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Chronique
de Jean Chartier
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Une entreprinse de François sur la ville de Rouen |
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n icelle saison, le duc de Bourbon, lequel estoit demouré lieutenant du roy de France ès pays qui de nouvel estoient redduitz en son obéissance, donc dessus est faicte mencion, se tenoit à Senliz, Laon, Beauvaiz et autres villes, pour tousjours les garder et y mettre ordre et gouvernement. Maiz il ne trouvoit pas partout hommes obéissans, combien qu'il mettoit grant paine de bien conduire le fait du roy et d'exécuter quelque chose sur les Angloiz. Et advint que Messire Ambrois sire de Loré et Messire Jehan Foucault, estans à Laigny, avoient certaine entreprinse sur la ville de Rouen, par le moyen d'un homme d'icelle ville, nommé le Grant Pierre.
Et pource que, en temps que l'exécucion se devoit faire, n'estoit point de lune pour chevaucher par nuyt, prolonguèrent et misdrent ung autre jour audit Grand Pierre. Car bien leur sembloit qu'il n'estoit pas possible de mener si grosse compaignie par le pays où il falloit passer sans s'entreperdre ou adirer. Et s'en ala ledit Grant Pierre par Senliz, où il trouva ledit duc de Bourbon, le conte de Vendosme, l'archevesque de Rains, chancellier de France, par lesquelz il fut contraint de dire dont il venoit et de desclairer toute icelle entreprinse. Lesquelz ne firent point de difficulté en ce que lesdits Messire Ambrois sire de Loré et Messire Jehan Foucault avoient dessein de faire, et mandèrent gens de toutes pars pour exécuter icelle entreprinse. Et en allant de nuyt, perdirent et adirèrent l'un l'autre, desquelz les ungtz furent devant les portes de Rouen.
Et en retournant, ainssy c'om disoit, trouvèrent de soixante à quatrevingtz Angloiz, lesquelz dessendirent à pié et se deffendirent et résistèrent contre la compaignie d'iceulx François, et après plussieurs escarmouches se demourèrent les Angloiz en leur place et les François s'en retournèrent. Touteffoiz ce n'estoit pas l'intencion des chevalliers dessus dits d'exécuter icelle entreprinse sans aller devers ledit duc de Bourbon et de lui desclairer. Laquelle entreprinse fut ainssy perdue et faillie. Et ainssi c'om disoit, ce fut parce que ladite compaignie fut ainssi perdue et adirée l'un l'autre comme dit est, par le temps qui estoit aussi noir, obscur et trouble. Dont ledit duc de Bourbon et autres n'avoient fait aucune difficulté, ainssi que avoient fait lesdits Messire Ambrois sire de Loré et Jehan Foucault.
Source
: "Chronique
de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
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