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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.I-255 - [Comment le dessusdit duc de Bourgongne se partit d'Arras, le conte de Saint-Pol en sa compaignie, et ala devers les roys de France et d'Angleterre. Et autres matières.] |
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tem, après que le duc de Bourgongne eut solemnellement célébré la feste de la nativité de nostre seigneur dedens Arras, et avecques lui la duchesse sa femme, ilz se partirent l'un de l'autre aucuns jours ensuivans, non mie sans douleur de cuer et sans lermes, et par espécial de la partie de ladicte duchesse. Et aussi onques depuis ne virent l'un l'autre, comme vous orrez cy-après. Si s'en ala ledit duc ou chastel du conte de Saint-Pol, à Lucheul, où il se reposa une nuit. Et lendemain, ledit conte en sa compaignie, s'en ala à Amiens et se loga en l'ostel du bailli, et jà paravant avoit envoie ses gens d'armes devant, entre Amiens et Beauvais. Ouquel lieu d'Amiens il fut une nuit et puis se partit à estandart desploié, à tout grant nombre de gens d'armes en noble arroy faisant avant-garde bataille et arrière garde, et ainsi s'en ala loger au Franc Chastel (1), et soy partant de là print son chemin à Beauvais et de là, par Beaumont ala à Paris. Et la duchesse sa femme, dudit lieu d'Arras par Lisle, à tout son estat, s'en retourna à Gand. Ouquel lieu de Paris s'en entra le duc de Bourgongne, le conte de Saint-Pol et toute sa chevalerie avecques lui, et fut receu des Parisiens très solemnellement. Et pour lors le roy de France et la Royne estoient ou Bois de Vincennes. lesquelz icellui duc ala veoir et visiter. Et depuis qu'il eut séjourné par aucuns jours audit lieu de Paris, s'en ala par Lagny sur Marne devers le roy d'Angleterre, qui tenoit son siège devant Meaulx en Brie. Duquel il fut honnorablement festyé, et tindrent ensemble de grans consaulx pour les besongnes et afaires du royaume. Mais paravant que ledit duc y alast, s'estoit parti de lui le prince d'Orenge avec aucuns autres seigneurs en grant nombre, de ses Bourguignons. Et fut la cause de son département, comme il fut commune renommée, qu'il ne vouloit point aler devers le roy Henry avecques ledit duc, afin que par lui ne feust contraint ou requis de lui faire serement ainsi qu'il avoit demandé estre fait au seigneur de Saint-George, qui ung petit devant avoit esté devers ledit roy pour le humblement requerre de la délivrance de son nepveu le seigneur de Chasteauvilain, lequel par le commandement d'icellui roy Henry avoit esté longue espace détenu prisonnier à Paris et depuis, tantost après, délivré à la prière et requeste dudit seigneur de Saint-George. Et aucuns jours passez, ledit duc de Bour-gongne retourna à Paris et de là s'en ala par Troies en son pays de Bourgongne, veoir la duchesse sa mère et ses seurs, desquelles il fut receu à très grant joye. Et tost après receut les seremens acoustumez de ceulx de sesdiz pays de Bourgongne. Et après qu'il eut achevé une partie de ses afaires, ala en Savoie veoir son bel oncle (2), qui de sa venue fut moult joieux, et y furent faictes joustes et autres esbatemens pour la révérence de sa personne. Et après retourna oudit pays de Bourgongne, où il fut longue espace de temps sans en partir.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 Francastel (Oise).
2 Amédée VIII, dit le Pacifique, premier duc de Savoie. Il avait épousé, en 1393, Marie de Bourgogne, fille du duc Philippe le Hardi.
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