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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.I-268 - [Comment la duchesse de Bourgongne, Michele, ala de vie à trespas. Du duc de Bethfort qui fut fait régent de France. Et de plusieurs fortresses qui furent abatues.] |
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tem, durans les assemblées qui se firent pour le voyage de Cosne, comme dit est dessus, s'acoucha malade en la ville de Gand la duchesse de Bourgongne, Michele, fille du roy de France et seur au duc de Touraine, Daulphin. En laquelle maladie tant continua qu'elle ala de vie à trespas. Pour la mort de laquelle tous ses serviteurs et universellement tous ceulx de Gand et de la conté de Flandres, n'entendirent à joye, mais à pleurs et parfons gémissemens. Car elle estoit moult aymée de tous, mesmement des pays du duc Phelippe son mary, et bien y avoit raison, pour ce principalment qu'elle estoit de haulte extraction, belle et bien formée, aornée de toute bonne condicion et bien moriginée selon la condicion de ceulx qui d'elle avoient congnoissance. Si fut son corps mis en terre en l'église du monastère Saint Bavon emprès Gand. Toutesfois il fut lors assez commune renommée en celle ville de Gand que sa mort avoit esté avancée. Et de fait, en fut souspeçonnée une sienne demoiselle nommée Ourse, femme à Copin de la Viefville, natifve d'Alemaigne, laquelle estoit à ladicte duchesse moult familiere, portant son séel. Et durant sa maladie l'avoit mise hors de son hostel, et se estoit icelle retraite en la ville de Aire. Auquel lieu envoièrent les Gantois jusques à six vints hommes de leurs gens pour aler quérir et ramener à Gand ladicte damoiselle. Mais quant ilz furent venus en ladicte ville de Aire, ilz trouvèrent messire Gauvain de la Viefville et aucuns autres gentilz hommes de l'apartenance et amitié du mary de ladicte damoiselle Ourse, lesquelz promirent ausdiz Gantois de la mener devers le duc de Bourgongne pour en faire son plaisir. Et ainsi que promis l'avoient, le firent. Après laquelle promesse, iceulx Gantois retournèrent en la ville de Gand, et pour ce que point ne l'avoient ramenée, furent iceulx en grande indignacion de ceulx de ladicte ville, et en y eut aucuns de principaulx mis prisonniers, et aussi furent très mal contens du maire, eschevins et jurez de ladicte ville d'Aire, pour ce que point ne leur avoient envoie à leur mandement ladicte damoiselle. Et d'autre part, non obstant que le seigneur de Roubaix eust tousjours esté durant les besongnes dessusdictes ou pays de Bourgongne en la compaingnie dudit duc, néantmoins, à ceste cause, le bannirent les dessusdiz Gantois de leur ville et de toute la conté de Flandres. Mais depuis, quant ledit duc y fut retourné, il lui rendi le pays et lui, fist sa paix ausdiz Gantois certain temps après. Car il n'avoit quelque suspicion contre ledit seigneur de Roubaix pour le cas dessusdit, pour ce qu'il le sçavoit tousjours avoir esté en sa compaignie tandis que ce estoit advenu. Si se passa ainsi la besongne et n'en fut procédé, ne enquis plus avant.
En après, en ce mesme temps, fut par l'auctorité des roys de France et d'Angleterre et de leur grand conseil, le duc de Bethfort constitué régent du royaume de France, pour ce que le duc de Bourgongne ne l'avoit point voulu entreprendre, et dès lors commença à gouverner et conduire toutes choses concernant ledit régime; selon son plaisir, avecques le conseil royal des marches de France.
Item, ung petit paravant avoient esté démolis et abatus de fons en comble par mandement royal les chasteaulx de Dormin, Cressonsac, Mortemer, Tilloy, Araines, Héricourt, Lannoy et plusieurs autres fortresses. Dont moult despleut aux nobles hommes aux quelz lesdictes fortresses appartenoient. Mais à ce ne porent aucunement pourveoir.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
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