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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.I-235 - [Comment le roy Henry d'Angleterre s'en ala de Rouen à Calais et de la en Angleterre , et de la chère que on lui fist. ] |
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tem, après ce que le roy Henry eut ordonné ses besongnes à Rouen et commis en son lieu capitaine général de toute Normandie son frère le duc de Clarence, qui moult estoit prudent et renommé en armes, il se party de là et passa parmy le pays de Caulx, avecques lui la royne sa femme, son frère le duc de Bethfort, et bien six mille combatans, et vint par Poix à Amiens, la vigile Saint Vincent (1), et fut logié en l'ostel de maistre Robert le Jeune, qui naguères avoit esté constitué nouvel bailli d'Amiens ou lieu du seigneur de Humbercourt. Si fut moult honnorablement receu, et lui fist-on et à la royne sa femme, plusieurs présens. Et de là, par Dourlens, Saint-Pol et Thérouanne, ala à Calais, où il séjourna par aucuns jours, et après passa mer et ala en Angleterre, où il fut receu comme l'ange de Dieu. Et lui venu en sondit royaume s'emploia bastivement par toutes manières à couronner sadicte femme, la royne. Laquelle coronacion fut faicte en sa cité royale de Londres, chef et maistresse ville de toute Angleterre, et là furent faictes si grans pompes, bobans et jolivétez que depuis le temps du très noble combatant Artus, roy d'Angleterre, qui alors estoit appellée la Grant Bretaigne, ne fut veue en ladicte ville de Londres la pareille feste de nuls des roys anglois. Après laquelle feste ledit roy ala en propre personne par les citez et bonnes villes de son royaume et leur exposa et déclaira, comme homme discret et de bon parler, toutes les bonnes advenues qui par son grand labeur et peine, par long temps et en moult de places, lui estoient advenues en France, et les besongnes qui lui restoient et demouroient encores à faire oudit royaume, c'est assavoir de subjuguer son adversaire le Daulphin de Vienne, seul fils du roy Charles et frère de sa femme et royne d'Angleterre, qui, à lui contredisant, se disoit régent et héritier de France et tenoit et occupoit et possédoit au double la plus grant partie dudit royaume, disant que pour ce faire et par conquerre, deux choses lui estoient neccessaires, c'estassavoir finances et gens d'armes. Lesquelles demandes par lui faîctes lui furent accordées et octroiées libéralement de tout son povoir (2) et peuple des citez et bonnes villes de son royaume. Et pour vray il eut et assembla tantost si grant pécune en or, en argent et joyaulx, qu'à peine les povoit-on nombrer. Et ce fait, il eslut en sondit royaume une grant compaignie de toute la jeunesse du pays, les plus fors et plus habiles à traire et à combattre, et en brief on cueilla et fist ung ost, qu'il joingnit avecques ses princes et chevaliers et escuiers, tant qu'en tout il assembla bien trente mille combatans, pour de rechef les ramener en France à combatre et subjuguer ses adversaires les Daulphinois. Mais lui estant en sondit royaume d'Angleterre et pour icellui tenir seur, print et donna trêves à ses ennemis de Gales et d'Escoce, et avecques ce, consenti la délivrance du roy d'Escoce, qui par très long temps avoit esté prisonnier, comme dit est ailleurs, moiennant qu'il print à femme sa cousine germaine, seur du comte de Sombreset et niepce du cardinal de Vincestre. Lequel fut le principal envers le roy dessusdit de traicter icellui mariage et délivrance.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 Le 21 janvier 1422.
2 Il faut entendre de toute sa seigneurie, de tout son domaine.
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