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Chronique
de Jean Chartier
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Comment les Angloiz de Baugency se rendirent aux François |
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e landemain au matin se desloga icellui ost et s'en alla logier devant la ville de Baugency sur Loire, en laquelle estoient les Angloiz. Et tantost se retirèrent iceulx Angloiz au chastel et sur le pont d'icellui Baugency, et ha-bandonnèrent la ville. Et cecy fait, le duc d'Alençon, Jehanne la Pucelle, le bastard d'Orléans et autres, entrèrent dedans icelle ville et y logèrent, et firent promptement assortir leurs bombardes devant ledit chastel, ouquel avoit bien de sept à huit cens Angloiz. Et durant le temps que on assortissoit lesdites bombardes et canons, les Lombars estans en la compaignie faisoient grant devoir de tirer. Pendant ce aussy que on approuchoit de toutes pars, lesditz Angloiz ne faisoient que bien pou de résistence, eulx voyans aller la besongne à déclin et à mal pour eulx. Et tantost après requirent à avoir composicion et eulx rendre.
Auquel siège ariva Artus, conte de Richemont, connestable de France, et le sire de Beaumanoir en sa compaignie. Et disoit on que ilz estaient bien de dix à douze cens combatans, qui estoit grant secours et aide, et en est ledit connestable bien à reconmander, car icy et en plussieurs autres lieux a fait de grans services au roy. Outre plus, venoient chacun jour en l'ost gens de toutes pars, et avoient prins les François en eulx moult grant couraige et har-dement pour la venue de ladite Jehanne la Pucelle, laquelle tenoient plussieurs estre venue de par Dieu, car ses œuvres et gouvernement le démonstroient assez. Et les Angloiz, qui de ce oyoient parler chacun jour, estoient moult espovantez et apovriz. Et requisdrent iceulx Angloiz de parlementer pour rendre iceulx chasteau et pont. Et finablement leur fut donnée composicion, et saufconduit de eulx aller et de emporter tous leurs biens. Et le landemain au matin s'en partirent et rendirent lesditz chasteau et pont de Baugency, et les convoya et mist hors de l'ost Messire Ambrois, sire de Loré, par l'ordonnance des seigneurs dessusditz.
Le lendemain matin, l'armée se remit en marche, et vint camper
devant Baugency-sur-Loire occupé par les Anglais. Les Anglais se
retirèrent aussitôt au château qui est à l'entrée du pont, et abandonnèrent
la ville dont s'emparèrent le duc d'Alençon, Jeanne la Pucelle, le bâtard
d'Orléans et les autres ci-dessus nommés. Ils s'y logèrent, et incontinent
ils firent dresser leurs bombardes contre ledit château, où étaient
renfermés de sept à huit cents Anglais.
Pendant qu'on assortissait les bombardes et les canons, les Lombards
qui étaient dans l'armée se faisaient un grand devoir de tirer contre le
château; les Anglais, à mesure qu'on les entourait de toutes parts, ne
faisaient que peu de résistance, voyant bien que leurs affaires allaient en
déclin. Presque aussitôt après ils demandèrent à entrer en composition
et à se rendre.
A ce siège arriva Arthur, connétable de France et comte de Richemont:
le seigneur de Beaumanoir était en sa compagnie ; on disait qu'ils amenaient de mille à douze cents combattants, ce qui était un grand secours.
En outre, chaque jour l'armée grossissait de gens accourus de tous côtés,
pleins de courage et de hardiesse, à cause de la présence de Jeanne la
Pucelle que plusieurs tenaient être venue du ciel, comme ses œuvres et
son gouvernement le montraient assez. Les Anglais, au contraire, étaient fort épouvantés d'en entendre parler;
ils demandaient à parlementer pour la reddition du pont et du château.
Finalement on leur accorda permission de se retirer et d'emporter leurs
biens; ils partirent le lendemain au matin en rendant le pont et le château
de Baugency; par ordonnance des seigneurs, messire Ambroise de Loré
présida à leur départ et à leur sortie.
Source
: "Chronique
de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc - t.III.
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