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Chronique
de l'établissement de la fête du 8 mai
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3ème partie |
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n iceluy temps, Dieu de sa saincte grace et miséricorde
envoya une voix à une fille pucelle, nommée
Jehanne, laquelle gardoit les bestes aulx champs ès
païs de environ Vaulcoulour, qui est près de Laurraine,
disant que Dieu lui commandoit qu'elle se préparast
pour aller lever le siège de devant Orléans, et
qu'elle menast le roy Charles coronner. Ainsi la dicte
Jehanne se adressa au seigneur dudit Vaucoulour, et
luy nota ces choses, qui luy fut une grant merveille ;
et se prépara pour admener la dicte Pucelle devers le
roy, qui pour lors estoit à Chinon. Et elle venue devers
le roy, fut examinée de plusieurs évesques et seigneurs
en plain conseil ; et en tout son fait ne fut
trouvé que tout bien. Lors on luy fist faire ung harnois
complect et aussi une estandart, et eut licence
d'estre habillée comme ung homme.
Cependent vindrent nouvelles à Orléans de la dicte
Jehanne, laquelle lors vulgaument on appelloit Jehanne
la Pucelle, de quoy furent bien esmerveillés
ceulx de la dicte ville d'Orléans ; et de prime face cuidoient que ce ne fust que une desrision, non obstant
qu'ilz avoient grande confiance en Dieu et au bon
droit du roy et de leur seigneur, lequel estoit prisonnier,
comme avez ouy cy devant ; et leur corage s'en
escrut de la moitié.
Et environ la fin d'avril, fut baillé à la dicte Jehanne, monseigneur de Rais, mareschal
de France, et plusieurs autres capitaines, et aussi des
communes des païs d'à bas, et luy fut ordonné d'amener
vivres et artillerie, et vindrent par la Sauloigne,
et passèrent par Olivet ou près, et arrivèrent jusques à l'lsle-aux-Bourdons qui est devant Checi. Et saichans
ceulx d'Orléans que elle venoit, furent très
joyeulx et firent habiller challans à puissance ; et estoit
lors la rivière à plain chantier ; et aussi le vent,
qui estoit contraire, se tourna d'aval et tellement que
un chalen menoit deux ou trois chalens, qui estoit
une chose merveilleuse, et failloit dire que ce fust
miracle de Dieu. Et passèrent par devant les bastilles
des Anglois, et arrivèrent à leur port, et là chargèrent
leurs vivres, et puis passa la rivière la dicte
Pucelle. Et là estoient présens monseigneur de Dunois,
La Hire et plusieurs aultres seigneurs, et vindrent
par devant la bastille de Saint-Loup, où estoient
les Anglois.
Arriva à Orléans la dicte Pucelle et fut logée près
de la porte Regnart, et de son logis povoit veoir
tout le siège. Et est assavoir que ceulx de la ville
d'Orléans estoient bien joyeulx. Et ce pendant monseigneur
de Rais et les autres capitaines qui la dicte
Pucelle avoient amenée, retournèrent à Blois quérir
des autres vivres. Et elle estant audit Orléans, elle
alla par deux ou trois fois sommer les Anglois qu'ils
s'en allassent en leur païs et que le roy du ciel le leur
mandoit : à laquelle ilz dirent plusieurs injures et
entre les autres Clacidas, auquel la dicte Pucelle respondit
qu'il mentoit de ce qu'il luy disoit et qu'il en
mourroit sans seigner. Ainsi fust il, comme sera déclairé cy après. Et prenoit icelle Jehanne la Pucelle
en bonne pacience les injures que luy cuidoient dire et
faire lesdiz Anglois.
Et après s'en alla à l'église Saincte-Croix, et là parla à messire Jehan de Mascon,
docteur, qui estoit ung très sage homme, lequel luy
dist : « Ma fille, estes-vous venue pour lever le siège? »
A quoy elle respondit : « En nom Dé, dist elle, ouy. »— « Ma fille, dit le sage homme, ilz sont fors et bien
fortiffiés et sera une grant chose à les mectre hors. » Respondit la Pucelle : « Il n'est riens impossible à
la puissance de Dieu. » Et en toute la ville ne fist
honneur à autre.
En icelui temps, Dieu, de sa sainte grâce et miséricorde, envoya
une voix à une fille pucelle, nommée Jeanne, qui gardait les bêtes
aux champs ès pays des environs de Vaucouleurs, qui est près de
Lorraine. La voix disait que Dieu lui commandait de se préparer pour
aller lever le siège de devant Orléans, et qu'elle menât couronner le roi
Charles. Par suite, ladite Jeanne s'adressa au seigneur de Vaucouleurs,
et lui raconta ces choses ; ce qui lui fut une grande merveille ; et il se
prépara pour amener ladite Pucelle devers le roi, qui pour lors était à
Chinon. Elle venue vers le roi, fut examinée de plusieurs évêques et
seigneurs en plein conseil ; et en tout son fait ne fut trouvé que tout bien.
Lors on lui fit faire un harnois complet, et aussi un étendard ; et elle eut
licence d'être habillée comme un homme.
Cependant vinrent à Orléans nouvelles de ladite Jeanne, qu'alors on
appelait vulgairement Jeanne la Pucelle (1), de quoi ceux de la ville furent
bien émerveillés. De prime face ils pensaient que ce ne fût que dérision,
encore qu'ils eussent grande confiance en Dieu, et au bon droit du roi et
de leur seigneur, lequel était prisonnier, comme vous avez ouï ci-devant ;
et leur courage s'en accrut de moitié.
Environ la fin d'avril, fut baillé à ladite Jeanne Mgr de Rais, maréchal de France, et plusieurs autres capitaines, et aussi [des soldats] des communes du pays d'en bas, et il lui fut ordonné d'amener vivres et artillerie.
Ils vinrent par la Sologne, passsèrent par Olivet ou près, et
arrivèrent jusqu'à l'Ile-aux-Bourdons, qui est devant Chécy. Ceux
d'Orléans sachant qu'elle venait furent très joyeux; ils firent préparer
des chalands en grand nombre. La rivière était alors à plein chantier, et
aussi le vent qui était contraire se tourna d'aval, tellement qu'un chaland
menait deux ou trois chalands ; qui était une chose merveilleuse, et fallait
dire que c'était un miracle de Dieu. Ils passèrent par-devant les bastilles
des Anglais et arrivèrent à leur port; et là chargèrent leurs vivres, et
puis la Pucelle passa la rivière. Là étaient présents Monseigneur de Dunois,
La Hire et plusieurs autres seigneurs ; et ils vinrent par-devant la bastille
de Saint-Loup où étaient les Anglais.
La Pucelle arriva à Orléans, et fut logée près de la porte Regnart; et
de son logis elle pouvait voir tout le siège. Et il est à savoir que ceux
d'Orléans étaient bien joyeux.
Et pendant ce temps Mgr de Rais, et les autres capitaines que la Pucelle
avait amenés, retournèrent à Blois quérir d'autres vivres.
La Pucelle étant à Orléans, elle alla par deux ou trois fois sommer les
Anglais qu'ils s'en allassent en leur pays, et que la roi du Ciel le leur
mandait, et ils lui dirent plusieurs injures, et entre les autres Glacidas,
auquel elle répondit qu'il mentait de ce qu'il lui disait, et qu'il en mourrait
sans saigner. Ainsi fit-il comme sera déclaré ci-après ; et Jeanne la
Pucelle prenait en bonne patience les injures que les Anglais trouvaient
bon de lui dire et de lui faire.
Et après, elle s'en alla à l'église Sainte-Croix, et là elle parla à Messire
Jean de Mascon, docteur, qui était un très sage homme, lequel lui dit : « Ma fille, êtes-vous venue pour lever le siège ? » A quoi elle répondit : « En nom Dieu, oui ». « Ma fille, dit le sage homme, ils sont forts et bien
fortifiés, et ce sera une grande chose que de les mettre hors ». La Pucelle
répondit: « Rien n'est impossible à la puissance de Dieu ». Et en toute la
ville elle ne fit honneur à aucun autre.
Sources : Texte original : Jules Quicherat - t.V, p.285 à 299.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.296 à 309.
Notes :
1 Le manuscrit de Saint-Pétersbourg porte simplement : Vinrent nouvelles de ladite Jeanne la Pucelle.
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