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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-25- [Comment le duc de Glocestre envoia unes lettres au duc de Bourgongne,
et la copie d'ycelles.] |
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tem, après ce qu'il fu venu à la congnoissance du duc de Glocestre que le duc de Bourgongne par ses mandemens avoit fait assembler gens d'armes par ses pays pour aler contre luy en l'ayde du duc de Brabant, il fu de ce grandement mal content, et pour tant escripvi unes lettres, lesquelles il envoia en Bourgongne devers ledit duc. Et contenoient, mot après autre, ce qui s'ensuit.
« Hault et puissant prince, très chier et tres amé cousin. Nouvelles me sont venues que en voz terres et seignouries par deçà, on a publié et fait cry de par vous, que toutes gens disposés aux armes soient prestz pour aler en la compaignie de messire Jehan de Luxembourg et aultres, ou service de mon cousin le duc de Brabant, à l'encontre de moy, mes amis, bien veullans et subgectz, en donnant à entendre contre vérité plusieurs choses. Autant ou plus en ay apperceu par une coppie de certaines lectres qui se dient de vostre part, escriptes en vostre ville de Digon, le XXe jour de décembre. Les quelles publicacions et lectres, comme je croy, ne viennent de vostre sceu ou ordonnance, pour tant que assés sçavés ce que le temps passé ay fait à vostre prière, contemplacion et requeste, et par quantes fois, soubz mon beau frère le régent et vous, me suis submiz pour cuidier appaisier le different et discord dont en ycelles lectres est faite mencion, et qui est entre mondit cousin de Brabant et moy; quantes journées en ay acceptées et quelles offres, à mon préjudice, en ai fait faire ; aux quelles, comme vous sçavés, ceulx de la partie de Brabant ne voirait oncques descendre, ne prendre aulcun traictié. Supposé que ycelles lectres soient coulourées au contraire , ainsi que par la coppie d'ycelles, se vous le voulés visiter, apparoir vous pourra. Et je sçay aussy que ce que fait en ay n'est eslongié de vostre bonne mémoire. Et si sçavés que, se prochaineté de linage vous vouloit mouvoir d'aulcune chose faire, plus tost devriés estre enclin de aidier à ma partie qu'à l'autre, veu que ma compaigne et espouse est deux fois vostre cousine germaine, et que mondit cousin de Brabant de tant ne vous appartient. Et encores, oultre y estes obligié par le traictié de la paix par vous et moy solempnelment jurée, ce que oncques ne jura le duc de Brabant, mais comme vous sçavés a fait aliances contraires, qui contre lui vous devroient mouvoir. Lequel traictié n'a esté par moy enfraint, ne jà sera, ains de l'avoir pensé se me serait moult grief et me sambleroit, se fait l'avoie, que depuis ne me porroit bien venir, ainsy qu'il ne ferait. Et aussy tieng-je certain que en vostre vie ne feriés le contraire. Et d'aultre part n'avés encore peu appercevoir, que avant, ne depuis que je suis par deçà, n'aye tousjours esté désirant de à vous et aux vostres complaire, ne que j'aye fait, procuré ou porté, ou souffert procurer ou faire à vous, ne à voz subgectz, aulcuns griefs ou dommages, mais lesdiz subgectz ay traictiés et eu aussy pour recommandés comme les miens propres, comme de ce, vos diz subgectz vous pueent donner congnoissance. Avec ce, sçavés comment piécà vous ay escript, que vray est que pardeçà ne me suis entremis de demander aultrui chose, ains suis content de avoir ce qui me appartient à cause de madicte compaigne vostre cousine, et qu'à l'ayde de Dieu garderay tant qu'elle vivra; qui bien me suffît. Et se aulcune chose me a convenu et me convient faire contre mondit cousin, comme vous avés sceu, n'en suis encoulpé, mais par contrainte par ses emprises, pour mon honneur garder et mon pays deffendre le m'a convenu faire, seloncq que sçavoir le povez. A la verité, laquelle comme je tiens, en sçavés desjà qui sont assez notifians, par lesquelles je ne puis croire qu'oncques lesdictes publicacions et lectres procédassent de vostre sceu ou certaine congnoissance. Pour ce, hault et puissant prince, mon très chier et tresamé cousin, je vous prie très adcertes, que ce que dessus est dit vueillés bien considérer, c'est assavoir ce que j'ay fait à vostre contemplacion et requeste, le refus de l'aultre partie, la prochaineté de linage, le traictié de paix, que n'ay fait contre aulcune chose du vostre, et les dictes entreprises de mes adversaires. Et je croy que supposé ores que, ainsy soit que on m'a donné à congnoistre, que ne puis encore croire, et bien y pensés, prenderés aultre conseil et serés d'opinion contraire. Quand aultrement faire le vouldrés, Dieu, à cuy on ne puet riens céler, mon bon droit et le serment que y avés, je y appelle. Hault et puissant prince, très chier et très amé cousin, par ce porteur me faites sçavoir de vostre intencion. Avecques, s'il est aulcune chose que pour vous faire puisse, je m'y employerai de bon cuer, Nostre Seigneur le scet, qui soit garde de vous. Escript en ma ville de Mons, soubz mon signet, le XIIe jour de janvier. Hault et puissant prince, très chier et très amé cousin je vous envoie en ces présentes enclose la samblable copie d'ycelles lectres.
Ainsy signées : Droco. »
Desquelles lectres la superscripcion estoit : « A très hault et puissant prince, mon très chier et très amé cousin, le duc de Bourgongne. » Et la infrascription : « Vostre cousin, le duc de Glocestre, conte de Haynau, de Holande et de Zélande, de Pennebruch et seigneur de Frise. »
Lesquelles lectres ainsi déclarées, receues du duc de Bourgongne, les visita en grand délibéracion du conseil. Et après rescripvi par la manière cy-après déclarée au dessusdit duc de Glocestre.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
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