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La
chronique du héraut d'armes Berri - index
V
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t après se partit le roy de Rains et vint à Soissons
et de là à Chasteau-Tierry, et à Provins, lesquelz il
mist en son obéissance. Et de là vint à Crespy en
Valloys. Et le duc de Bethefort fist savoir au roy que
s'il voulloit bataille, que il le recevroit. Et lors, incontinant
les lettres receues des héraulx, le roy se parti
et vint à Laigny-le-Sec, et laissa son avant-garde à
Dampmartin. Et le duc de Bethefort estoit à tout son
ost à Mitry en France. Et escarmouschèrent les coureurs
françois et anglois tout le jour sur une petite
eaue à ung villaige que on appelle Thieux (1). Et sur le vespre de ce jour se partit le duc de Bethefort à tout
son ost et s'en alla à Louvres. Et le roy de France et
son ost estoit à Crespy et l'avant-garde à Barron.
Et l'endemain au point du jour, l'ost du dit Bethefort
vint emprès Senlis en ung lieu nommé la Victoire.
Et par les villages près de là estoient logiés
lesdis François. Et quant ilz sceurent la venue des
Anglois, ilz se mirent ensemble et en bataille. Et le
roy de France vint de Crespy à Montespillouer, et là
couscha celle nuyt. Et l'endemain tout le jour furent
l'un devant l'autre sans hayes et sans buisson, près
l'un de l'autre le traict d'une coullevrine, et ne combatirent
point. Et le soir le roy se partist et s'en alla
avec son ost audit Crespy, et le duc de Bethefort alla
audit Senliz.
Et l'endemain le roy ala à Compiengne qui lui fist
obéissance et y fut huit jours ; et là vint messire Jehan
de Luxembourg qui là fist moult de promesses de
faire la paix entre le roy et le duc de Bourgongne :
dont il ne fist riens, si non le decevoir. Et se parti
le roy de là et s'en vint à Senlis ; lequel la ville
avoit envoyé querir. Et son avant-garde passa oultre
et vint à Saint Denis. Et là conduisoient l'armée du
roy monseigneur d'Alençon et la Pucelle et les mareschaulx.
Et vint le duc de Bar nommé René à l'aide
du roy et le damoiseau de La Marche (2) et celluy de
Roudemac. Et delà vint le roy à Saint Denis et fut l'ost du
roy devant Paris pour le assaillir ; mais le sire de La Trimoille fist retourner les gens d'armes à Saint
Denis.
Et furent pour ceste cause à la Chappelle Saint
Denis devant Paris le duc de Bethefort et son ost, et
delà s'en alla à Rouen de paour que le pays de Normandie
ne se rebellast pour cause de Beauvais et
d'Aumalle qui s'estoient reduictz au roy.
Et après le roy se partist de Saint Denis pour venir
en Berry. Et vint à Laigny qui estoit à lui reduict ;
et de là s'en ala à Provins et à Bray qui se reduisist à
lui. Et passa la rivière d'Yonne à gué luy et son ost
près de Sens, et vint à Courtenay et à Chasteau-Regnart,
et de là à Gien, cuidant avoir accord avec le duc
de Bourgongne ; lequel duc luy avoit mandé qu'il luy
feroit avoir Paris, par le sire de Charny qui en avoit
apporté les nouvelles, et qu'il viendroit à Paris pour
parler à ceulx qui tenoient son party. Et pour ceste
cause le roy luy envoya son sauf conduit pour venir à
Paris ; mais quant il fut à Paris, le duc de Bethefort
et luy firent leurs alliances plus fort que devant n'avoient
fait à l'encontre du roy. Et s'en retourna ledit duc à
tout son sauf conduit par les pays de l'obéissance du roy
en ses pays de Picardie et de Flandres (3).
Le roi partit ensuite de Reims et vint à Soissons, de là à Château-Thierry et à Provins qu'il mit en son obéissance ; et de là il vint à Crépy en
Valois. Le duc de Bedford fit savoir au roi que s'il voulait la bataille,
il le recevrait. Et aussitôt les lettres reçues des mains des hérauts, le roi partit et vint à Lagny-le-Sec, et il laissa son avant-garde à Dammartin.
Les coureurs français et anglais escarmouchèrent tout le jour sur une
petite rivière à un village que l'on appelle Thieux. Sur le soir de ce jour,
le duc de Bedford partit avec toute son armée, et s'en alla à Louvres. Le
roi de France et son armée étaient à Crépy et l'avant-garde à Baron.
Le lendemain, au point du jour, l'armée de Bedford vint près de Senlis
en un lieu nommé La Victoire. Les Français étaient logés dans les villages
d'alentour. Quand ils surent la venue des Anglais, ils se réunirent et se
disposèrent en ordre de bataille. Le roi de France vint de Crépy à
Montépilloy, où il coucha cette nuit. Le lendemain les deux armées
furent durant tout le jour l'une près de l'autre, sans haie et sans buisson, à
la portée d'un trait de coulevrine, et ne se combattirent pas. Le soir le roi
se retira et s'en alla avec son armée à Crépy, et le duc de Bedford à Senlis.
Le lendemain le roi s'en alla à Compiègne qui lui fit obéissance ; il
y resta huit jours. Là vint messire Jean de Luxembourg, qui lui fit de
grandes promesses de faire la paix entre le roi et le duc de Bourgogne ;
ce dont il ne fit rien, sinon le décevoir. Le roi partit de là et s'en vint à
Senlis ; la ville l'avait mandé quérir. Son avant-garde passa outre et vint à Saint-Denis. L'armée était sous la conduite de Mgr d'Alençon, de la
Pucelle et des maréchaux. Vinrent à l'aide du roi le duc de Bar nommé
René, le damoiseau de la Marche et celui de Roudemac. De là le roi vint à Saint-Denis, et son armée vint devant Paris pour
l'assaillir; mais le Sire de La Trémoille fit retourner les gens d'armes à Saint Denis.
Le duc de Bedford vint pour cette cause à La Chapelle-Saint-Denis
avec son armée (4), et de là il s'en alla à Rouen, de peur que la Normandie ne
se révoltât, à la suite de Beauvais et d'Aumale qui s'étaient donnés au roi.
Le roi partit ensuite de Saint-Denis pour venir en Berry. Il vint à
Lagny, qui s'était mis sous son obéissance, d'où il s'en alla à Provins et à Bray, qui se réduisit à lui. Il passa la rivière d'Yonne à gué lui et son
armée, près de Sens, d'où il vint à Courtenay et à Château-Renard, et
de là à Gien. Il pensait avoir accord avec le duc de Bourgogne. Le duc lui avait
mandé par le sire de Charny, qui lui en avait apporté les nouvelles, qu'il
lui ferait avoir Paris, et qu'il viendrait à Paris pour parier à ceux qui
tenaient son parti. Pour cette cause le roi lui envoya son sauf-conduit
pour venir à Paris; mais quand il fut à Paris, le duc de Bedford et lui
resserrèrent leurs alliances à l'encontre du roi, plus fort qu'ils ne
l'avaient fait jusque-là (5). Ce même duc s'en retourna avec son sauf-conduit par les pays de l'obéissance du roi en ses pays de Picardie et de Flandres.
Source
: "Chronique de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Notes (Quicherat & Ayroles) :
1 La petite rivière sur laquelle Thieux est situé, s'appelle la Biberonne.
2 Lisez Comarchis ou Commercy au lieu de La Marche. Ce seigneur s'appelait
de son nom Robert de Sarrebrück.
3 Suit le récit de la bataille d'Anthon, de la soumission de Sens et de celle
de Melun.
4 Bedford avait pris le chemin de la Normandie avant la tentative contre Paris.
5 Le duc de Bourgogne fut nommé gouverneur de Paris, et reçut du roi d'Angleterre la Champagne, joignant ainsi ses États de Bourgogne à ses États de Flandres et du Nord. C'était une formidable puissance. Heureusement la Champagne était à conquérir. La Pucelle l'avait donnée au roi.
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