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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-24- [Comment le duc de Glocestre et la duchesse sa femme alèrent de Calais en Haynau prendre l'obéyssance des bonnes villes. Et comment le duc de Bourgongne se prépara pour aler en l'ayde du duc de Brabant son cousin.] |
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n la fin du mois de novembre, le duc de Glocestre, avecques son grand ost qu'il avoit amené à Calais, comme dit est dessus, et la duchesse Jacqueline sa femme en sa compaignie, se mist à chemin, et par Houdain et au dehors de Lens en Artois, ala en Haynau. Et en passant parmi le pays du duc de Bourgongne, ne souffri faire nul desroy, si non prendre vivres courtoisement. Et ala premiers à Bouchain et à Mons, où il fu obéys assez libéralment. Auquel lieu vindrent devers lui plusieurs des gentilz hommes et seigneurs du pays, pour à lui et à sa femme faire service et obéyssance. Et brief ensievant firent serement audit duc de Glocestre toutes les bonnes villes de la contée de Haynau appartenans à la duchesse Jacqueline, qu'il disoit estre sa femme, et aussy tous les seigneurs et gentilz hommes du pays, si non, seulement, la ville de Halx, qui tint le parti du duc de Brabant; et pareillement, le conte de Conversent, seigneur d'Enghien, et messire Englebert d'Enghien et Jehan de Jeumont, avecques toutes leurs villes et forteresces. Et les aultres, comme dit est, tant nobles comme bonnes villes, en rompant et adnichillant le serement que aultrefois avoient fait au duc de Braibant, tinrent plainement le parti d'ycelui duc de Glocestre et la duchesse Jacqueline.
Item, aulcuns jours après que le duc de Bourgongne eust espousée sa femme, comme dit est dessus, il se party d'ycelle et ala à Mascon, où il tint parlement avec le duc de Savoie et les ambaxadeurs du duc de Bretagne, desquelx estoit le principal Artus, conte de Richemont. Lequel parlement durant, vindrent audit lieu de Mascon, envoyés de par le roy Charles, Charles de Bourbon, conte de Clermont, l'archevesque de Rains, l'évesque du Pui et aulcuns aultres notables ambaxadeurs. Lesquelz, entre les autres choses, traictièrent le mariage dudit conte de Clermont et de Agniès, seur germaine dudit duc de Bourgongne. Et la promist ledit duc de Bourbon en parolle de prince, en la main dudit archevesque, de l'espouser en dedens certain temps, qui par les parties fu conclud. Et après, sans plenté d'aultres grandes besongnes acomplir, se départirent l'un de l'autre, et retourna chascun en son propre lieu.
Item, Phelippe, duc de Bourgongne, sachant la venue de Hainfroy, duc de Glocestre, en Haynau, de ce moult indigné, envoya ses mandemens patens en ses pays de Flandres, d'Artois et environ par toutes ses dominacions, lesquelx sans délay furent publiés ès lieux acoustumés, contenans que tous nobles et aultres, de quelque estat qu'ilz fussent, qui se avoient acoustumé de eulx armer, se meyssent sus en armes pour aler en l'ayde du duc de Brabant contre le duc de Glocestre, en la compaignie de messire Jehan de Luxembourg, des seigneurs de Croy, de l'Isle-Adam et autres capitaines qui ad ce seraient commis pour les conduire et mener. Après laquelle publicacion se assamblèrent très grand nombre de gens d'armes soubz la conduicte desdiz seigneurs, qui tous ensamble se traïsent devers Phelippe, conte de Saint-Pol, frère au duc Jehan de Brabant. Auquel, de par ledit duc, fu baillié la charge de faire guerre et résistence contre ycelui duc de Glocestre. Avec lequel conte de Saint-Pol estoit principal gouverneur, Pierre de Luxembourg, conte de Conversen et de Brainne, seigneur d'Enghien. Et si y estoient messire Englebert d'Enghien, les damoisiaux de Wissemale, de Rosebare, et aulcuns aultres grans seigneurs banerès du pays de Brabant, avec grand multitude du commun du pays de Brabant, et infinis habillemens de guerre.
Et adonc commença de toutes pars la guerre de Haynau, moult dommageuse, par feu et par espée. Par quoy le povre peuple fu moult oppressé. Car le dessusdit duc de Glocestre mist grand garnison de ses Anglois audit pays de Haynau, en plusieurs villes et forteresces à lui obéyssans. Et pareillement le fist le conte de Saint-Pol sur toutes les frontières de son obéyssance. Lesquelles garnisons souventefois couroient sur les marches de l'un l'autre, en faisant, comme dit est, grands et innumérables dommages.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
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