|
La
chronique du héraut d'armes Berri - index
I
|
|
elluy an, en ce mesmes temps de karesme, arriva
une jeune fille de l'aage de XVIII ou XX ans par devers
le roy, au chastel de Chinon, nommée Jehanne la
Pucelle ; laquelle estoit née et nourie d'emprès Vaucoulour,
d'un villaige de dessus la rivière de Meuse,
et avoit esté toute sa jeunesse jusques à celle heure à
garder les berbis. Et vint devant le roy en le saluant
et luy dist ces parolles : Que Nostre Seigneur l'envoyoit
devers luy pour le mener couronner à Rains et
pour lever le siège que les Anglois tenoient devant la
bonne cité d'Orléans; et que Dieu à la prière des
Sains ne vouloit point que ladicte cité fut prinse ne
périe.
Et à ces parolles le roy la fist examiner par pluseurs
saiges docteurs de son royaume, ausquelz elle
respondit saigement et par bonne manière, et tellement
que tous les docteurs estoient d'oppinion que
son fait, son dit et ses parolles estoient faictes et dictes
par miracle de Dieu. Et pour ce, fut dit et ordonné en
grant délibéracion du conseil que, pour faire et acomplir
les choses quelle avoit dictes, en entencion de
commencer et achever au plaisir de Dieu, on luy bailleroit
chevaulx, harnois et gens pour la compaignier à veoir son fait et que ce seroit. Et fut tout fait, conseillé
et ordonné audit chastel de Chinon durant ledit
temps de karesme que ung chascun estoit en dévocion.
Et la conduisoient le mareschal de Rieux (1) et le sire
de Cullant, l'un mareschal et l'autre admiral.
En cet an 1429, et en ce même temps de carême, arriva par devers
le roi, au châtel de Chinon, une jeune fille de l'âge de dix-huit à vingt ans,
nommée Jeanne la Pucelle. Elle était née et nourrie d'emprès Vaucouleurs, à un village de dessus la rivière de Meuse, et avait été toute sa jeunesse
jusqu'à cette heure à garder les brebis. Elle vint devant le roi et en le
saluant lui dit ces paroles : « Que Notre-Seigneur l'envoyait vers lui pour
le mener couronner à Reims et pour lever le siège que les Anglais tenaient
devant la bonne cité d'Orléans, et que Dieu, à la prière des saints, ne
voulait pas que ladite cité fût prise ni périe ».
Sur ces paroles, le roi la fit examiner par plusieurs sages docteurs de
son royaume, auxquels elle répondit sagement et par bonne manière,
tellement que tous les docteurs étaient d'opinion que son fait, son dit et
ses paroles, étaient faits et dits par miracle de Dieu. Et pour ce, il fut
proposé et ordonné en grande délibération du conseil que, pour faire et
accomplir les choses qu'elle avait dites, en intention qu'elle pût les commencer
et achever au plaisir de Dieu, on lui baillerait chevaux, harnais et
gens pour l'accompagner et voir son fait et ce que ce serait. Et tout fut
fait, conseillé et ordonné audit châtel de Chinon durant ledit temps de
carême, alors que un chacun était en dévotion. Et la conduisaient le maréchal
de Rais et le sire de Culan, l'un maréchal et l'autre amiral.
Source
: "Chronique de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Notes : (Quicherat)
1 Maréchal de Rais.
|