défaut contre les non-comparants,
et le promoteur, après avoir prêté serment,
fit son réquisitoire à son tour (10).
Il appelait l'attention des juges 1° sur les instruments
et les actes du procès incriminé; 2° sur
ses préliminaires ; 3° le procès lui-même.
Il signale parmi les causes qui le vicient :
1° Dans les instruments : l'interposition de faux
greffiers; les douze articles soumis aux consultent pour tenir lieu du procès entier; les additions
ou les omissions des procès-verbaux.
2° Dans les préliminaires : la partialité de l'évêque
de Beauvais, qui s'entremet pour que Jeanne
soit vendue aux Anglais; qui la laisse dans leur prison, quoique remise à l'Église; qui fait informer
sur sa vie antérieure, constater sa virginité,
et qui supprime les résultats de ces deux enquêtes comme étant favorables : procédés illégaux et dont il a senti l'illégalité lui même en se faisant donner des lettres de garantie.
3° Dans le procès même : la demande d'un tribunal
composé de clercs des deux partis mise à l'écart;
la récusation de l'évêque; le vice-inquisiteur appelé seulement le 19 février, et ne venant que
par l'effet des menaces ; l'interrogatoire transféré
de la salle publique dans la prison devant un petit nombre d'assesseurs, parce que les autres
paraissaient mécontents; les questions captieuses
qui signalent cet interrogatoire ; les douze
articles extraits des soixante-dix et entachés d'omissions
ou d'additions frauduleuses; les menaces
aux consulteurs sincères; les faux conseillers ; les manœuvres employées et pour rendre suspecte la
soumission de Jeanne à l'Église, et pour lui faire
reprendre l'habit d'homme après une abjuration obtenue par la séduction et par la contrainte ; enfin
sa condamnation comme relapse sans cause légitime
; et, quand elle a été livrée au bras séculier,
son exécution sans jugement.
Voilà les points que les nouveaux juges avaient à constater par leur enquête : et le promoteur demandait
en particulier qu'on refît dans le pays originaire de Jeanne cette information sur sa vie
antérieure faite et supprimée par les premiers
juges.
Les commissaires firent droit à sa demande,
consignèrent au procès la déclaration par laquelle
ils se constituaient juges et déclaraient les noncomparants
contumaces; puis ils les assignèrent
au premier jour plaidoyable après le premier dimanche de Carême, pour répondre aux articles que les demandeurs venaient de déposer (11).
Le jour fixé, 16 février 1456, deux nouveaux personnages
répondirent à l'assignation : Me Reginald
Bredouille, procureur de l'évêque présent de Beauvais, et de son promoteur, et frère Jacques
Chaussetier, prieur du couvent d'Évreux, au
nom des frères prêcheurs de Beauvais. L'audience ayant été remise au lendemain, les juges
commencèrent par faire donner lecture des articles,
au nombre de cent un, posés par les demandeurs (12).
C'est le résumé, ou, pour parler plus justement,
l'exposition la plus complète de tous les moyens
allégués à diverses reprises contre le procès, tant
par le procureur et l'avocat de la famille de Jeanne
que par le promoteur et les légistes auxquels le
procès avait été soumis. En supprimant les répétitions
ou les inutilités pour ramener le débat à ses
points principaux, on y voit clairement établi ce
qui condamne les juges et ce qui relève leur
victime : car ce titre lui est suffisamment acquis
par les nullités de toutes sortes signalées au
procès.
Les juges n'étaient que les instruments des Anglais (art. 6), et c'est par le seul effet de la crainte
que l'un des deux, le vice-inquisiteur, s'est associé à l'autre (42). Tout prouve leur partialité contre
Jeanne : la prison civile où ils la gardent quand
elle doit être remise à l'Église qui la juge (9) ; les
séances publiques faisant place à des interrogatoires
dans la prison, en présence des Anglais et
d'un petit nombre d'assesseurs (12); les questions
difficiles, captieuses même, où l'on cherchait à l'embarrasser, les menaces faites à ceux qui la
voulaient éclairer (18) : plusieurs ont dû fuir pour éviter la mort (80) ; et les rigueurs de la prison,
les chaînes, les entraves qui faisaient de son état
comme une torture perpétuelle (46). Ses juges voulaient
sa mort, et sa mort par exécution publique :
ils l'ont prouvé en témoignant tant de crainte
quand ils l'ont vue malade (13), et tant d'empressement à reprendre les interrogatoires lorsqu'à
peine elle était guérie (19). Mais leur sentence même les condamne : Jeanne l'eût-elle méritée
par ses actes, son jeune âge, auprès de juges
impartiaux, commandait qu'on l'adoucît (49).
Jeanne était-elle donc coupable ? Les défenseurs
de sa mémoire rappellent ses bonnes mœurs, sa
piété, sa charité, son zèle à observer les lois, à
remplir les pratiques de la vie chrétienne et à les
faire observer autour d'elle (25), et cette lumière
d'une âme droite et pure qui l'éclaira parmi tous les détours du procès (17). Ils reprennent l'un
après l'autre, pour les dissiper et en montrer la
vide, tous les crimes qu'on lui imputait : son départ pour la guerre (63), départ qu'elle a caché à
ses parents (70, 72) ; l'habit d'homme pris et gardé en campagne et en prison, et à quelle condition
elle était prête à le quitter (65-69) ; le nom de Jésus
inscrit dans ses lettres (71); le saut de Beaurevoir (72), le signe du roi (73), ainsi que toute
l'histoire de ses visions (54 et suiv.). Puis ces autres
griefs que l'accusation, faute d'en trouver de suffisants dans sa vie active, voulut tirer de ses
paroles et de ses actes depuis qu'elle était aux
mains de ses juges : ce qu'elle croyait de son salut, de sa délivrance; si sainte Catherine et sainte
Marguerite aimaient les Anglais, etc. (74-76), et
tout particulièrement, à l'occasion de ses visions,
son prétendu refus de se soumettre à l'Église. Ses
visions ne venaient pas du mauvais esprit, mais
de l'esprit divin : la pureté de Jeanne, son humilité,
sa simplicité, sa charité, sa foi vive et sincère,
le prouvent, comme les lumières qu'elles lui
ont données et les actes qu'elles lui firent accomplir
(54-62). Eussent-elles été des illusions, Jeanne,
dans ces conditions, était excusable d'y croire (64).
Mais, y croyant ainsi, pouvait-elle les laisser mettre
en doute? Ce sont choses dont l'Église elle-même
renvoie la décision à Dieu (77 et 78). Et d'ailleurs
Jeanne n'a pas refusé de se soumettre à l'Église.
Elle n'a point accepté le jugement de ces hommes
d'Église en qui elle n'avait que trop raison de
voir des ennemis; et son ignorance l'aurait dû
excuser de ne pas entendre l'Église autrement (79).
Quand elle sut ce qu'était l'Église, elle s'y est soumise : elle s'est soumise au Pape et au concile,
demandant qu'on l'y renvoyât (17, 79 et 83-85).
Elle n'a donc pas été hérétique; elle n'a pas été relapse, puisqu'elle n'était point tombée : et cette
abjuration qu'elle prononça sans l'entendre, elle
déclara qu'elle ne l'avait prononcée que pour sauver
sa vie, protestant ainsi qu'elle n'avait jamais été ce qu'on l'accusait d'être (90), Les juges eux-mêmes
l'ont reconnu, en lui accordant la communion
avant la mort (86) ; et sa mort a été chrétienne
comme toute sa vie (32 et 33).
Qu'est-ce donc que ce procès qui a pu aboutir à
une pareille sentence ? Un acte de violence et de
fraude ; un tissu de mensonges et de faux. Les juges ont procédé sans l'enquête préalable exigée en matière d'hérésie (le promoteur a montré que l'information a été faite et qu'elle a été supprimée, ce qui est bien plus grave encore). Ils ont fait examiner si elle était vierge, et la déclaration qui le constatait a disparu comme l'information préalable (10). Ils ont refusé ses témoins (7), ils lui ont
refusé un conseil (47) : comme conseil ils lui ont
envoyé un traître qui entretenait son ignorance
touchant l'Église et la poussait à une résistance
d'où l'on voulait faire sortir sa condamnation (52
et 81). Ils l'ont jugée, rejetant son appel au Pape
en des matières qui, par leur nature, sont spécialement
du ressort du Pape (15, 43 et 44); ils l'ont
jugée, quoique mineure, sans qu'elle fût défendue
(48). Mais sur quoi l'ont-ils jugée ? sur des pièces
fausses. Ils ont altéré le procès-verbal, apostant
de faux greffiers (22), contraignant les greffiers officiels à ne point écrire ce qui était à sa décharge
(50). Bien plus, à ce procès-verbal des interrogatoires,
si mutilé qu'il fût, ils ont substitué, comme
base du jugement, un prétendu résumé de ses réponses
en douze articles : articles que Jeanne n'a
ni avoués, ni même connus; où l'on accumule ce
qui la charge, où l'on supprime ce qui la justifie;
articles qui dérivaient de faux procès-verbaux, ou
qui faussaient ses dépositions véritables par le retranchement
de ses plus importantes déclarations,
notamment de son appel au Pape et de sa soumission à l'Église (20, 21 ; 91-93). C'est ce qui fait l'excuse
des consulteurs (94), mais c'est ce qui entraîne
la nullité du jugement. Et quel est le mode
de procéder dans ce jugement ? On la fait abjurer,
et l'on substitue une autre formule à la formule
de son abjuration (24, 88, 89). On la déclare réconciliée à l'Église, et on la condamne à la prison
perpétuelle (24). Puis on la renvoie à la prison des
Anglais, et, pour mieux la rendre relapse, pour
qu'elle retombe au moins dans l'hérésie de son
habit, on tente de lui faire violence dans cette prison
anglaise ; on lui reprend son habit de femme
(26) : ne l'eût-elle pas voulu, n'y fût-elle pas forcée
par la défense de son honneur, il fallait qu'elle reprît
l'habit d'homme. C'est ainsi que l'on est arrivé à la juger une deuxième fois comme relapse (26-28 et 90), et à la livrer à la justice : il est plus
exact de dire ici au bras séculier, car le juge séculier l'envoya à la mort sans prendre le temps de prononcer la sentence (31) (13).
La lecture des articles achevée, le procureur du
nouvel évêque de Beauvais, Me Bredouille, prit la
parole et déclara qu'il n'y pouvait pas croire; qu'il était impossible que Pierre Cauchon eût ainsi procédé.
Du reste, il s'en référait au procès et ne s'opposait
point à ce qu'on assignât les témoins, s'en remettant à la conscience des juges. Jacques Chaussetier
avait une mission plus simple encore : il venait,
au nom du couvent de Beauvais, déclarer qu'on
n'y connaissait pas le vice-inquisiteur incriminé
avec Pierre Cauchon, et prier les juges d'épargner
désormais au couvent les assignations qu'on y envoyait à son adresse, non sans jeter le trouble
dans les études de la maison. Les juges accueillirent
ces déclarations, et, donnant acte aux héritiers
de Pierre Cauchon de leurs réserves, ils admirent
au procès les articles des demandeurs, et
ordonnèrent la continuation de l'enquête. Le rapport
en devait être fait le premier jour plaidoyable
après la Quasimodo, dans la ville de Rouen (14).
L'enquête se continua à Rouen, à Paris, à Orléans
et dans le pays de Jeanne ; et le jeudi 13 mai,
après plusieurs ajournements, les procès-verbaux en furent reçus par les juges et mis à la disposition de quiconque y voudrait contredire. Assignation
fut donnée pour le faire au 1er juin (15).
La lumière brillait enfin de tout son éclat sur
Jeanne et sur ses juges. De toute part s'étaient élevées
des voix qui rendaient témoignage à la Pucelle. Les anciens de son pays, les compagnes de
son enfance, les compagnons de sa vie militaire :
Dunois, le duc d'Alençon, le vieux Raoul de Gaucourt, Louis de Contes son page, d'Aulon son écuyer, Pasquerel son confesseur; et ceux qui l'assistèrent
dans la prison et jusque sur le bûcher :
Isambard de la Pierre, Martin Ladvenu; les assesseurs
mêmes et les officiers de ses juges, le greffier
Manchon, l'huissier Massieu, venaient tour à
tour reproduire quelque trait de cette belle figure.
On retrouvait dans leurs dépositions la vie pure,
simple et retirée de la jeune fille au foyer paternel
jusqu'au moment où elle se vit appelée à délivrer
la France; la même pureté de mœurs, la même
simplicité qui était de sa nature, avec la fermeté
de langage et l'accent d'autorité qu'elle tenait de
son inspiration, tout le temps qu'elle parut soit à
la Cour, soit à l'armée; et depuis qu'elle tomba
aux mains de ses ennemis, sa constance dans les
rigueurs de la prison, sa hardiesse dans les épreuves
du tribunal, avec ces illuminations soudaines qui jetaient un jour accablant sur les machinations
de ses juges; enfin sa ferme croyance à la
mission qu'elle avait reçue, jusqu'au jour où,
après avoir payé le tribut à la faiblesse de la
femme devant les apprêts du supplice, elle se releva par un sacrifice volontaire d'une défaillance
plus apparente que réelle, et couronna sa vie de
sainte par la mort d'une martyre (16).
Au jour fixé, Jean Lefebvre ou Fabri, évêque de
Démétriade, et Hector de Coquerel, official de
Rouen, ouvrirent la session, par délégation des commissaires. Après de nouveaux ajournements jugés nécessaires pour déclarer l'information acquise
au débat, prononcer le défaut (le 2) et passer outre (le 4 et le 5), le procureur Prévosteau et
le promoteur produisirent devant les juges tout
l'ensemble des pièces où se fondait la cause : le bref du Pape, les informations du cardinal d'Estouteville
et de son vicaire, les enquêtes accomplies
depuis le commencement de l'instance. Ils y
joignirent une feuille de la main de Guillaume
Manchon, contenant les corrections à faire aux
douze articles, et, pour prouver la falsification de
ces articles, cinq feuilles de papier de la main
de Jacques de Touraine, où on les retrouvait sous
une autre forme, surchargés d'additions et de corrections.
Ils produisaient aussi les originaux du
premier procès, requérant qu'on les insérât sans transcription parmi les pièces du nouveau, afin
qu'on les pût voir avec leurs additions et leurs diversités
dans leur forme réelle; et en outre les lettres
de garantie que les juges avaient obtenues
du roi d'Angleterre, preuve de plus qu'ils n'avaient
agi que pour le compte et à la requête des Anglais.
Prévosteau demandait que l'on examinât aussi divers mémoires écrits soit à l'arrivée de la Pucelle,
soit après son jugement, pour soutenir la divinité
de sa mission ou prouver l'iniquité de ses juges.
En ce qui touche les premiers, le mémoire de
Gerson figure seul dans la transcription du procès (17).
Personne ne se présenta pour contester ces pièces.
Elles furent donc reçues (10 juin), et on assigna
au 1er juillet pour entendre les conclusions (18).
Le 1er juillet, l'archevêque de Reims, les évêques de Paris et de Coutances et Jean Bréhal reprirent
eux-mêmes leurs fonctions de juges; et le lendemain,
toute partie adverse continuant de faire défaut,
le promoteur et les demandeurs présentèrent
les moyens de droit à l'appui de la cause. Le promoteur
lut un mémoire où, résumant les raisons
fournies par les nombreux documents de la procédure,
il déclarait qu'il approuvait en tout point
les conclusions des demandeurs. Les demandeurs
montraient combien, même devant le droit strict,
Jeanne était justifiable dans ses paroles et dans
ses actes, et ses juges perfides ou violents dans
leur manière d'agir : ils concluaient donc à l'annulation
du procès, à la réhabilitation de la Pucelle,
espérant que la plainte de sa mère et de ses
frères, favorablement accueillie du souverain Pontife,
trouverait sa légitime satisfaction dans la sentence des juges auxquels le saint-siège l'avait renvoyée (19).
Les juges avaient consacré le mois de juin à examiner,
avec l'assistance d'un grand nombre de
docteurs, tant l'ancien procès que les pièces du nouveau déjà déposées ; et ils avaient chargé leur
collègue Jean Bréhal de résumer en quelques articles
les points sur lesquels le premier leur paraissait
attaquable dans le fond ou dans la forme.
C'est un nouveau traité, mais cette fois un traité
officiel composé sur toutes les pièces des deux procédures, où le chef de l'Inquisition en France,
et, par l'approbation qu'ils y ont donnée, les trois évêques commissaires du Pape, composant avec lui le tribunal, établissent qu'au procès de Jeanne la
vraie doctrine n'a pas été moins lésée que la justice ;
en résumé, que Jeanne doit être lavée de tout reproche
touchant les faits mis à sa charge (les visions,
l'habit d'homme, la soumission à l'Église, etc.), et
son jugement cassé : pour l'incompétence et la partialité de son juge ; pour la récusation qu'elle en fit, et son appel au Pape, appel suffisant dont
il a refusé de tenir compte ; pour toutes les traces de violence ou de fraude que révèlent le choix de la prison, l'adjonction du vice-inquisiteur, les
douze articles, la formule d'abjuration, le jugement comme relapse et toute la matière du procès (20).
C'était déjà un jugement motivé. Il ne s'agissait
plus que de le mettre en sa forme et de le rendre
public.
Le 7 juillet, les commissaires se réunirent dans
la grande salle du palais archiépiscopal de Rouen,
et là, en présence de Jean d'Arc, de Prévosteau, représentant Isabelle, la mère de Jeanne, et Pierre d'Arc, son autre frère, du promoteur Chapiteau et
de P. Maugier, avocat de la famille, personne ne se présentant pour combattre les conclusions du promoteur,
ils déclarèrent la partie adverse contumace.
Puis, jugeant au fond, après avoir énuméré toutes les pièces de procédure sur lesquelles ils
avaient formé leur opinion, ils prononcèrent d'abord
que les douze articles, l'unique base de la
sentence rendue contre Jeanne, étaient faux, altérés
et calomnieux, et ordonnèrent qu'ils fussent
arrachés du procès, et lacérés judiciairement. De là ils passaient aux deux sentences, et, après
avoir signalé les principaux moyens de droit tant
de fois opposés aux procédés des premiers juges,
adoptant l'avis des docteurs et des prélats qui
n'ont vu dans tout le procès aucun fondement à
l'accusation, ils déclaraient le procès et les sentences entachés de dol et de calomnie, et par conséquent
nuls et de nul effet ; ils les cassaient et les
annulaient, déclarant que Jeanne ni aucun des
siens n'en avaient reçu aucune note d'infamie, et
les lavant de toute tache semblable, autant que besoin était. Ils ordonnaient que la sentence serait
immédiatement publiée à Rouen en deux endroits :
sur la place de Saint-Ouen, à la suite d'une procession
avec sermon solennel, et le lendemain au
Vieux-Marché, au lieu où Jeanne avait été si cruellement
brûlée. Cette seconde publication devait être suivie d'un autre sermon et de la plantation
d'une croix destinée à perpétuer sa mémoire et à
solliciter les prières des fidèles et la sentence publiée dans toutes les autres villes ou lieux du
royaume qu'il semblerait bon (21).
La sentence reçut immédiatement son exécution, à Rouen d'abord, puis dans plusieurs autres villes,
notamment à Orléans, où l'évêque de Coutances
et l'inquisiteur Jean Bréhal vinrent de leur personne
présider aux cérémonies ordonnées. Les Orléanais
n'avaient pas eu besoin de ce jugement
pour rendre à la mémoire de Jeanne les honneurs
qui lui étaient dus. Ils avaient recueilli sa mère,
voulant s'acquitter au moins auprès de sa famille
de leur dette envers elle; et plus tard, à la place
de la croix érigée conformément à la sentence, ils
lui élevèrent, à leurs frais, sur le pont même, en
face du lieu où elle avait accompli l'acte décisif
de leur délivrance, un monument qui, mutilé par
les guerres religieuses, supprimé par la Révolution,
s'est relevé en un autre lieu et sous une autre
forme, attestant, parmi ces vicissitudes, leur invariable
attachement à sa mémoire. Mais ce qui
mieux que les statues et les inscriptions consacrera
la gloire de Jeanne d'Arc, c'est le procès de
réhabilitation lui-même, ce sont les témoignages recueillis par toutes ces enquêtes, et fixés à jamais
parmi les actes du procès (22).
Ce procès, qui révise et annule le jugement de
Jeanne d'Arc, a subi une sorte de révision, de
notre temps. Le contradicteur que les juges commissaires
ont tant de fois assigné sans le voir
jamais paraître s'est levé enfin, et nul ne contestera
sa compétence : c'est celui qui a publié les
deux procès. Assurément personne moins que lui
ne défend la légitimité de la sentence de Jeanne
et ne s'oppose à la réhabilitation de sa mémoire. L'édition qu'il a donnée et les documents de toute
sorte qu'il y a joints forment, sans contredit, le
plus beau et le plus durable monument élevé en son honneur. Il est admirateur passionné de la
Pucelle, mais il est critique, et c'est à ce titre qu'il
a jugé et comparé les deux procès.
Que le premier l'emporte sur l'autre par la
forme de la rédaction et par l'ordre des matières,
c'est ce que le savant éditeur n'a point de peine à établir. Qu'il l'emporte par l'habileté avec laquelle
il a été mené, c'est ce qu'on pourrait présupposer
encore avant tout examen. Le second procès n'a pas eu de contradicteur; les commissaires
avaient à juger une cause dont l'évidence
frappait tous les yeux. Ils pouvaient donc ne pas étendre leur enquête sur tous les points où s'était
passée la vie de Jeanne. Ils pouvaient même, sans
qu'on leur en fît un crime, laisser de côté plusieurs
témoins; et ils le pouvaient d'autant mieux,
qu'ils faisaient un procès moins aux personnes
qu'aux choses. Les principaux coupables étaient
morts; P. Cauchon était désavoué même par ses héritiers. Quant aux assesseurs encore vivants, on
les cita, on les entendit, mais le premier soin des
demandeurs avait été de les mettre hors de cause.
Les juges ont donc pu passer avec quelque négligence
sur des faits qu'ils n'avaient point à juger; et si des arguments plus ou moins hasardés ont été produits devant eux dans les requêtes de la
famille, ce n'était point à eux d'y contredire : il
suffisait qu'ils cherchassent ailleurs la base de
leur jugement (23). Le premier procès, au contraire, était contradictoire ; le juge se trouvait, il est vrai, en présence d'une simple jeune fille sans défenseur,
sans conseil : mais cette jeune fille était
Jeanne, et son conseil, elle l'a bien prouvé. Celui
qu'elle avait eu pour guide dans les batailles. Plus
son innocence et sa vertu jetaient d'éclat, plus le
juge, qui était un ennemi, était obligé, s'il ne
voulait être vaincu dans cette lutte nouvelle, de
déployer les ressources de son génie ; et d'ailleurs,
derrière Jeanne il entrevoyait un autre tribunal
devant lequel, tôt ou tard, il y aurait appel de
son procès. Il ne faut donc pas, on l'a dit justement,
le supposer assez malhabile et insensé pour commettre, en quelque sorte, de gaîté de cœur,
ces illégalités flagrantes qui eussent invalidé le
jugement, même à l'égard du plus grand coupable.
Mais, si l'accusée est Jeanne, une sainte et
brave fille au moins, sinon une envoyée de Dieu,
et si l'on veut arriver à la condamner, il faudra
bien, si habile qu'on soit, faire pour cela violence
au droit écrit : car les formes de droit établies dans les jugements ne seraient bonnes qu'à être
supprimées, si elles n'offraient une garantie à l'accusée
contre le bon plaisir du juge.
Nous admettrons donc, si l'on veut, contre les
demandeurs, que Pierre Cauchon, en tant qu'évêque
de Beauvais, était juge compétent; qu'en s'associant le vice inquisiteur comme juge, et les
principaux docteurs du clergé de Rouen et de l'Université
de Paris comme assesseurs, il a donné à son procès toutes les apparences d'une bonne justice.
Nous admettrons que les usages de l'Inquisition
aient paru légitimer des procédés justement réputés
contraires au droit commun. Mais nous n'admettrons
pas que l'iniquité flagrante de ce procès soit
en tout point couverte par la loi. Pierre Cauchon était juge compétent comme évêque de Beauvais,
mais dans l'esprit même de la loi il devait s'abstenir
comme ennemi capital : car, si la loi refusait
aux ennemis capitaux la faculté d'être témoins,
combien plus le pouvoir d'être juges ! La Pucelle,
prisonnière de guerre, était de droit gardée par
les Anglais : mais en la soumettant au jugement
de l'Église ils la devaient remettre en la prison de l'Église, sauf à eux à garder la prison. La loi était formelle ici; et quant au point où on l'invoque en un autre sens, il y a encore plus d'une réserve à faire. Si l'Inquisition laissait au juge le pouvoir d'écarter toutes les formes protectrices de l'accusé, elle ne lui commandait pas de les bannir; et quand il en usait, il n'était plus libre d'en rejeter les résultais selon qu'ils trompaient son attente : car elle ne lui supposait point de parti pris. Et
une preuve, on pourrait dire en termes d'école un argument ad hominem, contre la légitimité du procès au point de vue du droit inquisitorial, c'est que le personnage placé au premier rang parmi ceux qui le poursuivirent et le révoquèrent, ce fut l'un des deux inquisiteurs de France, Jean Bréhal (24).
Le juge de Rouen pouvait donc, si l'on veut (et le point est contesté), se passer de faire des informations préalables : mais il en fît; cela est établi, contre l'assertion des demandeurs, par les textes du premier procès, comme par les témoignages recueillis au second. Seulement il ne les produisit pas, ou du moins, si à l'origine il les communiqua à quelques assesseurs pour en tirer la matière
d'un interrogatoire, il ne les garda point au procès,
comme il y garda d'autres pièces d'un intérêt
moins grave, sans doute. Il les a supprimées,
car c'est en vain qu'on prétend les retrouver du moins par extraits dans les soixante-dix articles :
un réquisitoire n'a jamais tenu lieu d'un procès-verbal
d'enquête. Il les a supprimées, et en vain dit-on qu'il le fit, n'en pouvant user sans recoler les témoins, ni assigner ceux-ci sans les compromettre
; il les a supprimées parce qu'elles le gênaient :
les témoignages recueillis au procès de révision
donnent toute force, en ce point, à l'argument du
promoteur. Peu importe donc que le juge ait pu se passer de cette enquête. Il pouvait de même se
dispenser de faire examiner Jeanne par des matrones,
mais, s'il n'a pas rougi d'ordonner cet examen, il aurait dû ne se point faire scrupule d'en
consigner le résultat au procès : son silence en ce
point prouve autre chose que sa pudeur (25).
L'Inquisition, dit-on encore, autorisait Pierre
Cauchon à ne point donner à Jeanne d'avocat : mais
elle commandait de lui donner, vu son âge, comme mineure de vingt-cinq ans, un curateur qui devait
ratifier ses aveux et pouvait aussi parler pour elle ;
et quand le droit inquisitorial eût supprimé ici le droit commun, autorisait-il l'évêque à forcer au
silence, en les menaçant de mort, ceux qui tentaient
d'éclairer Jeanne dans le cours du procès,
comme il arriva tant de fois, au témoignage de
ceux-mêmes qui ont subi ces violences ? Après cela,
quand il offrit à Jeanne de lui donner un conseil
parmi ceux qui l'entouraient, n'avait-elle pas raison
de le repousser par cette noble réponse qu'elle
s'en tiendrait à son conseil, c'est-à-dire Dieu qui
la soutenait ?
L'Inquisition autorisait Pierre Cauchon (et ici
même le texte est suspect) à surprendre ses aveux
par le moyen d'un faux confident : mais l'autorisait-elle à revêtir ce confident des formes du confesseur,
et à user de ses conseils pour jeter Jeanne
dans une résistance qui, depuis que le jour s'était
fait sur sa vie tout entière, devenait le seul moyen
de la perdre ? Or, quoique cette résistance n'ait
point été jusqu'au point que l'on dit, c'est Loyseleur
qui l'y affermissait, sans lui suggérer cette
distinction qu'elle trouva d'elle-même pour concilier
sa volonté d'être soumise à l'Église, et sa
résolution parfaitement légitime de ne pas prendre
pour l'Église et, à ce titre, pour juges de ses révélations,
les ennemis qui la jugeaient (26).
L'Inquisition, enfin, autorisait Pierre Cauchon à
procéder sans prendre avis que de lui-même : mais
il voulut s'appuyer de l'opinion de nombreux assesseurs ; il voulut consulter même des docteurs étrangers au procès. Or, dès ce moment, il était
tenu de les éclairer; et que fit-il ? Après les premières
séances, il écarta des interrogatoires les
assesseurs, sous prétexte de ne les point fatiguer ;
il ôta de leur vue le spectacle de cette jeune fille
soutenant avec tant de vigueur une lutte en apparence
si inégale. Il en transporta la scène du tribunal
dans la prison, et ne laissa plus la parole
de Jeanne arriver jusqu'à eux que par l'organe
des greffiers. Je me trompe : la parole de Jeanne
ne leur parvint même pas en la teneur du procès-verbal.
Les interrogatoires allèrent, on l'a vu, se
transformer et se fondre dans les soixante-dix articles
de l'accusation; et quand il s'agit de délibérer,
on en tira ces douze articles qui, corrigés
ou non (le débat n'a point ici d'importance), n'en étaient pas moins un résumé, non des aveux de
Jeanne, mais des imputations de son accusateur,
l'attaque sans la défense; une pièce que non-seulement
Jeanne n'avait pas avouée, mais qu'elle
n'avait même pas connue. C'est sur cette base, radicalement fausse, que porta la délibération de
l'Université de Paris et des docteurs de toute origine ; et c'est sur cette délibération que les juges
prétendirent appuyer leur sentence, ajoutant,
pour leur compte, la fraude à l'erreur où ils avaient induit les autres (27).
Voilà le premier jugement. Et que dire du second ?
de ce germe qu'on en déposa dans le premier
par cette abjuration substituée à celle qu'on avait obtenue de Jeanne sur l'échafaud de Saint-Ouen, entre le juge qui lisait la sentence et le
bourreau prêt à l'exécuter ? Que dire de l'occasion
qu'on en fit naître, en la rendant, malgré les plus
solennelles promesses, à la prison anglaise, et en
usant de violence et de fraude pour lui faire reprendre
l'habit d'homme qu'elle avait déposé ? Ce
sont-là des nullités de fait que ne peut couvrir la
procédure la plus régulière. Disons-le donc : si les
juges, comme le dit Isambard de la Pierre dans le
second procès, observaient assez bien les formes
du droit (satis observabant ordinem juris), ils n'en
usaient que pour couvrir sciemment les injustices
les plus criantes : cela est prouvé par les efforts
qu'ils firent constamment, depuis le commencement jusqu'à la fin, dans l'enquête préalable, dans
les interrogatoires, dans les douze articles, dans
l'abjuration, même et dans la visite qui suivit la
reprise de l'habit d'homme, pour fuir, pour étouffer
la lumière sitôt qu'ils la voyaient poindre. Ils
l'ont condamnée comme hérétique, sachant qu'elle
ne l'avait jamais été; ils l'ont condamnée comme
relapse, sachant qu'elle n'était tombée que dans le
piége tendu par eux sous ses pas; et ils se sont
condamnés eux-mêmes en lui accordant, avant de
la frapper, la communion. Ici encore on cite le droit inquisitorial : « S'ils se repentent, après leur
condamnation, et que les signes de leur repentir
soient manifestes, on ne peut leur refuser les sacrements de pénitence et d'Eucharistie, en tant
qu'ils les demanderont avec humilité. » Mais les
termes du décret repoussent l'opinion qu'on y veut
appuyer. C'est après et non avant la condamnation
qu'il accorde les sacrements au coupable. Condamner
comme hérétique, déclarer excommunié de l'Église celui qu'on vient de recevoir à la communion,
ce serait retrancher l'Église même de la communion
de Jésus-Christ ! (28)
Nous ne parlons point du jugement civil, puisqu'il n'y en eut point. Mais comment alors Jeanne
a-t-elle pu être brûlée ? L'arrêt des juges ecclésiastiques
ne faisait que remettre la condamnée à une
autre justice, et par ses termes il excluait la peine
de mort ! La mort, pour qu'elle suivît, devait être
au moins prononcée par quelqu'un. Que dirait-on,
si, après le verdict du jury, un président d'assises
se bornait à dire aux gendarmes de mener l'accusé
au supplice ? C'est pourtant ce qui est arrivé à
Jeanne, au témoignage de tout Rouen, et du lieutenant
du bailli lui-même, quand après la sentence
ecclésiastique le juge civil qui la devait condamner
se contenta de dire aux sergents : « Emmenez,
emmenez .» (29)
Il ne faut donc rien diminuer de la juste réprobation
qui frappe le procès tout entier : on pouvait être de bonne foi en le commençant, on ne
pouvait pas l'être en le finissant de la sorte. Point
d'excuse à l'iniquité de la sentence; point d'excuse
aux illégalités de la procédure, et l'on cherche
vainement la preuve qu'elle fut régulière dans le
silence qui se fit sur Jeanne parmi ceux qui devaient
le plus avoir à cœur de venger sa mémoire.
Tout ce qu'on pourrait dire, c'est que les fraudes du procès n'étaient pas encore connues et ne le
furent que quand les pièces en vinrent aux mains
du roi, après l'expulsion des Anglais. Dès ce moment
la réparation est assurée. Le roi parle, il
agit avec cette prudence, mais en même temps
avec cette suite et cette fermeté qui présidèrent à
ses résolutions dans la seconde partie de son règne.
Après avoir flétri l'inqualifiable abandon où
il souffrit que la libératrice d'Orléans, l'ange du
sacre de Reims, succombât devant Compiègne et
mourût à Rouen, il est juste de faire honneur à
Charles VII d'avoir su, au risque d'appeler l'attention
sur les circonstances qui le condamnent lui-même,
provoquer et mener à bonne fin le jugement qui la réhabilita.
Source : Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879
Notes :
1 Échecs des Français, puis défaites des Anglais. Voy. J. Charlier, p. 47 et suiv., Abrégé chron., p. 334. et Berri, p. 384 et suiv.
(Ed. Godefroi); le Bourgeois de Paris, p. 428, 429, 430-436; Monstrelet,
II, 101 et suiv. Voyez aussi J. Quicherat, Procès, t. V, p. 169, 173 : Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. II, passim ; Chéruel.
Hist. de la Normandie sous la domin. angl. au quinzième
siècle, p. 116 et suiv.
Le petit berger avait été mené, comme dans les triomphes antiques,
lié de cordes, à la suite de Henri VI entrant à Paris. Toison d'or,
hérault et chroniqueur bourguignon, déclare avoir ouï dire « que
pauvre Bregier avoit esté gecté en la rivière de Seine et noyé. »
Vallet de Viriville, l. l. t. II, p. 248.
— Sur ce que devinrent les ennemis
et les compagnons de la Pucelle, voy. l'appendice n°24.
2 Réhabilitation: t. II, p. 2. (Lettres de commission de G. Bouillé.) — Voy. sur le procès de réhabilitation la notice fort étendue
de L'Averdy, Notice des manuscrits, t. III, p. 247 et suiv.
—
Enquête de Bouillé : t. II, p. 3-22; Beaurepaire, entendu dans cette
première enquête, vint au commencement de mars 1450 à Rouen,
et n'y resta que quelques jours (Ch. de Beaurepaire, Recherches,
etc., p. 125).
— Enquête du cardinal d'Estouteville (2 et 3 mai
(1452) : ibid., p. 291 ; — teneur des douze articles sur lesquels
les témoins sont interrogés : ibid., p. 293; — déposition des témoins
: p. 297-308 ; — délégation de Philippe de la Rose, p. 309 ;
le nombre des articles fut porté de 12 à 27. Ils sont donnés p. 311.
Vingt-deux nouveaux témoins comparurent avec ceux qui avaient été déjà interrogés. Voy. leurs dépositions, p. 317-377.
3 Intervention de la famille de Jeanne : t. II, p. 74 (préface
des greffiers); et L'Averdy, Notice des man., t. III, p. 250.
— Consultation
de P. Pontanus et de Th. de Leliis: t. II. p. 22 et 59.
4 Calixte III: t. II, p. 72 ; — son rescrit: p. 95. L'archevêque
de Reims était J. Juvénal des Ursins, fils de celui qui fut prévôt
des marchands sous Charles VI. Voy. sur les divers personnages
qui figurent au procès les excellentes notes biographiques de
M. J. Quicherat.
5 Séance préliminaire (probablement le 7 novembre) : t. II,
p. 82; cf. t. III, p. 372, et la Notice de M. J. Quicherat, t. V, p. 436.
6 Séance du 17 novembre : t. II, p. 92; cf. p. 114.
— Discours
de P. Maugier: p. 98-106.
7 Assignations publiées dans le diocèse de Rouen, pour le
20 décembre : t. II, p. 113 ; — dans le diocèse de Beauvais, pour le
12 décembre: ibid., p. 125. — Jean Lemaître, le vice-inquisiteur,était peut-être mort en 1455, mais il vivait encore en 1450 lors des
premières informations. « Les mêmes motifs de réserve, dit M. Ch.
de Beaurepaire, qui empêchèrent de citer l'archevêque de Rouen,
Raoul Roussel (ancien assesseur au procès), firent laisser de côté
et dans l'ombre le vice-inquisiteur, etc. (Recherches, p. 123).
8 Séance du 12 décembre: p. 136. — Discours de Maugier:
p. 139. — Conclusions de Prévosteau: p. 151. (En 1452, le cardinal
d'Estouteville l'avait fait promoteur de la cause : note de
M. J. Quicherat, t. II, p. 109.) — Nomination des officiers des
juges: greffiers, Denys Le Comte et François Ferbouc; promoteur,
Simon Chapitaut, p. 152; — la minute du premier procès :
p. 155 ; — les pièces de l'enquête du cardinal, etc. : p. 157. On ne
fit point usage officiellement de l'enquête de Bouillé, parce qu'elle
procédait de l'autorité civile, et que le procès était ecclésiastique.
Voy, L'Averdy, Notice des manuscrits, t. III, p. 249.
9 Assignation des témoins de Rouen: p. 159.— Requêt. de
Prévosteau: p. 163-190.
10 Déclaration de la famille P. Cauchon: t. II, p. 194-196.
11 Réquisitoire du promoteur: ibid., p. 198-204. — Enquête
ordonnée dans le pays de Jeanne (on en chargea Reginald de Chicheri,
doyen de Vaucouleurs, et G. Thierry, chanoine de Toul) ;
ibid., p. 205. — Déclaration de compétence : ibid., p. 205-208.
12 Séance du 16 février 1456 (1455, vieux style) : t. II, p. 261
13 Les articles des demandeurs: p. 212-259.
14 Déclaration de Bredouille : t. II, p. 267 ; — de Chaussetier:
p. 268. — Admission des articles, etc. : ibid.
15 Enquête à Rouen (commencée le 10 décembre 1455): t.. III,
p. 43 ;— dans le pays de Jeanne (le 28 janvier 1456) : t. II, p. 387 ; — à Orléans (février et mars) : t. III, p. 2; — à Paris (janvier,
avril et mai) : ibid. — Réception des enquêtes: t. II, p. 288.
16 On a regretté que nous n'ayons pas donné ici les dépositions :
elles sont toutes dans les pages qui précèdent ; c'est le corps même
de notre ouvrage.
17 Séance du 1er juin : t. III, p. 222; — du 2 : p. 227 ; — du 4
et du 5 : p. 229 et 230. — Production des pièces : p. 230; — de la
feuille de Manchon : p. 231 et 237 ; — des cinq feuilles de Jacques
de Touraine ; p. 232 ; — des lettres de garantie : p. 233 et 240 ; — des mémoires : p. 245; — mém. de Gerson : p. 298; — d'Élie
de Bourdeilles, évêque de Périgueux : p. 306;— de Thomas
Basin : p. 309; — de Martin Berruyer : p. 314; — de Jean
Bochard, évêque d'Évreux : p. 317; — de Jean de Montigny :
p. 319; — de G. Bouillé, l'auteur de la première enquête : p. 322:
il insiste sur cette pensée, que c'est la maison de France qu'on a
voulu flétrir en condamnant Jeanne comme hérétique ; — de Robert
Ciboule : p. 326. J'ai parlé du traité de Gerson, qui a du prix
comme témoignant des sentiments des docteurs français sur la Pucelle,
avant sa captivité et sa mort (voy. ci-dessus, p. 79): les autres ne disent rien qu'on ne retrouve dans les arguments des avocats de la famille de Jeanne d'Arc.
18 Séances des 9 et 10 juin : t. III, p. 252 et 253, cf. p. 247, où
tout est rapporté au même jour, 9 juin; — du 18 : p. 255.
19 Séance du 1er juillet : t. III, p. 256; — du 2, p. 258; Réquisitoire
du promoteur : p. 260 et 265 (verbo pariter atque scripto). — Motifs de droit et conclusions des demandeurs : p. 275.
20 Examen des pièees par les juges : t. III, p. 329 ; — résumé de
J. Bréhal: p. 334. Si l'on veut voir comment l'inquisiteur J. Bréhal
jugeait et absolvait Jeanne sur le chef de sa prétendue résistance à
l'Église, qu'on lise dans le traité de ce personnage, que M. J. Quicherat
n'a malheureusement pas reproduit sur ce point dans son édition des Procès, le chap. VIII de la lre partie : Quod judicio
militantis Ecclesiæ de dictis et factis suis se submittere, ut videtur,
recusavit. Ms. 5970, f° 186, verso et suiv.
21 Séance du 7 juillet : t. III, p. 351. — Jugement de réhabilitalion:
p. 355.
22 Cérémonie expiatoire: ibid., t. V, p. 277. — Sur les monuments
de la Pucelle à Orléans, voy. l'appendice n°25 à la fin
de ce volume. — Libéralités de la ville d'Orléans envers la famille
de Jeanne d'Arc. Voy. l'appendice n°26.
23 Sur le procès de réhabilitation : M. J. Quicherat, Aperçus
nouveaux, § 25, p. 549. — M. H. Martin, développant une idée de
M. J. Quicherat, reproche aux juges de la révision de n'avoir pas
voulu voir la vérité sur tout. Il dit qu'on évita tout interrogatoire
sur les événements de la fin de 1429 et sur ceux de 1430; que l'on
restreignit autant que possible ce qui regardait l'enquête de Poitiers.
Ces lacunes sont regrettables au point de vue de l'histoire,
mais il ne faut pas oublier que les juges avaient pour objet, non
d'amasser des matériaux pour l'histoire de Jeanne d'Arc, mais de
réformer le premier procès.
24 Procédés de Inquisition : Absence d'information. N. Eymeric, Directorium inquisitorum, pars III, c. IXVIII et LXXIX; — d'avocat : « Simpliciter et de piano, absque advocatorum ac judiciorum strepitu ac figura. » Sext. Decret., lib. V, tit. II, C. XX; Corp. juris canon., t. III, p. 580. Paris. 1612. Cf. Maliens malefic, III, quæst 6 (Éd. 1620).
— Usage de faux confidents : Tractat, de hæresi pauperum de Lugduno, ap. Martène, Thes, anecd., t. V, col. 1787. Voy. M. J. Quicherat. Aperçus nouveaux, p. 122, 109 et 131, et en opposition M. Villiaumé, Hist. de Jeanne d'Arc, p. 374 et 417.
— Ennemis capitaux : voy. Maliens malefic., III, quæst. 5, p. 345. On peut voir par un autre article encore (quæst. 12, p. 364) combien on recommande de précautions contre les ennemis capitaux,
— Prison : M. J. Quicherat. Aperçus nouv., p. 112.
25 Enquête préalable faite et supprimée : M. J. Quicherat, Aperçus
nouv., § 15, p. 116, et ci-dessus, p. 31-34, et M. Ch. de Beaurepaire,
qui, sans justifier davantage la conclusion du procès, adopte
l'opinion de M. Quicherat (Recherches, p. 109).
26 Refus de conseil : M. J. Quicherat § 17, p. 129; Ch. de Beaurepaire,
p. 111. — La procédure sommaire indiquée ci-dessus était
d'ailleurs réduite, par la décrétale de Clément V (1307), à des
cas particuliers et de peu d'importance, à des exceptions dilatoires, etc. Voir le canon cité et le Direct. Inquis., pars III, quæst. LV,
p. 370.
— Nécessité d'un curateur : Si reus fuerit minor viginti
quinque annis priusquam accusationi respondeat, sibi dabitur eu rator cujus auctoritate ratificabit confessiones factas et formabitur
totus processus.... Si quid vero cum minoribus gestum sit absque
horum curatorum auctoritate, id ipso jure irritum est et nullum.
(Director. inquis. Sch. 34 sur le livre III, p. 146, 147 (éd. de
Rome, 1578).
— Faux confident : M. J. Quicherat, § 18, p. 131.
Sur l'illégalité du procès de Jeanne, même au point de vue du droit
inquisitorial, voyez M. Villiaume, Hist. de Jeanne d'Arc, p. 374
et suiv.
27 Les douze articles : ibid., § 16, p. 124. Le droit inquisitorial
voulait que le procès entier fût communiqué aux consulteurs : « L'évêque et l'inquisiteur sont-ils tenus de dérouler aux susdites
gens habiles le procès tout entier, jusqu'à la sentence, ou suffit-il
de le leur exposer sommairement et en substance ? Nous répondons
que nous ordonnons de le communiquer intégralement et parfaitement
(integraliter et perfecte). » Voy. Direct. Infinis., pars III,
quæst. LXXIX, p. 379.
28 Tém. d'Isamb. de la Pierre : Procès, t. II, p. 351. — Communion : Sext. Décrétal., V, II, 4, cité par M. J. Quicherat, l. l., p. 144. La sentence de P. Cauchon est, en ce point, conforme à la règle ; elle se termine par ces mots : Et si in te vera pænitentiæ signa apparuerint, tibi ministretur pænitentiæ sacramentum. (T. I, p. 475). Il lui promet, après l'avoir condamnée, le sacrement de pénitence si elle se repent, et il lui avait donné auparavant la communion! Nous avions donc raison de dire que sa sentence condamne sa conduite.
29 Absence de condamnation civile : t. II, p. 6 (Is. de la Pierre);
p. 8 (M. Ladvenu); p. 344 (Manchon); t. III, p. 165 (G. Colles);
p. 187 (Guesdon, lieutenant du bailli), et les autres textes cités plus
haut. Martin Ladvenu, dans une de ses dépositions, ajoute que
deux ans plus tard un malheureux, nommé Georges Folenfant,
ayant été abandonné au bras séculier, lui-même fut envoyé au
bailli par l'archevêque de Rouen et par l'inquisiteur, pour lui recommander
de ne pas faire comme à Jeanne : Sed eum duceret in
foro suo et faceret quod justitia suaderet, t. III, p. 169.
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