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Histoire
de Charles VII
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L.II-XVI - Condamnation de Jeanne la Pucelle - Elle est brûlée à Rouen. |
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um autem ad judices ea res perlata fuisset, ipsa iterum ad judicium publice exhibita, tanquam in abjuratam heresim relapsa judicata extitit et relicta, ut talis, brachio secularis potestatis.
Quam illico rapientes executores totaque Anglorum manus, qui in magno numero cum Henrico rege suo tum erant Rothomagi, spectante innumera pene populorum multitudine, tam de civitate ipsa quam de agris et vicinis opidis (nam plurimi velud ad spectaculum publicum propterea ad eandem urbem connuxerant), ipsa Johanna, Deum semper invocans auxiliatorem et gloriosam domini nostri Jhesu Christi genitricem, igne consumpta extino taque extitit. Collecti eciam fuerunt universi cineres, quos illic ignis tam de lignis quam de ipsius corpore et ossibus reliquerat, et de ponte in Secanam projecti, ne quid reliquiarum ejusdem aliqua posset forsan supersticione tolli et servari. Et talis quidem finis hujus transitorie vite Johanne fuit.
Expectabit forte hujus hystorie lector nostrum de hujus puelle gestis judicium, de qua per omnem Galliam ea tempestate celiberrima fama fuit. Nos vero, sicut temere asserere non presumimus quod appariciones et revelaciones, quas habuisse aiebat, a Deo fuerint, qui missionis sue signa (que soli dicitur regi Karolo detexisse) minime agnovimus, ita audenter dicimus et affirmamus quod, ex processu facto contra eam (quem ipsi vidimus atque exa-minavimus postquam, ejectis Anglicis, Normannia sub Karoli dicionem, velud postliminio, redierat) non sufficienter constabat ipsam de alicujus erronei dogmatis, contra veritatem doctrine catholice, assercione convictam vel in jure confessam et per hoc heresis atque relapsus satis manifeste defuisse fundamenta. Quanquam eciam, preter hoc, poterat processus hujusmodi ex multis capitibus argui viciosus, coram capitalibus inimicis sepe per eam recusatis, denegato sibi eciam omni consilio, que simplex puellula erat, factus et habitus : quemadmodum ex libello quem desuper, ab eodem Karolo expetito a nobis consilio, edidimus, si cui ad cujus venerit manus eum legere vacaverit, lacius poterit apparere. Pulsis enim de Normannia Anglicis, idem Karolus per plures regni sui prelatos et divini atque humani juris doctos homines, diligenter processum predictum examinari et discuti fecit; et de ea materia plures ad eum libellos conscripserunt. Quibus, coram certis a sede apostolica ad cognoscendum et judicandum de hujusmodi materia judicibus delegatis, exhibitis et mature perspectis, per eosdem judices in sentenciam, quam prediximus, extitit condescensum et sentencia contra eam data sub Anglorum imperio cassata et revocata.
Mirabitur forsan aliquis, si a Deo missa erat, quomodo sic capi et supplicio affici potuerit. Sed nullus admirari racionabiliter poterit, qui sine ulla hesitacione credit sanctum sanctorum Dominum ac salvatorem nostrum, sanctos prophetas et apostolos a Deo missos ob doctrinam salutis et fidei Deique voluntatem hominibus insinuandam et evangelizandam, variis cruciatibus et suppliciis affectos, triumphali martirio hanc vitam finisse mortalem; cum eciam legamus in veteri Testamento populum israheliticum, a Deo jussum Cananeorum gentes exterminare et contra suos hostes et ydolatras pugnare, tamen propter sua peccata aut alicujus eciam ex eis, aliquando prevalentibus eis hostibus, cecidisse et corruisse. Quis enim cognovit sensum Domini, aut quis consiliarius ejus fuit ?
Non tamen ita hoc dicimus, quod eandem Johannam, modo quem diximus ex hac misera vita prereptam, apostolorum aut sanctorum martirum velimus meritis coequare; sed quod minime repugnancia aut inter se incompatibilia e reputamus et quod a Deo, ad subveniendum regno et genti Francorum adversus hostes suos Anglicos, qui tum regnum ipsum gravissime opprimebant, ad ipsorum Francorum Anglorumque conterendam superbiam et ut ne quis ponat carnem brachium suum, seu non in Deo sed in seipso solo de suisque viribus glorietur dicta Johanna a Deo missa fuerit et nichilominus quod eam Deus, vel ob regis vel gentis Francorum demerita, utpote quod tantorum beneficiorum, quanta Deus per eam ipsis mirabiliter contulerat, ingrati, non proinde debitas egerint gracias divinitati aut victorias eis concessas non gracie Dei, sed suis meritis aut viribus attribuerent (que merita profecto nulla nisi mala tunc erant, cum moribus corruptissimi essent), seu alia causa aliqua, justa quidem, quoniam non est apud Deum iniquitas, licet a nobis minime cognita ab hostibus capi et supplicio sic eam affici permiserit, graciam quam gratis nec merentibus dederat, ab ingratis velud ab indignis subtrahendo. Sepe enim quod divina pietas dedit gratis tulit ingratis.
Quod autem per feminas interdum cum armis, interdum et sine armis, suis subvencionum et victoriarum solacia de hostibus Deus contulerit, testes sunt hystorie de Debbora, Judith et Hester, que canoni divinarum scripturarum inseruntur.
Talibus itaque de Johanna, dicta Puella, recensitis, de cujus missione et apparicionibus ac revelacionibus per eam assertis, nulli pro suo captu et arbitrio, quod voluerit, sic vel aliter senciendi adimimus libertatem, ad narracionis nostre seriem prosequendam revertamur.
La chose fut portée devant les juges et Jeanne, passant de nouveau publiquement en jugement, fut condamnée comme relapse, après avoir abjuré l'hérésie une première fois, et livrée comme telle au bras séculier 1.
Aussitôt les bourreaux s'emparèrent d'elle, ainsi que toute la troupe ces Anglais qui alors étaient en grand nombre à Rouen avec leur roi henri ; puis, en présence d'une foule presque innombrable de spectateurs, tant de cette ville que des campagnes et des places voisines (car beaucoup s'étaient rendus à Rouen à cet effet comme à un spectacle public), ladite Jeanne, invoquant toujours Dieu secourable et la glorieuse mère de Notre-Seigneur Jésus Christ, fut anéantie et dévorée par les flammes. On rassembla ensuite toutes les cendres que le feu avait laissées sur le bûcher, tant celles qui provenaient du bois que celles qu'avaient produites sa chair et ses os, et, du haut du pont, elles furent lancées dans la Seine, afin que rien venant d'elle ne pût être pris et gardé comme reliques, peut-être par quelque sentiment de superstition. Ainsi finit la courte vie de Jeanne.
Peut-être le lecteur de cette histoire attend-il notre sentiment sur les faits et gestes de cette Pucelle, dont en ce temps la renommée fut immense dans toute la France. Mais si nous ne prenons pas sur nous d'affirmer témérairement que les apparitions et les révélations qu'elle disait avoir eues venaient de Dieu, nous qui n'avons eu aucune connaissance des signes de sa mission qu'elle découvrit, prétend-on, au seul roi Charles, nous pouvons dire et affirmer hardiment que, d'après le procès qui lui fut fait — procès dont nous avons nous-même vu et examiné les pièces lorsque, les Anglais chassés, la Normandie fut revenue, comme en son premier état, au pouvoir du roi Charles, — il n'apparaissait pas suffisamment qu'elle eût été convaincue d'être tombée dans quelque erreur de dogme contraire à la vérité de la doctrine catholique ou qu'elle en eût fait un aveu valable en droit. Et ainsi l'accusation d'hérésie et de relaps manquait clairement de base. En outre, on pouvait sur plusieurs chefs tenir pour vicié un procès introduit et poursuivi devant ses ennemis capitaux souvent récusés par elle, alors surtout qu'on lui avait refusé tout conseil, à elle jeune fille inexpérimentée, ainsi qu'il apparaîtra plus au long à ceux qui auraient l'occasion de rencontrer et le temps de lire un mémoire écrit par nous à la demande du roi Charles, qui avait voulu avoir notre avis à ce sujet. Une fois les Anglais chassés de la Normandie, ledit roi Charles fit, en effet, soigneusement examiner et discuter le susdit procès par plusieurs prélats de son royaume et par des personnes versées dans la connaissance des lois divines et humaines. Sur ce sujet, ils lui adressèrent plusieurs mémoires qui furent produits et mûrement étudiés devant certains juges délégués par le Saint-Siège à la connaissance et au jugement de cette matière. Ces juges furent d'accord pour homologuer l'avis dont il a été parlé plus haut, et la sentence qui avait été prononcée contre elle sous la domination anglaise fut cassée et révoquée.
Certains s'étonneront peut-être de ce que, si elle fut envoyée par Dieu, elle ait pu être prise ainsi et conduite au supplice. Mais ne pourront raisonnablement en être surpris ceux qui croient sans hésitation aucune que le Seigneur, saint entre tous les saints et notre sauveur, que les saints prophètes et les apôtres envoyés par Dieu pour évangéliser les hommes et leur inculquer la doctrine du salut, de la foi, et la volonté de Dieu, ont été frappés de divers tourments et supplices et ont terminé leur existence mortelle par le triomphe du martyre. Et ne lisons-nous pas dans le Vieux Testament que le peuple d'Israël extermina sur l'ordre de Dieu la nation chananéenne et combattit ses ennemis et les idolâtres, puis que cependant, soit à cause de ses péchés ou de quelqu'un des siens, ses ennemis prirent le pas sur lui, le renversèrent et lui firent mordre la poussière ? Car « qui a pu pénétrer les intentions du Seigneur ? Qui a été son conseiller ? » (1)
Ce n'est pas cependant que, pour avoir quitté cette misérable vie de la manière que nous avons dite, les mérites de Jeanne doivent, dans notre pensée, être comparés à ceux des apôtres ou des saints martyrs. Mais nous ne répugnons nullement à croire (et nous ne jugeons pas ces choses incompatibles les unes avec les autres) que ladite Jeanne ait été envoyée par Dieu pour secourir le royaume et le peuple de France contre ses ennemis les Anglais, qui alors opprimaient gravement ledit royaume ; pour abaisser l'orgueil des Français et des Anglais ; pour empêcher qu'aucun d'eux « ne prît la chair pour son appui » (2) et ne se glorifiât en Dieu, et non en soi seul et de sa propre puissance. Nous admettons que Dieu ait permis qu'elle fût prise par les ennemis et conduite au supplice à cause des démérites du roi ou du peuple de France, attendu que, dans leur ingratitude de tant de bienfaits que Dieu leur avait envoyés merveilleusement par son intermédiaire, ils ne rendaient pas à la divinité les grâces qu'ils lui devaient ou qu'ils attribuaient les victoires à eux accordées, non pas à la grâce de Dieu, mais à leurs mérites ou à leur puissance (mérites qui, à la vérité, étaient alors nuls ou de mauvais aloi, car ils étaient de mœurs très corrompues). Nous admettons aussi que Dieu l'ait permis pour toute autre cause, juste assurément (car Dieu ne connaît pas l'iniquité), mais de nous totalement inconnue, sa grâce ayant été donnée pour rien à certains qui ne la méritaient pas et enlevée, au contraire, à des ingrats qui s'en montraient indignes. Car il arrive souvent que ce que la divine miséricorde donne pour rien, elle le reprenne à regret.
Qu'enfin Dieu se soit servi de l'intermédiaire de femmes, tantôt armées et tantôt non, pour apporter aux siens la consolation des secours et des victoires qu'il leur donnait sur leurs ennemis, les histoires l'attestent de Débora, de Judith et d'Esther, comprises au canon des saintes Écritures.
Voilà donc racontée la vie de Jeanne, dite la Pucelle. Sur sa mission, sur les apparitions et révélations affirmées par elle, nous laissons à chacun la liberté de penser ce qu'il voudra, ainsi ou autrement, selon sa capacité et son jugement. Et maintenant poursuivons notre récit.
Source
: "Histoire de Charles VII" par
Thomas Basin - éd. et traduction Ch.Samaran - 1933.
Notes :
1 Rom., XI, 34.
2. Jérémie, XVII, 5.
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