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La
chronique du héraut d'armes Berri - index
VII
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'an mil IIIIc et XXX, fut mis le siege à Soisi (1) près Compiengne par le duc de Bourgongne, les
contes de Suffort et d'Arondel et messire Jehan de
Luxembourg ; et en la fin la prindrent par composicion. Et eulx estans audit siége, ung escuier gascon,
nommé Poton de Xaintrailles, et les gens d'armes de
sa compaignie passèrent la rivière d'Esne entre Soissons
et le pont (2), et frappèrent sur ledit siege, et
prindrent et tuèrent plusieurs gens; et entre les autres
fut prins ung nommé Jehan de Brimeu, du païs de
Picardie...
...En ce temps s'en partit de Compiengne la Pucelle,
acompaigniée de l'arcevesque de Reims, du conte de
Vendosme et plusieurs autres cappitaines et gens de
guerre. Et chevauchèrent tant qu'ilz vindrent devant
la ville de Soissons, cuidans passer par laditte ville
pour aller combatre le duc de Bourgongne, lequel
estoit devant ledit Pont-a-Soissy entre les deux rivières
d'Oise et d'Esne.
Et quant les dessusditz furent arivés devant la ville de Soissons, ung escuier de Picardie
nommé Guischard Bournel, que le conte de Clermont, filz du duc de Bourbon, avoit fait capitaine
de laditte place, refusa l'entrée de ladite ville
ausditz seigneurs et gens d'armes, et suborna les gens
de laditte ville en leur faisant entendre que iceulx
seigneurs et gens d'armes venoient pour y estre en
garnison, affin que le peuple de laditte ville fust d'oppinion
de ne les bouter point dedens icelle ville. Les
gens d'armes couschèrent celle nuyt aux champs, et à la fin ledit capitaine bouta lesditz arcevesque, Pucelle
et conte de Vendosme à petite compaignie. Et
l'endemain s'en allèrent lesditz gens d'armes oultre la
rivière de Marne et de Seine, pour ce qu'ilz ne trouvoient
de quoy vivre sur le pays, et aussi qu'ilz
estoient grans seigneurs en grant nombre de pluseurs
gens de guerre acompaigniés avec eulx; et ne
pooient vivre dedens laditte ville de Compiengne, car
ceulx dudit lieu actendoient de jour en jour le siege
sur eulx. Et lesdis seigneurs s'en allèrent à Senlis, et
laditte Pucelle à Compiengne ; et incontinent qu'ilz
furent partis de Soissons, ledit Guischard vendit laditte
cité au duc de Bourgongne et la mist en la
main de messire Jehan de Luxembourg : dont il fist
laidement, contre son honneur ; et ce fait s'en alla avec
ledit duc, lequel par ce moyen eust obéissance dudit
Pont-à-Soisi, et vint mettre le siege devant Compiengne.
Et vindrent à son aide les contes de Staffort
et d'Arondel, Anglois, à tout mil et Vc combatans au
siege devant laditte ville de Compiengne ; et y fut
prinse laditte Pucelle d'ung Picart; et depuis la vendit
messire Jehan de Luxembourg aux Anglois.
L'an mil IIIIe et XXX, le siège fut mis à Choisy, près de Compiègne, par le duc de Bourgogne, les comtes de Stafford et d'Arondel et messire Jean de Luxembourg, et à la fin, ils prirent la place par composition. Pendant le siège un écuyer gascon, nommé Poton de Xaintrailles, et les gens d'armes de sa compagnie passèrent la rivière d'Aisne entre Soissons et le Pont, et frappèrent sur ledit siège, ils en tuèrent et prirent plusieurs. Entre les autres fut pris un nommé Jean de Brimeu, du pays de Picardie (alias, moult riche écuyer.)
En cette saison Étienne de Vignoles, dit La Hire, partit de Louviers avec une grande compagnie de gens d'armes. Ils passèrent la rivière de la Seine en bateaux, et ils vinrent prendre par échelles Château-Gaillard, qui est à sept lieues de Rouen, assis sur un roc, près de ladite rivière de la Seine. Là ils trouvèrent le sire de Barbazan, prisonnier du roi d'Angleterre, qui avait été pris (2) dans la ville de Melun, dont il était capitaine. Barbazan fut amené vers le roi notre sire, qui fut moult joyeux de sa délivrance.
En ce temps (3) la Pucelle partit de Compiègne accompagnée de l'Archevêque de Reims, du comte de Vendôme et de plusieurs autres capitaines et gens de guerre. Ils chevauchèrent tant qu'ils vinrent devant la ville de Soissons, pensant passer par ladite ville pour aller combattre le duc de Bourgogne qui était devant ledit Pont-à-Choisy, entre les deux rivières d'Oise et d'Aisne.
Quand ils furent arrivés devant la ville de Soissons, un écuyer de Picardie nommé Guichard Bournel, que le comte de Clermont, fils du duc de Bourbon, avait fait capitaine de la place, refusa l'entrée de la ville aux seigneurs et gens d'armes ; il suborna les gens de la ville en leur faisant entendre que ces seigneurs et gens d'armes venaient pour s'y mettre en garnison, afin d'amener le peuple à la résolution de ne pas les admettre dans l'intérieur de la ville. Les gens d'armes couchèrent cette nuit aux champs ; et, sur la fin, quand on approcha de la nuit, le capitaine bouta dans la ville la Pucelle, l'archevêque de Reims, et le comte de Vendôme avec une petite compagnie de leurs gens (4). Le lendemain les gens d'armes s'en allèrent au delà de la rivière de la Marne et de la Seine, parce qu'ils ne trouvaient pas de quoi vivre sur le pays, et aussi qu'ils étaient grands seigneurs, en grand nombre, et accompagnés de plusieurs gens de guerre. Ils ne pouvaient pas vivre dans la ville de Compiègne, car les habitants s'attendaient à ce que, de jour en jour, le siège fût mis devant leurs murailles. Les seigneurs s'en allèrent à Senlis, et la Pucelle à Compiègne. Incontinent qu'ils furent partis de Soissons, ledit Guichard vendit la cité au duc de Bourgogne et la mit en la main de messire Jean de Luxembourg ; ce qu'il fit laidement et contre son honneur. Cela fait il s'en alla avec ledit duc, qui par ce moyen eut obéissance du Pont-à-Choisy, et vint mettre le siège devant Compiègne. Vinrent à son aide les comtes de Stafford et d'Arondel, Anglais, avec mille et cinq cents combattants qui furent au siège devant Compiègne.
La Pucelle y fut prise par un Picard, et depuis messire Jean de Luxembourg la vendit aux Anglais.
Source
: "Chronique de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Notes (Quicherat & Ayroles) :
1 Il faut lire au Pont-à-Soissy ainsi que cela est écrit plus loin ; il s'agit de
Choisy-au-Bac, situé presque au confluent de l'Aisne et de l'Oise.
2 En 1420.
3 Pendant le siège de Choisy. Pour délivrer cet avant-poste de Compiègne, la Pucelle, empêchée de passer la rivière de l'Aisne, fît par Soissons le détour dont il va être parlé.
4 Quicherat a suivi le manuscrit 28283, qui n'est guère intelligible ; les manuscrits 2860 et 2861 expriment bien clairement le sens ici relaté.
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