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La
chronique du héraut d'armes Berri - index
III
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ors le conte de Suffort print la charge de cinq
cens Anglois pour mener à Jargueau par l'ordonnance
du sire de Tallebot, lieutenant pour le roy
d'Angleterre. Et demoura le sire de Tallebot à Mehun
et à Baugency jusques ad ce qu'ilz eussent nouvelles
du duc de Bethefort et grant secours. Lequel duc
leur envoya messire Jehan Fastot à tout ce qu'il puist
finer de gens. Et lors les chiefz de guerre qui avoient
esté dedans la ville d'Orléans, le siége durant, et monseigneur le connestable de France conte de Richemont,
monseigneur d'Allençon et monseigneur
d'Alebret, vindrent et mirent le siege à Gergueau et
le prindrent d'assault. Et là furent que prins que
mors de quatre à cinq cens Anglois; et fut prins sur
le pont de la ville, soubz lequel passe la rivière de
Loire, le conte de Suffort qui s'estoit retraict sur
ledit pont après la prinse de la dicte ville; et se rendit à ung escuier d'Auvergne nommé Guillaume
Regnault; lequel conte fist chevallier ledit Guillaume
Regnault affin que l'on dist qu'il estoit prins d'un
chevalier. Et à la prinse qui fut faicte sur ledit
pont des François et Anglois, se noia Alixandre de la
Poulle, frère dudit conte.
Et de là vindrent les François et la Pucelle mectre
le siége à Baugency; et veu la paour que les Anglois
avoient de la fortune qu'ilz véoient sur eulx, se randirent
et délivrèrent Baugency par composicion. Et
dedans estoient de six à sept cens Anglois, et en
estoit cappitaine messire Guischart Guetin.
Et quant
le sire de Tallebot et messire Jehan Fastot sceurent
que ledit Baugency estoit rendu et que les Anglois
s'en estoient allés en Normandie ung baston en leur
poing, se partirent lesdis sire de Tallebot et messire
Jehan Fastot pour tirer à Yenville. Et lors lesdis
seigneurs de France le sceurent et les poursuivirent
bien six lieues et les actaingnirent au droit d'un fort
moustier nommé Patay. Et là furent combatus et
desconfis lesdis Anglois; et là fut prins le sire de
Tallebot et autres, jusques au nombre de troys cens
Anglois prisonniers, et de mors XXIIc, et s'en fouit
messire Jehan Fastot et pluseurs autres. Et par celle journée laissèrent Mehun, Yinville, la Ferté-[Hubert]
et plusieurs autres forteresses ou pays de Beausse.
Le comte de Suffolk prit la charge de cinq cents Anglais, pour les
mener à Jargeau, sur l'ordre de sire de Talbot, lieutenant pour le roi
d'Angleterre. Le sire de Talbot demeura à Meung et à Baugency jusqu'à
ce qu'ils eussent des nouvelles du duc de Bedford, et de grands secours.
Le duc leur envoya messire Jean Fastolf et tout ce qu'il put réunir de gens.
Et lors les chefs de guerre qui avaient été dedans la ville d'Orléans
durant le siège, et Mgr le connétable de France, comte de Richemont (1),
Mgr d'Alençon et Mgr d'Albret, vinrent et mirent le siège à Jargeau
et le prirent d'assaut. Là furent pris ou tués de quatre à cinq cents
Anglais; et fut pris, sur le pont de la ville sous lequel passe la rivière de
Loire, le comte de Suffolk qui s'y était retiré après la prise de la place.
Il se rendit à un écuyer d'Auvergne, nommé Guillaume Regnault, que
le comte fit chevalier pour que l'on dît qu'il avait été pris par un chevalier.
A la prise des Anglais, qui fut faite sur le pont par les Français, se noya
Alexandre de la Poule, frère dudit comte.
Les Français et la Pucelle vinrent de là mettre le siège devant Baugency;
les Anglais, vu la peur qu'ils avaient en voyant la fortune tourner contre eux,
se rendirent et livrèrent Baugency par composition. Dans la place étaient
de six à sept cents Anglais, ayant pour capitaine messire Guichard Guettin.
Quand le sire de Talbot et messire Jean Fastolf surent que Baugency
s'était rendu et que les Anglais s'en étaient allés en Normandie un bâton
en leur poing, ils partirent pour se rendre à Janville (2). Les seigneurs de
France le surent ; ils les poursuivirent bien six lieues, et ils les atteignirent
en face d'un fort monastère nommé Patay. C'est là que
les Anglais furent combattus et déconfits ; là furent pris le sire de Talbot,
et d'autres jusqu'au nombre de trois cents ; il y eut vingt deux cents morts (3) ; messire Jean Fastolf s'enfuit avec plusieurs autres. Par cette
journée les Anglais laissèrent Meung, Janville, La Ferté, et d'autres
forteresses du pays de Beauce.
Source
: "Chronique de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Notes (Ayroles) :
1 Encore une erreur. Richemont ne fut nullement à la prise de Jargeau.
2 De tous les chroniqueurs, Wavrin, que l'on trouvera au livre IV, est celui qui
expose le plus nettement les mouvements qui eurent lieu de part et d'autre à la veille,
ou le jour même de la bataille de Patay. Les autres, et particulièrement celui-ci,
présentent des obscurités.
3 2200 morts.
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