|
Chronique
de Jean Chartier
-
index
Une grande pillerie en France |
|
n ce mesme temps cy commencèrent de toutes parts très grandes pilleries et ravages ès pays de France que le roy avoit nouvellement conquis dessus les Angloiz, dont dessus est faicte mencion, sans ce que guaires lui eust cousté. Car, sans coup férir, on venoit de toutes pars lui faire obéissance, et estoient iceulx pays riches et bien peuplés et bien labourés. Néantmoins que tantost furent destruis les laboureurs et plussieurs villes bien apressées, apovries, tellement que plussieurs contrées demourèrent toutes inhabitées et sans labourer. Et voulloit chacun faire ce qu'il faisoit plus de voulenté indeue que de raison. Et quant ledit duc de Bourbon congnult la désolation et pillerye dessusdites, s'en ala en son pays. Esquelz pays demoura le conte de Vendosme, lequel avoit principalement la charge de la cité de Senliz, et si eult de par le roy de France le gouvernement de tout icelluy pays. Et fut envoyé de par ledit roy le sire de Boussac, mareschal de France, avec huit cens ou mille combatans, pour ayder à secourir et garder icellui pays, et de ce estoit grande neccessité. Car les Angloiz, qui tenoient Normendie et plussieurs autres pays en France, guerroyoint d'un costé, et le duc de Bourgongne, qui tenoit la Picardie, de l'autre.
En ce même temps, commencèrent de toutes parts les pillages et les
rapines dans les pays que le roi de France, ainsi que cela vient d'être
dit, avait conquis sur les Anglais, sans que cela lui eût guère coûté ; car
sans coup férir on venait de toutes parts lui faire obéissance. Ces paysétaient riches, bien peuplés, bien cultivés. Bientôt après les laboureurs
disparurent des champs, plusieurs villes furent oppressées et appauvries,
plusieurs contrées restèrent inhabitables et sans culture; chacun voulait
faire le maître et obéir au caprice plus qu'à la raison. Le duc de Bourbon,
témoin de cette manière de faire, de cette désobéissance et de ce brigandage,
s'en retourna à son pays.
Le comte de Vendôme resta, veillant principalement sur la cité de
Senlis. Dans la suite le roi lui donna le gouvernement total de la contrée,
et envoya à son aide et secours le sire de Boussac, maréchal de France,
avec huit cents ou mille combattants. C'était de grande nécessité, car d'un côté les Anglais venaient de Normandie, d'autres pays et des places de France, faire la guerre ; et de l'autre, c'était le duc de Bourgogne
qui tenait le pays de Picardie.
Source
: "Chronique
de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville -
1868.
Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc - t.III.
|