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Journal d'un Bourgeois de Paris-
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chap.789-90 |
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tem, en ce temps estoit tres grant nouvelle de la Pucelle, dont devant a esté faicte mencion, laquelle fut arce à Rouen par ses demerites; et y avoit adong maintes personnes qui estoient moult abusez d'elle, qui creoient fermement que par sa saincteté elle se fust eschapée du feu et que on eust arce une autre, cuidant que ce fust elle; mais elle fut bien veritablement arce et toute la cendre de son corps fut pour vray gectée en la riviere pour les sorceries qui s'en fussent peu ensuivre.
790 - Item, en cellui temps, en admenerent les gens d'armes une', laquelle fut à Orleans tres honnorablement receue, et quant elle fut pres de Paris, la grant erreur recommença de croire fermement que c'estoit la Pucelle; et pour celle cause l'Université et le Parlement la firent venir à Paris bon gré mal gré, et fut monstrée au peuple au Pallays sur la pierre de marbre en la grant court, et là fut preschée et traictée sa vie et tout son estat, et dit qu'elle n'estoit pas pucelle, et qu'elle avoit esté mariée à ung chevalier dont elle avoit eu deux filx. Et avecque ce disoit qu'elle avoit fait aucune chose, dont il convint qu'elle allast au Sainct Pere, comme de main mise sur pere [ou] mere, prebstre ou clerc, violentement, et que pour garder son honneur; car, comme elle disoit, elle avoit frappée sa mere par mesaventure, comme elle cuidoit ferir une autre, et pour ce qu'elle eust bien eschevée sa mere, se n'eust esté la grant ire où elle estoit, car sa mère la tenoit pour ce qu'elle voulloit batre une sienne commere. Et pour celle cause lui convenoit aller à Romme; et pour ce elle y alla vestue comme ung homme, et fu comme souldoier en la guerre du Sainct-Pere Eugene, et [fist] homicide en ladicte guerre par deux foys, et quant elle fut à Paris, encore retourna en la guerre, et fut en garnison et puis s'en alla.
Source : Texte original et notes d'érudition : "Journal d'un bourgeois de Paris" - Alexandre Tuetey - 1881.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.513 à 530.
Notes (A. Tuetey) :
1 Il s'agit de la fausse pucelle Claude, qui se faisait appeler Jeanne du Lys ; cette aventurière, mariée en novembre 1436 à un chevalier lorrain du nom de Robert des Armoises, dont elle eut deux fils, mena une existence pleine de péripéties de tout genre. Au début de sa carrière, Claude des Armoises eut, comme l'on sait, maille à partir avec l'Inquisition de Cologne, et ne parvint à s'échapper que grâce à la protection du comte Ulrich de Wurtemberg. Rentrée en France, la fausse pucelle fut mêlée aux événements militaires dont le Poitou était le théâtre en 1439, et vint à Orléans vers les mois de juillet et septembre de la même année. Après l'examen judiciaire dont cette intrigante fut l'objet à Paris au mois d'août 1440, elle disparaît complètement de la scène historique.
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