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Chronique
de l'établissement de la fête du 8 mai
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2ème partie |
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' an dessusdit, le treiziesme jour d'octobre, arriva le dit conte de Salebery au Portereau d'Orléans, et
fut posé le siége ; et la nuyt fut brûlé et abatu le moutier
des Augustins ad ce que iceulx Anglois ne se logeassent léans. Et ne demoura guères que il, Salebery,
donna assault au dit Portereau, c'est assavoir au boloart
du bout du pont, lequel n'estoit fait que de fagos
; et dura de quatre à cinq heures ; et là fut blecié
monseigneur de Saintrailles et Guillaume de La Chapelle,
qui estoient capitaines ; et y eut telle deffence
qu'ilz ne peurent riens faire ce dit jour. Et puis
après copèrent ledit boloart par dessoulz, et ainsi fut
advisé qu'il estoit expédiant de l'abendonner.
Et le
dimenche en après fut donné l'assault aux Torelles
devers le matin, et à icelle heure ne firent riens. Et
en iceluy jour, environ deux heures après midi, Sallebery
donna l'assault et de fait prist les dictes Torelles,
car il n'y avoit homme d'armes qui se osast tenir
pour la force des bombardes et canons que iceulx
Anglois gettoient. Et quant ilz les eurent prises, le
dit conte de Sallebery monta au plus hault et se mist à une fenestre qui estoit devers la ville, pour veoir le
pont qui estoit très bien armé ; et à ceste heure vint
ung canon de la ville, lequel frappa par la teste ledit
conte de Sallebery : qui fut l'avancement de sa mort.
Et aucuns dient que ledit canon partit de Saint-Anthoine,
les autres dient qu'il partit de la tour Nostre-Dame et qu'il y eut un jeune paige qui jecta ledit canon
; et qu'il soit ainsi, le canonnier qui avoit la
charge de ladicte tour, trouva ledit paige qui s'enfuyoit.
Et aussi estoit ce assez raisonnable, veu et considéré
que iceluy conte de Sallebery avoit, comme dit
est devant, pillée ladicte esglise de Nostre-Dame de Cléry, que par elle il en fust puny. Le dit conte de
Sallebery ainsi heurté et frappé dudit canon, fut porté à Meung sur Loire par aucun desdits Anglois, et là
morut.
Et voyant ce, les capitaines dudit siége levèrent
une partie de leur siége, et laissèrent de cinq à six
mille combatens ausdictes Torelles et se retreyrent à
Paris, qui pour lors estoit Anglois, et ordonnèrent
ung nommé Tallebot à estre leur chef. Et les feries
de Noël, vindrent devers Saint-Loup pour mettre le
siége. Et ce pendant, ceulx de la ville abbatirent toutes
les esglises et maisons des forsbours : qui fut une
grande consolacion (1) pour la dicte ville d'Orléans à
l'encontre desdiz Anglois.
Environ quaresme-prenant, nouvelles vindrent
que monseigneur de Bourbon venoit pour secourir la
dicte ville d'Orléans ; et arriva iceluy monseigneur de
Bourbon, avec luy monseigneur de Toars et plusieurs
autres seigneurs ; et tindrent conseil entre eulx, et
fut advisé que l'on iroit au devant de leurs vivres,
c'est assavoir desdits Anglois qui estoient partis de
Paris. Et ainsi se partirent nos gens dudit Orléans et
trouvèrent les Anglois environ Rouvray-Saint-Denis
qui est en Beausse, et estoient noz gens contre iceulx
Anglois six contre ung ; mais la fortune fut telle, et en
demoura environ trois cens de noz gens ; et là fut blécié
monseigneur de Dunois et fut tué le connestable
d'Escosse. Et ce partit monseigneur de Bourbon et
plusieurs autres seigneurs et chefs de guerre de la
journée, et arrivèrent à Orléans environ mynuit, et
entrèrent à icelle heure, et là furent neuf jours estans
tous effraiés de la journé qu'ils avoient perdue, telle ment que quant ilz veirent les Anglois venir au siège,
homme ne les povoit faire issir hors de la ville. Et
ce voyans les bourgeois de la ville, que leurs vivres diminuoient fort, vindrent devers monseigneur de
Bourbon et devers monseigneur de Touars leur faire
requerir qu'ilz les envoyassent hors ; et ainsi s'en partirent.
L 'an dessus dit, le treizième jour d'octobre, le comte de Salisbury
arriva au Portereau d'Orléans et le siège fut posé. La nuit fut brûlé et
abattu le monastère des Augustins, pour que les Anglais ne s'y logeassent
pas. Icelui Salisbury ne tarda guère à donner l'assaut audit Portereau,
c'est à savoir au boulevard du bout du pont, qui n'était fait que de fagots;
l'assaut dura de quatre à cinq heures ; et y furent blessés Monseigneur
de Xaintrailles et Guillaume de La Chapelle qui étaient capitaines ; et la
défense fut telle que les assaillants ne purent rien faire ce jour. Et puis
après il arrivèrent par-dessous ledit boulevard, et ainsi il fut arrêté qu'il était expédient de l'abandonner.
Le dimanche qui suivit, l'assaut fut donné aux Tourelles devers le
matin, et à cette heure ils n'y firent rien. Et en ce même jour, environ
deux heures après midi, Salisbury recommença l'assaut, et de fait il prit
les Tourelles ; car il n'y avait homme d'armes qui osât s'y tenir, à cause de la force des bombardes et canons que tiraient les Anglais.
Les Tourelles prises, le comte de Salisbury monta au plus haut étage, et
se mit à une fenêtre devers la ville pour voir le pont qui était très bien
armé. Et à cette heure, de la ville partit un canon qui le frappa à la tête ;
ce qui fut l'avancement de sa mort.
Quelques-uns disent que le canon partit de Saint-Antoine, les autres
qu'il partit de Notre-Dame, et que ce fut un jeune page qui le fit partir ; et
qu'il en soit ainsi que le canonnier qui avait la charge
de ladite tour trouva le page qui s'enfuyait. Et aussi était-ce juste et
raisonnable que ledit comte de Salisbury, ayant, comme il est dit plus
haut, pillé l'église de Notre-Dame-de-Cléry, en fût puni par elle. Ainsi
heurté et frappé, le comte de Salisbury fut porté à Meung-sur-Loire par
quelques Anglais, et là il mourut.
Ce voyant, les capitaines levèrent en partie leur siège, laissèrent cinq à six mille combattants aux Tourelles et se retirèrent à Paris qui, pour
lors était anglais, et ils ordonnèrent un nommé Talbot,
pour être leur chef. Les fériés de Noël, ils revinrent vers Saint-Loup pour
remettre leur siège. Pendant ce temps ceux de la ville abattirent toutes
les églises et maisons des faubourgs; ce qui fut un grand moyen de
conservation (1) pour la ville d'Orléans à l'encontre des Anglais.
Environ le carême-prenant, vinrent nouvelles que Monseigneur de Bourbon venait pour secourir la ville ; icelui Monseigneur arriva, et avec lui Mgr de Thouars et plusieurs autres seigneurs ; ils tinrent
conseil entre eux, et ils furent d'avis qu'on irait au-devant des vivres des
Anglais qui étaient partis de Paris. Et ainsi se partirent nos gens
d'Orléans, et ils trouvèrent les Anglais environ Rouvray-Saint-Denis qui
est en Beauce. Nos gens étaient contre iceux Anglais six contre un ; mais
la fortune fut telle que de nos gens il en demeura trois cents sur le sol;
et là fut blessé Mgr de Dunois et fut tué le connétable d'Écosse. Et partit
de la journée Mgr de Bourbon avec plusieurs autres seigneurs et chefs
de guerre. Ils arrivèrent à Orléans à minuit environ, et ils entrèrent à
cette heure. Ils furent là neuf jours tous effrayés de la journée qu'ils
avaient perdue, tellement que, quand ils virent les Anglais venir au siège,
homme ne pouvait les faire sortir de la ville. Ce voyant, les bourgeois
de la ville, considérant que leurs vivres diminuaient fort, vinrent vers Monseigneur
de Bourbon et vers Monseigneur de Thouars leur requérir qu'ils
envoyassent leurs hommes dehors ; et ainsi ils partirent.
Sources : Texte original : Jules Quicherat - t.V, p.285 à 299.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.296 à 309.
Notes :
1 Le manuscrit du Vatican a écrit: ce qui fut une grande consolation, non-sens
manifeste qui disparait dans le manuscrit de Saint-Pétersbourg où on lit : grande
conservation.
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