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Journal d'un Bourgeois de Paris
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chap.504 |
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tem, en celui temps leverent le siege les Arminalx et firent partir les Angloys par force de devant Orleans, mais ilz allerent devant Vendosme et la prindrent, comme on disoit. Et partout alloit celle Pucelle armée avec les Arminalx et portoit son estandart, où estoit [tant] seullement [en] escript Jhesus, et disoit on qu'elle avoit dit à ung cappitaine angloys (1) qu'il se departist du siege avec sa compaignie, ou mal leur vendroit et honte à tretous, lequel la diffama moult de langaige, comme clamer ribaulde et putain ; et elle lui dist que maugré eulx tous ilz partiroient bien bref, mais il ne le verroit jà, et si seroient grant partie de sa gent tuez. Et ainsi en advint il, car il se noia le jour devant que l'occision fut faicte, et depuis fut pesché et [fut] despecé [par quartiers, et boullu et enbosmé, et apporté] à Sainct-Merry, et fut VIII ou X jours en la chapelle devant le cellier, et nuyt et jour ardoient devant son corps un sierges ou torches, et après fut emporté en son païs pour enterrer.
Item. — En ce temps, les Armagnacs firent lever le siège d'Orléans, et en firent de force partir les Anglais. Cette Pucelle allait partout avec
eux, armée, portant son étendard, où il n'y a d'écrit que le mot : Jhesus.
On rapportait qu'elle avait dit à un capitaine anglais de partir du siège
avec ses gens, ou que mal leur en prendrait et honte à tous. Celui-ci
l'injuria beaucoup de paroles, clamant qu'elle était une ribaude et une
putain. Elle lui répondit que bien malgré eux ils partiraient tous dans bien
peu, mais qu'il ne le verrait pas, et que là serait tuée une grande partie
de sa gent. Ainsi il en advint, car il se noya avant que le massacre eût lieu.
Depuis, ce capitaine fut pêché et dépecé par quartiers, bouilli, embaumé
et porté à Saint-Merry, déposé durant huit ou dix jours en la chapelle de
devant le cellier, et nuit et jour quatre cierges ou torches brûlaient devant
son corps, et après il fut emporté dans son pays pour y être enterré.
Source : Texte original et notes d'érudition : "Journal d'un bourgeois de Paris" - Alexandre Tuetey - 1881.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.513 à 530.
Notes (A. Tuetey) :
1 William Glasdale, lieutenant du comte de Salisbury au pays de Mâconnais en 1424, «moult renommé en fait d'armes», qui fut chargé de la conduite du siège d'Orléans après la mort de Salisbury, se noya avec plusieurs centaines d'Anglais le jour de l'assaut donné à la bastille des Tourelles, au moment de la chute du pont de bois qui réunissait cette bastille au boulevard des Tourelles; pont incendié par les Orléanais (Voy. le Journal du siège, apud Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. IV, p. 150).
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