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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-14- [Comment la ville de Compiengne fut remise en la main des Anglois. Et comment la ville et le chastel furent rendus au duc de Bethfort.] |
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tem, en ce temps ala, le duc de Bethfort en la ville de Mondidier, où il fut cinq ou six jours, et là ordonna capitaines, tant bourguignons comme anglois, pour asségier la ville de Compiengne. Desquelz fut le chief, le seigneur de Saveuse, et si y furent commis le bailly de Rouen, anglois, le capitaine de Gisors, nommé Malbery, le seigneur de l'Isle-Adam, messire Lyonel de Bournonville, le bastard de Thian, le seigneur de Crevecuer, Robert de Saveuse et plusieurs autres. Lesquelz, après icelle ordonnance, mandèrent leurs gens en grand diligence, et se assamblèrent au Pont-Sainte-Maxence, et de là chevaulchèrent en ordonnance jusques à Compiengne. C'est assavoir, le seigneur de Saveuse et les Anglois, du costé vers Mondidier, et se logèrent tous ensamble au bout de la prée, en une ville nommée Vennette, et de l'autre costé de l'yeaue, à l'abbaye de Royal-Lieu, le seigneur de l'Isle-Adam, Lyonel de Bournonville et aucuns autres capitaines. Lesquelz, tant d'un costé que d'autre, continuèrent leur siège environ trois sepmaines. Lequel temps durant y eut de grandes escarmouches entre les parties. Mais nientmains, en conclusion, les François, non ayans espérance de souscours, firent traictié aux Anglois, par condicion qu'ilz s'en yroient sauf leurs corps et leurs biens, et auroient trois sepmaines de jour de eulx partir, en cas que audit jour le Roy ne leur livrast bataille ; et sur ce baillèrent leurs hostaiges. Et aussi rendirent le seigneur de Soral, qui avoit esté prins par iceulx asségiés devant ladicte ville. Après lesquelz traictez se départirent et retournèrent chascun en leurs propres lieux. Et le jour venu auquel ilz avoient promis de rendre la ville, se départirent tous ensemble, pour ce qu'ilz n'eurent point de souscours, et mirent icelle ville de Compiengne en la main des Anglois à ce commis par le duc de Bethfort, qui se disoit régent, c'estassavoir en la main du seigneur de Montferant, lequel y commist capitaine le seigneur de l'Isle-Adam.
Item, environ l'yssue du mois de février, ala le duc de Bethfort, à tout grand nombre de gens d'armes, en la ville d'Abbeville, en intencion de tenir la journée qui pieçà avoit été prinse pour la reddicion du Crotoy. Mais pour ce que ledit de Bethfort fut adverti seurement que les François ne se comparoient point en puissance, il envoia tenir ladicte journée à messire Raoul le Boutillier, et demoura à Abbeville. Lequel messire Raoul se tint entour le Crotoy, le premier, second et tiers jours de mars. Quand ce vint audit jour, à heure de midy ou environ, fut rendue ladicte ville et forteresce du Crotoy,par messire Cloquart de Cambronne, en la main dudit messire Raoul. Lequel lui rendit ses hostaiges et lui bailla saufconduict pour lui et pour ses gens aler devers le roy Charles et oultre l'yaue de Saine, par tout où bon lui sambleroit. Et après, icelui messire Raoul le Boutillier, quant il fut entré dedans le Crotoy, print le serment des bourgois et habitans qui estoient demeurez en ladicte ville et chastel, et avecques ce fut constitué ledit messire Raoul, de par le régent, capitaine général de ladicte ville. Pour la reddicion de laquelle, plusieurs seigneurs du pays d'environ et aussi le povre commun, furent petitement resjoys, doubtans qu'en temps advenir les aliances qui estoient entre les Anglois et le duc de Bourgongne se rompissent, et que par le moyen d'icelle forteresce fussent en voye de totalle destruction. Jà soit ce que, ceulx qui de présent se partirent, leur eussent fait de grans martires.
En cest an moru le pape Pierre de La Lune, qui se nommoit Bénédict, lequel, tout son temps, avoit désobéy à l'Eglise Rommaine depuis le concille tenu à Constance, et vouloit mourir pape (1). Et encores, en sa mort, aux cardinaulx qui estoient avecques lui, fist faire eslection entre eulx. Mais assez tost après sa mort se mirent à l'obéissance de notre saint père le pape Martin1. Et par ainsi fut l'Eglise en bonne union par toute chrestienté.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 On n'est pas d'accord sur l'époque de la mort de Benoît XIII. Les uns la mettent au 1er juin, les autres, au mois de septembre 1424. Pagi, comme Monstrelet, la met en 1423.
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