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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.I-236 - [Comment grant dissencion se meut entre le duc de Brabant et la duchesse sa femme, laquelle se départit de lui et s'en ala par Calais en Angleterre pour avoir mary nouvel.] |
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n ce mesme temps se meut grant discencion entre le duc Jehan de Brabant d'une part, et la duchesse Jaqueline sa femme d'autre part, et tant que la dicte duchesse se parti de l'ostel de sondit mary, pour ce principalement, comme il fut commune renommée, qu'elle veoit le petit gouvernement de lui, et aussi qu'il se laissoit gouverner et conduire par gens de trop petit estat selon sa puissance et seigneurie. Pour lequel discord appaiser et les remectre ensemble se entremist et travailla par plusieurs fois le duc Phelippe de Bourgongne, auquel les deux dessusdiz croient germains, et pareillement y traveilla par moult de fois la confesse de Haynnau, mère de la dicte duchesse. Mais finablement oncques ne porent tant faire, ne travailler, qu'elle y voulsist retourner. Aincois se conclud et délibéra du tout en soy mesmes, que la départie seroit faicte de elle et de sondit mary, et qu'elle en peust avoir ung autre qui gouvernast sa personne et sa seigneurie ainsi qu'il appartenoit à elle. Et pour lors estoit en la fleur de son age, belle et bien fourmée, aournée de bon entendement autant que nulle dame povoit estre, et si veoit son temps et sa jeunesse passer en trop grant desplaisance sans recouvrer. Et sur ce propos retourna en l'ostel, et avecques ladicte contesse de Haynnau, sa mère, qui en partie l'avoit mariée audit duc de Brabant contre sa voulenté. Ouquel hostel elle fut certain espace de temps, et après vindrent ensemble en la ville de Valenciennes, auquel lieu icelle duchesse print congié à sadicte mère d'aler en la ville de Bouchain. Mais quant elle y fut, elle se parti lendemain assez matin, et trouva sur les champs le seigneur d'Escaillon, natif de Haynau, anglois en cuer de toute ancienneté, avec lequel elle avoit eu grant conseil paravant audit lieu de Valenciennes, et là, lui avoit promis d'aler avec elle en Angleterre devers le roy Henry de Lancastre, afin que de lui elle eust aide pour faire la départie dessusdicte, c'est assavoir de son mary et d'elle. Et pourtant après qu'elle eut trouvé ledit seigneur d'Escaillon, comme dit est, qui avoit environ soixante combatans avecques lui, se mist au chemin en sa compaignie pour tirer droit vers Calais. Et chevauchèrent ceste première journée jusques à Houdain assez près de Saint-Pol, et puis tira jusques à Calais, où elle fut par certain espace, et puis passa en Angleterre et ala devers le roy, lequel sans faille la receut et traicta honorablement, et avecques ce lui promist de lui aider et secourir à tous ses affaires généralement.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
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