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Journal d'un Bourgeois de Paris
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chap.522 |
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nviron huit jours [après], vint le cardinal de Vincestre à belle compaignie (1) et puis firent plusieurs conseilz, tant que enfin, à la requeste de l'Université, de Parlement et de la bourgoisie de Paris, fut ordonné que le duc anglois de Bedfort serait gouverneur de Normendie, et que le duc de Bourgongne serait regent de France (2). Ainsi fut fait, mais, moult laissoit envis le duc de Bedfort ledit gouvernement, si faisoit sa femme, mais à faire leur convint (3). Et quant les Anglois furent partiz, qui partirent à ung sabmedi au soir, et allerent à Sainct-Denis, faisant du mal assez, le duc de Bourgongne se parti après, et print trefves aux Arminalx jusques à Nouel ensuivant, c'est assavoir, pour la ville de Paris et pour les faulxbourgs d'autour tant seullement ; et tous les villaiges d'entour Paris estoient apatiz aux Arminalx, ne homme de Paris n'osoit mettre le pié hors des faulxbourgs qui ne fust mort, ou perdu, ou rançonné de plus qu'il n'avoit vaillant, ne si osoit revancher ; et si ne venoit rien à Paris pour vie de corps d'homme, qui ne fust rançonné II ou III foys plus qu'elle ne valloit. Le cent de petis costeretz valloit XXIIII solz parisis; le molle, VII solz ou VIII solz; II œufs, IIII deniers parisis; ung petit fromaige tout nouvel fait, IIII blans; le boessel de poys, XIIII ou XV blans ; et si couroit tres forte monnoye, ne il n'estoit nouvelle, ne pour Toussains ne pour autre feste en cellui temps, de haren froys, ne de quelque marée à Paris.
Environ huit jours après, vint le cardinal de Winchester avec belle compagnie ; ils tinrent plusieurs conseils, si bien qu'à la fin, à la requête de l'Université, du parlement et de la bourgeoisie de Paris, il fut ordonné
que le duc de Bedford serait gouverneur de Normandie, et que le duc
de Bourgogne serait régent de France. Ainsi il fut fait. C'est avec très
grand regret que le duc de Bedford laissait son gouvernement, regret
ressenti par sa femme ; mais il fallut ainsi faire.
Les Anglais partirent un samedi soir et allèrent à Saint-Denis, non
sans faire passablement de mal. Le duc de Bourgogne ne partit pas avec
eux ; il conclut des trêves avec les Armagnacs pour la ville de Paris et
les faubourgs seulement. Les villages d'alentour payaient contribution
aux Armagnacs ; pas homme de Paris n'osait mettre le pied hors des
faubourgs sans encourir la mort, la captivité, ou être rançonné plus qu'il
n'avait vaillant ; et il n'osait rendre la pareille. Il ne venait rien à Paris,
propre à nourrir vie d'homme, qui n'eût été rançonné deux ou trois fois
au-delà de sa valeur...etc...
Source : Texte original et notes d'érudition : "Journal d'un bourgeois de Paris" - Alexandre Tuetey - 1881.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.513 à 530.
Notes (A. Tuetey) :
1 C'est le jeudi six octobre que « vint et entra à Paris le cardinal d'Excestre, auquel fu au devant le duc de Bourgongne à grant compaignie » (Arch. nat.).
2 Des lettres données le 13 octobre 1429 a la relation du grand conseil tenu par le régent, assisté du cardinal d'Angleterre, du duc de Bourgogne, du sire de Scales, de Jean Falstaff, confièrent le gouvernement de Paris et des bailliages limitrophes ainsi que la lieutenance à Philippe le Bon qui s'était assuré l'adhésion du duc de Bedford, « occupé, disait-on, au gouvernement du royaume, mesmement du duchié de Normandie ». Les lettres du 13 octobre furent publiées le même jour au Palais, dans la grande salle sur la Seine, au milieu d'un concours empressé de population, en présence du duc de Bourgogne qui fit également promulguer la trêve conclue avec Charles VII (Arch. nat.).
3 Le duc de Bedford et sa femme quittèrent Paris le lundi 17 octobre, en compagnie du duc de Bourgogne qui « les convoya jusques à Saint-Denis où ilz demourerent tous au giste, et le mardi ensuivant parti le duc de Bourgongne pour aler en son païs de Flandres pour attendre et recevoir sa fiancée fille du roy de Portugal (Arch. nat.).
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