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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-2 - [Comment Charles, duc de Touraine, daulphin, fut couronné après la mort du roy Charles, son père.] |
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près la mort du roy Charles de France dessusdit, son seul filz Charles, duc de Touraine Daulphin, par le conseil de ses princes se fist couronner et eslever à roy de France, en la ville de Poictiers. Et de ce jour en avant, par tous ceulx tenans son parti fut nommé roy de France, comme estoit son père en son vivant. Et ung peu par avant avoit-il esté en grant péril de sa vie en la ville de La Rochelle. Car, en tenant son conseil avec ses barons, cheut une partie de la chambre où il estoit; et y fut mort Jehan de Bourbon, seigneur de Préaulx, et aucuns autres; et mesmement ledit Daulphin y fut ung pou blessé, mais ses gens le tirèrent hastivement hors du péril et le menèrent en autre lieu plus seur, où en brief temps il fut reparé et mis en bonne santé (1).
En cest an fut prins messire Mansart d'Esne dedans le chastel de Vitry, dont il fut cappitaine et gouverneur. Et fut prins par La Hire tenant le parti du Daulphain comme faisoit ledit Mansart, et non obstant que par long temps ils eussent esté bien amis ensemble par semblant, si fut ledit Mansart desseuré de tous ses biens de sa forteresse, et avec ce fut mis à raençon à très grant somme de deniers, et si fut par long temps détenu prisonnier bien destroictement. Et comme il fut commune renommée, Jehan Raoulet, avec La Hyre, fut consentant de luy bailler ceste gabe de paille.
Item, messire Jehan de Luxembourg et tous ses gens d'armes qu'il avoit assemblez autour de Péronne, comme dit est, ala en la conté de Guise et ès marches d'entour, où il conquist en assez brief temps les forteresses de Buissy-sur-Fontaines, Proisy et aucunes autres. Et après s'en retourna à tout ses capitaines, ausquelz il donna congé. Et s'en retournèrent chascun en leurs propres lieux (2).
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 « En celle saison arriva le Daulphin dessusdit en la ville de la Rocelle pour faire une assemblée de ses cappitaines et principault gouverneurs, affin de prendre conseil et conclusion de povoir parvenir à la couronne de France. Et eulx estans au conseil en une grande maison, partie d'icelle maison fondy en la propre place où ils étoient, et en y eubt pluiseurs occis et navrés, et meismement icelui Daulphin y fu bléchiés, Et se party bien hastivement de ladite ville, moult petitement accompaignié. Et fu depuis commune renommée que il moru dedens brief temps après ; et les aucuns maintenoient le contraire. Et fu très lonc temps que on ne savoit à Paris, en ès marces de Picardie, ne en pluiseurs autres pais, se il estoit vivant, ou non. Et dura celle esreur depuis ce tamps jusques au moix de march ensuivant. » (Bibl. imp., Ms. Cord. 16, fol. 431). Voici un passage de la même chronique qui s'applique au même fait et qui nous a paru trop curieux pour n'être pas reproduit ici tout au long. « En cet an, fist assés grand yver et beaucop de nesges. Dont ceulx de Tournay qui fleroient tous l'Armignac, firent pluiseurs marmousès et daulphins, en révérence dudit Daulphin. Dont le duc de Bourgogne et ceulx de Gand furent très mal contens. Et envoièrent, iceulx de Tournay, en ce temps, ès pais de Berry et d'Orléans, leurs députez pour savoir la vérité de l'estat dudit Daulphin. Et y furent longuement sans retourner audit lieu de Tournay; et retournèrent en quaresme, en rapportant que icelui estoit vivant. » (Ibid.)
2 « Au mois de novembre furent prins par messire Jehan de Luxembourg et autres cappitaines de Picardie, les fors de Brissy, Serffontaine, Perroy et autres, ès marces de Lennoix (Laonnois ) et de Terrasse (Thiérarche), et puis s'en retournèrent les cappitaines chascun en son lieu. Et fu leur départie le XXIe jour dudit mois, et ils s'estaient mis ensemble le IIIIe jour d'iceluy. » (Cord. 16, fol. 431.)
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