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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.I-259 - [Comment l'empereur d'Alemaigne fist une armée contre les Pragoys. Et autres matières.] |
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n cest an, le roy des Rommains, empereur des Alemaignes, fist une moult grande assemblée de gens d'armes de plusieurs pays de la chréstienté, pour combatre et résister aux entreprinses des faulx puans hérétiques qui se tenoient en la cité de Prague, et ou pays d'environ deux ou trois journées. Auquel mandement alèrent grant quantité de princes, prélas, chavaliers, escuiers et communes gens, tant de pié comme de chaval des pays d'Alemaigne, de Liège, de Hollande et Zélande, Haynnau et autres lieux. Et y arriva tant de gens que à peine povoient-ils nombrer. Mais les hérétiques tindrent si fort la cité de Prague qu'on ne povoit guères dommager, si non en aucuns rencontres, où il y en eut plusieurs mis à mort. Et estoient en si grant nombre, et si fort pays, que par faulte de vivres convint lesdiz chrestiens retourner. Et pour vray, iceulx mauldis hérétiques estoient si obstinez en leurs erreurs qu'ilz ne craignoient nulz martires dont on les feist mourir. Et mesmement se desguisoient, armoient, les femmes, ainsy que dyables, pleines de toutes cruaultez, et en furent trouvées plusieurs mortest et occises ès dessusdiz rencontres.
Et d'autre part furent trouvez en l'an dessusdit, plusieurs hommes et femmes tenans ladicte hérésie et faisant leur concile ensemble, en ung vilage près Douay, nommé Sains, dedens lequel ilz furent trouvez et menez prisonniers à la court de l'évesque d'Arras. Desquelz les aucuns se repentirent et rappellèrent, lesquelz furent reçeuz à pénitence et mercy, et les autres, après qu'ilz eurent esté preschez dudit évesque et de l'inquisiteur de la foy, furent ars et brouyz audit lieu d'Arras, à Douay et à Valenciennes.
En après, messire Jehan de Luxembourg, à tout sa puissance et ses capitaines, retourna la nuit de pasques communaulx devant les deux chateaux d'Araines, et là fist drécer contre les murs d'icellui plusieurs engins, lesquelz incontinents les dommagèrent très fort en plusieurs lieux. Et d'autre costé lesdiz assègez, en grant diligence, se défendirent contre leurs ennemis, c'est assavoir de canons, arbalestres et autre traict, et avecques ce firent aucunes saillies, auxquelles ils ne gaignèrent pas gramment. Mais, pour tant qu'ilz estoient bien garnis de vivres et de traict, se tindrent-ils une longue espace. Et avecques ce leur avoit esté promis par aucuns tenans la partie du Daulphin, qu'ilz seroient secourus si puissamment que pour les délivrer de leurs ennemis.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
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