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Journal d'un Bourgeois de Paris
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chap.503 |
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tem, en celui temps avoit une Pucelle, comme on disoit, sur la rivière de Loire, qui se disoit prophete, et disoit : « Telle chose advendra pour vray ». Et estoit du tout contraire au regent de France et à ses aidans (1). Et disoit on que maugré tous ceulx qui tenoient le siege devant Orleans, elle entra en la cité à tout grant foison d'Arminalx et grant quantité de vivres, que oncques ceulx de l'ost ne s'en meurent ; et si les veoient passer à ung traict ou deux d'arc pres de eulx, et si avoient si grant neccessité de vivres que ung homme eust bien mengé pour III blans de pain à son disner. Et plusieurs autres choses de elle racontoient ceulx qui mieulx amoient les Arminalx que les Bourguignons ne que le regent de France ; ilz affermoient, que quant elle estoit bien petite, qu'elle gardoit les brebis, que les oiseaulx des bois et des champs, quant elle les appelloit, ilz venoient menger son pain en son giron comme privez. In veritate appocrisium est.
Item (avril 1429). — Il y avait en ce temps une Pucelle, ainsi qu'on parlait sur les bords de la Loire, qui se disait prophète ; elle disait : « Telle chose adviendra pour vrai ». Elle était entièrement opposée au régent de France et à ses adhérents. L'on disait que malgré tous ceux qui tenaient le siège d'Orléans, elle était entrée dans la cité avec grand nombre d'Armagnacs, et grande quantité de vivres, sans que ceux de l'armée s'en fussent émus, quoiqu'ils les vissent passer près d'eux à la distance d'un ou deux traits d'arc. Il y avait si grande nécessité de vivres dans Orléans qu'un homme eût bien mangé pour trois blancs de pain à son dîner. Plusieurs autres choses racontaient de la Pucelle ceux qui aimaient les Armagnacs plus que les Bourguignons et que le régent de France. Ils affirmaient que, lorsqu'elle était bien petite et qu'elle gardait les brebis, les oiseaux des bois et des champs à son appel venaient manger son pain dans son giron, comme s'ils avaient été apprivoisés. En vérité, c'est controuvé.
Source : Texte original et notes d'érudition : "Journal d'un bourgeois de Paris" - Alexandre Tuetey - 1881.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.513 à 530.
Notes (A. Tuetey) :
1 Ms. de Paris : gens.
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