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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.I-253 - [Comment le duc de Bourgongne fist grant assemblée de gens d'armes ; et autres matières advenues en ce temps.] |
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n après, durant le temps dessus dit, tant par le mandement du duc Phelippe de Bourgongne comme par l'ordonnance de la duchesse sa mère, douairière, s'assemblèrent en armes en très grant nombre les seigneurs de Bourgongne, pour venir quérir ledit duc ès pays de Picardie et le mener devers ladicte duchesse sa mère, en Bourgongne, où elle estoit, pour avoir advis et conclusion sur leurs afaires et besongnes, qui estoient moult grans. Et eulx assemblez jusques à six mille chevaulx, se mirent à chemin soubz la conduite du prince d'Orenge, des seigneurs de Saint George et de Chasteauvilain, de messire Jehan de Cotebrune, mareschal de Bourgongne, et autres seigneurs et capitaines. Et s'en vindrent en traversant pays par la Champaigne jusques empres Lisle en Flandres, où ilz laissèrent ès villages leurs dictes gens. Et alèrent lesdiz seigneurs devers le duc, audit lieu de Lisle, qui les receut joieusement. Et pour ce qu'il n'estoit point encores prest, fut requis à aucuns des capitaines dessusdiz par messire Jehan de Luxembourg, qu'ilz alassent avecques lui pour combatre et assaillir le seigneur de Moy et de Chin, lequel tenoit la partie du Daulphin. Et traveillèrent moult le pays du duc de Luxembourg et de sa belle seur, la contesse d'Aumarle. Laquelle requeste par iceulx lui fut accordée et octroiée. Et s'en alèrent ensemble avecques lui ; qui avoit assemblé huit cens comhatans ou environ. Et en fin se logèrent vers Saint-Quentin en Vermendois, et delà passèrent oultre. Mais quant ilz vindrent assez près de Moy, où ledit chevalier par coustume se tenoit, il leur fut rapporté qu'il s'estoit parti de son chastel et l'avoit très bien fourny de gens de guerre, vivres et habillemens, et avoit ars et mis en flambe sa basse-court et plusieurs maisons de sa ville. Et adonques les diz Bourguignons, doubtans que ledit chastel ne peust estre prins si non par long siège et grant dommage de leurs gens, conclurent l'un avecques l'autre, non obstant la prière de messire Jehan de Luxembourg, de eulx en retourner vers Douay et Lisle, en raprouchant ledit duc de Bourgongne. Et en retournant et séjournant firent de très grans maulx et oppressions ès pays où ilz passoient, dont plusieurs plaintes et clameurs se firent audit duc, tant par les gens d'église comme autres, et par espécial ou pays de Picardie. Auxquelz toutesfois il fist response que brief il les remenroit en leur pays de Bourgongne et les délivrerait des oppressions dessusdictes. Et messire Jehan de Luxembourg, triste et dolant du retour desdiz Bourguignons, donna congié à ses gens, et après retourna en son chastel de Beaurevoir.
En après, le XVIe jour dudit mois de décembre, ledit duc de Bourgongne et la duchesse, sa femme, vindrent en la ville d'Arras, le conte Phelippe de Saint-Pol et très grant chevalerie avecques eulx, et tost après y vint messire Jehan de Luxembourg et les capitaines desdiz Bourguignons. Et au troisiesme jour ala ledit duc à Douay pour veoir sa tante la contesse de Haynnau, laquelle, à tout son estat, il mena à Arras, où elle fut receue très honorablement par la duchesse de Bourgongne et autres dames et damoiselles, et aussi de tous les seigneurs là estans. Et y séjourna trois ou quatre jours, durans lesquelz fu faicte audit lieu d'Arras moult joieuse chère à ladicte contesse. Et après qu'elle eut eu parlement et conclud de ses affaires avec ledit duc de Bourgongne son nepveu, se parti de là et retourna en Haynnau au Quesnoy le Conte, où estoit sa principale demeure.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
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